La bataille faisait rage depuis plusieurs heures, mais les guerrières tenaient bon, elles étaient le seul rempart entre les créatures de l’inframonde et la civilisation.
La plaine d’ordinaire si verte était à présent maculée de sang et de corps sans vie, parfois démantibulés. Hippolyte observa la bataille entre deux assauts, elles avaient le dessus.
Du moins pour le moment, rien n’était gagné. Elle fut alertée par des pleurs de bébé.
Astéria ! L’enfant des dieux. Si les créatures s’en emparaient, ce serait la fin pour son peuple, ils la tueraient et alors plus aucun espoir de victoire ne serait possible.
Altika se précipita vers l’enfant ; jamais elle ne s’en séparait. Sa fille était bien trop précieuse, la laisser seule dans la cité où elles résidaient était presque aussi dangereux que de l’avoir ici avec elle. Elle enveloppa l’enfant d’un plaid en laine, et se mit en selle avant de lancer son cheval au galop. Elle prit la direction de la forêt. Il fallait protéger la petite coûte que coûte.
Des craquements et des ricanements lugubres dans les arbres lui indiquaient clairement qu’elles étaient suivies. Ces créatures ne lâcheraient rien tant que sa fille et elle seraient en vie, elle le savait. Le cheval absorbait les mètres, les kilomètres, rien ne le stoppait.
Mais alors qu’elle atteignait les abords de leur cité, l’animal fut abattu.
Altika se releva et s’empressa de vérifier que son bébé n’avait rien. La fillette de tout juste un an pleurait, mais heureusement il y avait plus de peur que de mal.
La guerrière prit ses jambes à son cou, elle était bien moins rapide à présent, mais pouvait se faufiler dans des endroits où elle n’avait pas accès avec le cheval.
Elle finit par trouver refuge dans le tronc d’un arbre centenaire, la carcasse qui y pourrissait laissait deviner qu’elles étaient sur le territoire d’un grand prédateur, probablement un jaguar.
Mais la vie de sa fille valait bien de prendre des risques. De plus, l’odeur de la viande en putréfaction camouflerait la leur. Elle resta assise au creux du tronc, câlinant sa fille, la berçant pour la réconforter et éviter qu’elle ne pleure.
Ce ne fut qu’à la tombée de la nuit qu’elle s’autorisa à sortir. Elle plongea son regard dans celui de son enfant et sentit son instinct maternel la guider. Elle marcha toute la nuit à un rythme soutenu jusqu’à franchir les limites de leur territoire et déboucher en lisière de forêt.
Elle quittait son monde pour entrer dans celui des hommes civilisés.
Elle arpenta les rues de la ville, sa fille serrée contre son cœur. Tout était silencieux, désert, les gens dormaient encore. Elle marcha en silence, seuls ses pas résonnant légèrement dans le calme nocturne. Elle s’arrêta devant une maison. Cette dernière semblait bien entretenue. Un chien dormait dans le jardin, un chien blanc. Altika pris une inspiration et approcha l’animal qui ne bougea pas, profondément endormi, elle déposa sa fille près du canidé puis récita des mots en grec ancien, bénissant l’animal. Après quoi, elle se retira et regagna la forêt le cœur lourd. Jamais ces monstres n’iraient chercher sa princesse ici. Elle reprit la direction de la cité pour rejoindre sa tribu. Mais n’arriva jamais à destination.