Prologue

Moi, Sara, fille du roi Édouard d’Andalore, à mes amis, ceux que j’aime, et aussi aux générations futures, afin qu’elles entrevoient leur avenir au travers du reflet de leur passé et ne soient plus délaissées par l’histoire comme nous l’avons été.

J’aurais aimé parapher mon ouvrage d’une date qui ait un sens. Officiellement, nous sommes en l’an 753 de notre ère. Mais de quelle ère ? Nous ne savons remonter au-delà de cette année arbitraire que nous avons baptisée an 0. Quant au contenu de ces huit siècles, nous n’avons rien de plus précis que la généalogie des suzerains et de leurs faits glorieux.

Pour ceux qui me lisent sans notion de contexte, nous évoluons sur une île divisée par deux bras de mer qui se rejoignent presque. Ce lieu, que nous avons appelé Isthme de Bladel, représente aujourd’hui la frontière naturelle qui nous sépare de nos ennemis héréditaires. Nous y avons bâti un fort afin d’en protéger l’accès.

Dix royaumes se partagent la partie nord de l’île. De par sa situation, le nôtre protège tous les autres. C’est à mon père, souverain d’Andalore, qu’il revient de défendre la frontière, car le fort de l’Isthme nous appartient.

Ces dix royaumes, les derniers qu’il nous reste, ne sont guère unis. Lorsque la paix avec nos ennemis perdure, nous nous chamaillons et, parfois, nous guerroyons. Il y a près de cent ans, un grand suzerain a bien tenté de fédérer les royaumes. L’alliance a duré un temps, le temps de sa vie, puis, tout est redevenu comme avant.

La société des humains est régie de manière très classique au sein d’une organisation que nous avons toujours connue. Le pouvoir est détenu par le roi. Celui-ci a droit de vie et de mort sur ses sujets. La population est pauvre et contrainte par les guerres, les épidémies et les famines. Les échanges entre royaumes dépendent de la bonne entente entre suzerains. Le mariage entre princes et princesses demeure un important facteur de stabilité au sein de nos différentes provinces. J’ai dix-neuf ans. Selon les ambitions de mon père, je risque de me retrouver concernée plus vite que je ne l’espère.

Au-delà de la Terre des Hommes se situe un territoire plus grand encore. Les Galiens qui le peuplent semblent avoir pour seule ambition de nous rejeter à la mer. Sur cette terre sauvage, les contrées proches de nous appartenaient naguère aux humains. Il y a près de quinze ans, une armée galienne a assiégé la dernière forteresse et l’a investie. Seuls ont survécu enfants et adolescents, emmenés comme esclaves vers les grandes plaines du sud.

Ce sont ces Galiens qui se dirigent une fois de plus vers nous pour nous voler nos terres. La nouvelle a fait grand bruit lorsque nous avons pris connaissance de notre sort. Une armée de huit à dix mille soldats monte vers l’Isthme. L’histoire se répète et, cette fois, c’est à notre tour…

Nos savants ont récemment déterminé que Galis, notre planète, est une immense sphère presque entièrement recouverte d’un non moins immense océan. Notre île, un confetti face à l’infini, semble représenter le seul support où la vie terrestre puisse s’épanouir. Devant l’avancée inéluctable des Galiens, toute fuite est exclue.

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