Je lisse du plat de la main ma robe fourreau noir alors qu’on m’installe les micros. Sur ma droite, de nombreux techniciens s’agitent dans tous les sens, tandis qu’une maquilleuse se dirige droit devant moi pour parfaire mon maquillage et ma coiffure.
C’est ma première apparition dans une émission aussi prestigieuse. Chaque soir, elle est regardée par des millions de téléspectateurs et lorsque Rose a annoncé prendre sa retraite, la semaine dernière en plein direct, j’ai cru à un canular. Cette femme solaire, m’a accompagnée toute mon enfance. Je faisais mes devoirs sur ses émissions, je dînais, je jouais et jamais je n’aurais pu penser qu’un jour je prendrais la relève. Lorsqu’on m’a appelé pas plus tard qu’il y a trois jours pour me proposer un entretien dans les locaux, je suis restée bouche bée. Je ne suis qu’une jeune femme qui vient de fêter ses dix-huit ans, qui a posé pour quelques magazines à peine connus et qui a joué un second rôle dans une mini-série Netflix. Et aujourd’hui, je vais animer l’émission la plus célèbre des Etats-Unis. J’ai encore du mal à le croire.
― Ne stresse pas trésor, me souffle la maquilleuse alors qu’elle poudre mon teint. Tu es sublime et je suis persuadée que les téléspectateurs vont t’adorer.
― Et si je bafouille ? m’inquièté-je. On est en plein direct et…
― Et rien du tout ! intervient Rose qui fait son entrée dans les coulisses. J’ai confiance en toi et ne m’offense pas en pensant que je t’ai choisie bêtement. J’étais sur le tournage de la série dans laquelle tu as un rôle sur Netflix. Tu joues divinement bien, tu es jolie, tu t’exprimes parfaitement, alors de quoi as-tu peur ?
De tellement de choses ! De tomber : j’ai remarqué que le sol était glissant et qu’avec mes talons de douze centimètres la catastrophe peut vite arriver. De ne pas trouver mes mots : certes un petit écran me donne les répliques, mais je dois éviter de le fixer trop longtemps et quand je panique je perds mon latin. De ne pas plaire au public : Rose est une icône, les gens l'adulent et quand quelqu’un d’autre prend la relève, généralement elle fait un flop.
Me voyant sur le point de paniquer, Rose pose ses mains sur mes épaules en enfonçant son regard chocolat dans mes yeux verts.
― Tu vas faire un carton ! Aie confiance en toi et tout ira bien.
À peine a-t-elle terminé sa phrase qu’un homme âgé de la quarantaine s’arrête dans ma direction, l’air complètement affolé. Ses yeux scrutent sans arrêt sa montre de luxe et il baragouine des choses incompréhensibles.
— Ça commence dans moins d’une minute ! Va sur le plateau ! Et n’oublie pas de sourire !
Il me pousse sans même me regarder, trop concentré sur les aiguilles qui menacent de le rendre fou.
Mes talons claquent sur le parquet lustré et je tente de ne pas paniquer lorsque j’entends grâce à mon oreillette le compte à rebours :
— 5…4…3…2…1 ! Médina c’est à toi !
Je souris, lève les yeux vers la caméra en face de moi puis déclare d’une voix que j’espère être agréable :
— Mesdames et Messieurs bonsoir ! Bienvenue sur New-York Show ! Je me présente, je suis Médina Carter, votre nouvelle présentatrice ! C’est pour moi un immense honneur que d’animer cette émission qui m’a vu grandir et j’espère pouvoir faire de même avec vous !
Le public présent sur le tournage applaudit, me donnant le courage et la force de continuer sans bégayer.
— Ce soir, c’est une soirée très spéciale puisque nous allons retracer tous les loupés et les moments les plus drôles qui ont marqué l’émission ! Et pour ce faire, veuillez accueillir Rose Hawkins !
***
Après deux heures de tournages intenses à animer, rire et à interagir avec le public et Rose, je m’affale sur la banquette molletonnée de ma loge. Je n’ai jamais autant transpiré de ma vie : la chaleur des spots, lumières et caméras vont me faire perdre les quelques kilos que j’ai pris.
Tout s'est plutôt bien passé dans l’ensemble si on oublie que j’ai failli mourir sous la chaleur. Pendant la pause, Rose m’a conseillé de mettre des vêtements fins et de bien m’hydrater. De toute façon, je finirais par m’habituer.
Téléphone à la main, je réponds aux nombreux messages de mes proches qui m’ont soutenu. Parmi eux, celui que Vince, mon petit-ami depuis deux ans, me réchauffe le cœur.
