Le mage déplia les rouleaux de parchemins pour vérifier une dernière fois le résultat de ses calculs. Une grimace de satisfaction déforma le trait rectiligne de sa bouche. Il lui fallait à présent trouver un sujet parfait pour mettre en œuvre son grand projet, quelqu’un d’intelligent, de courageux et surtout une âme forte. Corrompre une âme forte demanderait beaucoup d’effort, mais le bénéfice tiré n’en serait que plus grand. Toute la difficulté résidait dans le choix du candidat, de telles personnes étaient rares, extrêmement rares.
Si son plan fonctionnait, s’approprier d’autres âmes deviendrait un jeu d’enfant. Les pouvoirs du Maître en seraient décuplés et rien ne pourrait entraver la réalisation de son vaste projet : soumettre le monde à sa toute-puissance. Une pensée sournoise vint perturber la réflexion du mage : et s’il confisquait le pouvoir de ses âmes à ses propres fins ? Ne méritait-il pas une consécration à hauteur de ses talents ? Une image s’imposa brutalement à son esprit, celle de corps carbonisés dans des postures cauchemardesques. Non, non !!! Il chassa ces considérations délirantes d’un revers de la main. Mécontenter le Maître n’était pas une option envisageable ! N’était pas une option, tout court !!!
L’homme frissonna, les sens soudain en alerte. Un froid brûlant avait envahi la pièce.
Avec la certitude que confère une longue habitude, il sut que le Maître se tenait là, debout, derrière son dos. Aucune autre créature n’aurait pu changer l’air en glace aussi rapidement, en une seule expiration.
Le Maître se tenait là et il l’observait.
Le mage se retourna avec lenteur, et non sans une certaine appréhension. Son corps longiligne s’inclina avec déférence, aussi bas et humblement qu’il le put, le regard cloué au sol.
- Je vous salue, Ô Maître vénéré.
- Où en sont tes travaux, Mage ? Je commence à m’impatienter !
L’exclamation basse semblait tout droit jaillie des entrailles de l’enfer. Chaque mot prononcé propageait de fines gouttelettes de givres, figeant le moindre souffle d’air.
- Tout est prêt, Ô Maître vénéré, il ne me reste qu’à trouver le bon sujet.
- Tu n’as plus droit à l’erreur, répondit la voix impatiente. N’oublie jamais que nul n’est irremplaçable.
- Oui, Maître vénéré, bafouilla le mage. Cette fois, je ne vous décevrais pas.
- Je te le conseille. Tu connais le châtiment réservé aux incompétents.
Je reviens te lire avec plaisir (= Très intéressant de découvrir ce premier chapitre. On a envie d'en découvrir davantage, de comprendre leurs véritables motivations. Je dois dire que le cadre de la Russie du XIXe m'intéresse beaucoup, hâte de voir pourquoi tu l'as choisi.
J'attaque la suite (=
Au plaisir