Prologue

“ Être jeune et timide
Se révendiquer forte et combattante
Parfois peut donner des rides
Avant l'âge et te rendre hésitante.

Être brisée et emprisonnée
Rêver chaque nuit de liberté
Et au petit matin souhaiter
Ne plus s'en aller.

Être Perdue et confuse
Lorsque la fin s'annonce maussade
Seuls les plus chanceux s'amusent
Et moi je deviens plus froussarde.

                             À Mahor, mon amour. ”

Entre ces mots, je me perds. Ceux-ci me tourmentent, me rappellant qui je suis devenue.

Mais qui étais-je avant ?

Personne. Juste celle qu'ils ont créée et manipulée à leur guise. J'étais seule contre eux et ils en ont profité pour me détruire à petit feu et me rendre misérable.

Comment est-ce arrivé ?

Cet amour qu'ils juraient éprouver à mon égard, n'était qu'un poison aux effets aussi lents qu'une tortue mais aux conséquences aussi douleureuses qu'une morsure d'un serpent vénimeux. Oui, le plus dangeureux des serpents !

Pourquoi m'ont-ils fait cela ?

Aucune réponse à ces questions qui ne franchiront jamais le barrage de mes lèvres. Celles-ci demeureront à jamais sous scellées dans mon âme car mon coeur s'est éteint et mon esprit a abandonné l'idée d'un futur où mes pieds froleront l'herbe d'un jardin qui n'existera jamais, et mes mains caresserons le pellage d'un des moutons de ma ferme qui ne sera jamais construite. Non, je me suis résignée en acceptant ma défaite. Ma défaite contre « eux », contre la vie et contre moi.

Seule la mort pourra m'apporter la paix tant espérée !

Je resserre d'avantage la pression sur la manche du couteau que je tiens entre mes mains. La douleur physique n'est qu'éphémère car seul le déchirement intérieur, qui me fend jusqu'au plus profond de mes entrailles, réussit à me faire saigner autant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Mes yeux se ferment instantanément car le moment est venu de me libérer et de m'échapper de cette vie dont je n'ai jamais voulue. La lame me transperce le poignet dans un mouvement réfléchi et hésitant tout de même.

Ça y'est, je m'en vais...

Une violente douleur m'envahit en une poignée de secondes et un gémissement plaintif s'échappe de mes lèvres légèrement entreouvertes. Le bruit de mon sang qui gicle lentement sur le sol suffit à me faire comprendre que la fin est proche. Et malgré mes yeux clos, j'ai la certitude d'avoir atteind la partie la plus semblible.

La mort prend moi, je t'attends !

Mon corps devient léger... non lourd. Il bascule lentement en arrière me faisant lâcher le couteau qui rencontre le sol dans un bruit strident. Je me laisse aller. Je me laisse m'en aller.

— Lilah, qu'as-tu fait ?

Cette voix ! Je la reconnaîtrais entre mille voire des millions de chuchotements. Elle me charme, m'enchante et me captive mais pas suffisamment pour me faire changer d'avis. J'ai fait mon choix !

— Lilah, pourquoi ? Reprend la voix, une main baladeuse sur mon visage et l'autre qui maintient mon poignet ensanglanté.

Son corps tremble au dessus du mien. Sa respiration irrégulière me fouette le visage brutalement mais si agréablement. Je souris légèrement avant de sentir de petites gouttes se poser sur mon visage.

Non, Mahor ne pleure pas pour moi.

— Lilah s'il te plaît, murmure t-il la tête posée sur ma poitrine au dessus de mon coeur en reniflant bruyamment. 

Je m'autorise enfin à ouvrir les yeux pour le regarder ne serais-ce qu'une dernière fois, mais un épais brouillard m'obscurcit la vue m'empêchant de réaliser ce dernier voeu.

Le voir juste une dernière fois !

Mais la grande faucheuse en a décidé autrement. Je la sens qui tourne autour de moi en me chuchotant des promesses d'une libération certaine.

Je suis prête, prend moi !

Mes paupières deviennent lourdes et se referment lentement. Je ne lutte plus, car le combat vient de s'achever. Je m'en vais dans un monde qui m'offrira une deuxième chance de réécrire mon histoire.

“ Je t'abandonne Mahor, mais n'oublie jamais que je t'ai aimé, et continuerais de t'aimer dans toutes mes prochaines vies ”.

Cette promesse que mes lèvres n'ont pas pue retranscrire, est gravée à jamais dans mon âme. 

Car tu as toujours été.

Mon amour impossible !

...