[Je suis tellement fier d’avoir pour petite-amie la nouvelle présentatrice du New-York Show ! Tu as été sublime et parfaite ce soir ! J’ai regardé les commentaires sur internet et les gens t’adorent déjà ! Tu peux être fière de toi ! À ce soir, bisous mon cœur.]
Vince est mon fan numéro un, il m’a toujours soutenu, peu importent mes décisions les plus loufoques soient-elles. À deux, nous formons un tout, une équipe. Et ensemble, nous sommes inébranlables.
Je lui réponds que j’arrive bientôt puis je tape mon nom dans la barre de recherche internet. Les premières images de l’émission apparaissent en gros avec ma tête dessus. Juste en dessous, les gros titres : « Médina Carter la nouvelle présentatrice du télé-show New-yorkais ! » « La remplaçante éblouissante de Rose Hawkins.» ou encore « Qui est la nouvelle présentatrice du New-York show ? »
Je clique sur le premier article, impatiente de découvrir ce qu’il se dit sur moi. Je sais qu’il vaut mieux éviter de faire ce genre de chose car certaines personnes sont malveillantes et que nous ne sommes pas au goût de tout le monde, mais je suis intriguée. De plus, Vince m’a dit que les commentaires étaient bons et que les gens m'adoraient. Alors, il n’y a aucun risque.
Je lis à peine les mots écrits par le journaliste pour trouver la rubrique « commentaires ». Près de deux cents personnes ont commenté un petit quelque chose, pour mon plus grand plaisir.
« Elle présente bien et en plus elle est magnifique ! »
« Je vais regarder cette émission tous les jours, juste pour elle. »
« Ce n’est pas la fille qui a joué dans quelques épisodes de Allô docteur ? En tout cas, elle lui ressemble et elle est tout aussi belle. »
« Woooow ! Elle déchire ! »
Je souris de toutes mes dents en faisant défiler les commentaires. Je suis soulagée d’apprendre que le public m'apprécie et qu’ils ne m’en veulent pas de reprendre la relève. Je sais que je risque d’avoir quelques commentaires horribles, je ne peux pas plaire à tout le monde. Mais, savoir qu’une petite partie, m’apprécie me donne le sourire.
Je bois la dernière gorgée de ma bouteille d’eau, enfile mon manteau en laine, mon écharpe et j’attrape mon sac avant de sortir de ma loge pour rentrer chez moi.
Même si l’émission est terminée depuis plusieurs minutes, les techniciens continuent de courir partout. En sortant, je croise Rose et Willy, mon agent. C’est l’équipe du New-York Show qui me l'a envoyée pour gérer mon planning et mes déplacements. En bref, tout ce qui est prise de tête et que personne ne veut gérer, c’est Willy qui les gère pour moi.
— Médi’ ! Justement je voulais te voir, s’exclame Willy en tenant dans ses mains sa tablette dernier cri. Demain midi, tu as une interview au JT. Joshua Barking aimerait bien te poser quelques questions au début de son journal. Également, mercredi matin tu as une séance photo pour les nouveaux bijoux d’une prestigieuse maison. Viens sans maquillage et habillée confortablement, l’équipe te préparera sur place.
Je reste sans voix plusieurs secondes. Le célèbre présentateur du JT, Joshua Barking, veut une interview de moi. Je me répète cette phrase plusieurs fois dans ma tête sans y parvenir à y croire. Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pas imaginé une telle chose. Cet homme a toujours présenté le journal et les gens l’adorent ! D’habitude, il consacre une partie de son temps à des chanteurs mondialement connus et aux acteurs vedettes du box-office, pas à une nouvelle présentatrice qui n’a fait qu’une seule émission.
— Je…, soufflé-je sans savoir quoi dire, trop heureuse de tout ce qui m’arrive. C’est génial !
— C’est génial en effet. Viens une heure à l’avance demain, le temps que les maquilleurs et coiffeurs aient le temps de te préparer. À demain.
Je le salue et au même moment, mon téléphone vibre dans ma main, m'annonçant que mon taxi m’attend juste en bas de la tour. Je tambourine sur le bouton de l’ascenseur pour qu’il descende au plus vite à mon étage. Les taxis New-Yorkais n’ont pas la réputation d’être patient, et je n’ai pas envie de devoir attendre dans le froid qu’un autre arrive. De plus, je perdrais ma course.
Lorsque les portes de la cabine s'ouvrent, je me fige sans connaître la raison de ma soudaine peur qui grandit en moi. Mes yeux rencontrent ceux d’un homme d’à peine trente ans. Son regard glacial, m’envoie une salve de frissons qui dévalent désagréablement mon dos. Ma gorge s’assèche, mes doigts se mettent à fourmiller douloureusement et je n’arrive toujours pas à esquisser un mouvement pour rentrer dans l’ascenseur. La sensation de la connaître depuis toujours, amplifie la peur qui me glace le sang.
Les portes de l'ascenseur finissent par se refermer alors que je ne suis pas entrée dans la cabine. Je suis incapable de faire un quelconque mouvement, bien trop pétrifiée devant cet homme qui me terrifie. Je ne saurais dire si c’est à cause de ses yeux bleus capables de me glacer sur place, la sensation de le connaître sans jamais l’avoir vu ou l’expression de haine qui s’est emparée de son visage lorsqu’il m’a aperçu, mais en tout cas il m’a tellement terrifiée que je dois attendre le prochain ascenseur.
Lorsque notre contact visuel se rompt, mon corps décide enfin de retrouver toute sa mobilité. Mon souffle redevient régulier, et je peux enfin respirer correctement. Je finis par arriver dans le hall de l’immeuble en me dépêchant pour regagner mon taxi, qui j’espère, ne s’est pas fait la malle.
Par chance, celui-ci m’attend encore, j'accours dans sa direction et au moment où mes doigts se posent sur la poignée pour ouvrir la portière, je me fige à nouveau. Ma tête se tourne d’elle-même sur ma gauche, où l’homme se trouve. Il me fixe, accolé contre un mur, les bras croisés sur son torse. Installé ainsi, il fait ressortir chaque muscle de son corps et je le trouve encore plus effrayant que dans l'ascenseur.
— Mademoiselle, m’interpelle le chauffeur. Vous montez oui ou non ?
Je réussis, je ne sais comment à monter à l’intérieur de l’habitacle alors que tout mon corps est pris sous l’assaut de frissons. Être enfermée à l’intérieur de la voiture n’empêche pas à mon corps de ressentir encore la présence de l’homme.
Je risque un coup d'œil dans sa direction et mes yeux s’écarquillent lorsque je constate qu’il se dirige à grand pas dans ma direction, le regard emplit de haine.
— DÉMARREZ ! crié-je alors que la panique prend place dans tout mon être.
Je lâche un soupir de soulagement lorsque la voiture s’éloigne. Le chauffeur a dû ressentir ma détresse puisqu’il démarre au quart de tour. Il ne ralentit pas la cadence jusqu’à ce qu’il s’arrête devant mon immeuble. Tout le long du trajet, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder s’il se dirigeait dans ma direction. Bien que mon corps soit redevenu normal, j’ai encore l’impression de sentir son regard glacial et furieux sur moi.
Je tente de me rassurer en me disant que je ne le reverrai peut-être jamais. Pourtant, je suis persuadée au fond de moi que nos chemins se rencontreront à nouveau. Cette pensée, achève le reste de calme qu’il me restait.
Pour calmer mes nerfs qui menacent de lâcher à tout moment, je monte les marches un à un jusqu’au troisième étage, où se trouve l’appartement que je loue avec Vince. Je reste quelques secondes devant la porte à souffler pour ne pas l’alerter. Je ne veux pas qu’il s’inquiète et le connaissant, si jamais j’arrive en retard à la maison, il risquerait d'appeler tous les commissariats aux alentours pour qu’ils partent à ma recherche.
— Je suis rentrée, crié-je en me déchaussant et en laissant tomber mon sac à main sur le sol.
Je me dirige en direction de la cuisine où il est toujours fourré. Une délicieuse odeur s’échappe de celle-ci faisant grogner mon ventre qui n’a rien avalé depuis plusieurs heures. J’étais tellement stressée ce midi que je n’ai rien pu manger.
— Voici ma fabuleuse petite-amie. Tu as faim ?
Il s’essuie les mains sur le torchon qu’il a noué sur le côté droit de son tablier en me souriant. Depuis deux mois, Vince travaille comme commis dans une petite brasserie au bout de notre rue.
— Oui ! Ça sent trop bon ! Qu’est-ce que tu as fait ?
— C’est une surprise.
Tout en dénouant son tablier de ses hanches, il plaque sa bouche sur la mienne puis m’attrape la main pour m’entraîner jusqu’à la salle à manger. Vince réussit à faire taire toute ma peur avec sa petite attention, qui me fait sourire. Il a dressé une table, où se dressent des chandelles qui illuminent la pièce. Sur une assiette, un lys bleu est posé en biais. Il a également sorti les couverts en argent, que nous sortons d’habitude seulement lorsque nous recevons du monde.
— Merci beaucoup, soufflé-je. Il ne fallait pas.
— C’est un jour spécial. Tu as fait ta première sur l’émission la plus populaire, alors je me suis dit que je pourrais clôturer cette magnifique journée par un somptueux repas en amoureux.
— Tu es parfait ! lâché-je en m’asseyant à table, sourire aux lèvres.
Vince réussit à égayer cette fin de journée. J’en oublierais presque ma rencontre avec l’inconnu de l’ascenseur, mais mon cerveau n’arrive pas à oublier son visage qui m’est familier. Son prénom est sur le bout de ma langue, je le sais, pourtant je n’arrive pas à mettre le doigt dessus, comme si quelque chose m’en empêchait.
Le reste de la soirée, je cache mon trouble et ma peur derrière des sourires et des compliments. Pas que je veuille lui mentir ou lui cacher quelque chose, mais il ne sait rien passé ce soir. Cet homme m’a juste fait flipper et si cela se trouve, c’est moi qui ai eu peur pour rien. Il ne m’a pas adressé la parole et il n’a pas non plus cherché à me parler. Et peut-être qu’il allait dans son taxi et qu’il ne dirigeait pas droit devant moi. La fatigue me fait peut-être délirer.
Une fois dans la douche, je laisse l’eau bouillante dénouer mes muscles crispés. Je reste sous l’eau jusqu’à ce que le ballon d’eau chaude soit vide et que le froid m’envoie me mettre en pyjama.
Dans la chambre, Vince regarde son téléphone en fronçant les sourcils. Il semble mécontent et il bougonne dans sa barbe naissante. Curieuse de savoir ce qu’il le met dans cet état, je m’installe à ses côtés en posant ma tête sur son épaule en fixant son téléphone. Il lit un commentaire sur un article Facebook, parlant de moi.
« Je ne comprends pas comment on peut trouver cette espèce de gamine jolie ? Regardez-la, à se pavaner avec ses talons beaucoup trop haut pour son âge, à se croire meilleure que les autres, à tordre des fesses comme une salope et rigoler comme une espèce de pimbêche beaucoup trop maquillée. C’est cette adolescente boutonneuse que vous voulez voir à l’antenne ? De toute façon, le seul succès qu’elle aura, ce sera des vieux pervers en manque qui se branleront sur son cul refait. »
Je relis plusieurs fois le commentaire, stupéfaite devant cet élan de haine. Vince qui est bien plus énervé que moi, commence à taper une réponse à son commentaire, mais je l’arrête. Répondre à ce genre de personne ne sert à rien.
— On ne va pas rentrer dans son jeu. Son commentaire haineux ne m’atteint pas.
Faux. Je tente de sourire, mais je ne cesse de me repasser les mots écrits par théa2516. J’ai bien conscience que je ne peux pas plaire à tout le monde, mais de là à être à m’insulter de “salope”, me mine légèrement le moral. Je n’ai pas envie de renvoyer une image d’une femme qui ne se respect pas.
— Eh, souffle Vince en me caressant la joue tendrement. Ne fais pas attention à ce commentaire. C’est certain que cette théa machin chose est jalouse. Dénigrer une personne derrière un écran prouve sa stupidité et jalousie.
— Je ne sais pas… et si elle avait raison ? Et si j’étais trop maquillée ? Que mes talons sont trop hauts.
Scandalisé par mes propos, Vince se redresse m’obligeant à enlever ma tête de son épaule. Il m’attrape par les hanches pour m’asseoir à califourchon sur lui. Yeux dans les yeux, il m’attrape le menton, l’air sérieux et déclare d’une voix solennelle :
— Ne redis jamais ça, d’accord ? Tu n’as rien besoin de changer, tu as été parfaite !
— Mais…
— Mais rien du tout, me coupe-t-il. Ne te préoccupe pas de ce commentaire inutile ! Il y a beaucoup plus de personnes qui t’adorent !
Je baisse les yeux. D’habitude, je ne suis pas tellement émotive, mais avec tous les événements qui se sont produits aujourd’hui, les larmes commencent à couler sur mes joues. Vince efface chacune des gouttes qui perlent avec sa bouche, embrassant mon visage délicatement. Ses doigts s’agrippent à mes hanches, soulevant mon haut de pyjama pour caresser mon épiderme qui frissonne sous son contact.
Sa bouche vient trouver la mienne avec douceur, envoyant valser loin de nous toutes mes incertitudes et mes peurs. Vince à la capacité de me transporter dans un autre monde juste sous l’assaut de ses baisers. Je m’agrippe à ses cheveux alors qu’il fait disparaître mon haut de pyjama et sa bouche se noie dans mon décolleté, me faisant renverser la tête en arrière tout en bougeant le bassin sur son érection qui grossit sous moi.
Vince s’arrête net, les yeux écarquillés alors que sa bouche crache de l’eau. Il me pousse sans aucune douceur alors qu’il commence à s’étouffer en portant sa main à sa bouche. Alors que je tends la main pour l’aider, je me fige. Des frissons désagréables remontent le long de mon échine dorsale, mes doigts se mettent à trembler et la douloureuse sensation de connaître ce sentiment clignote dangereusement dans ma tête.
Quelque chose explose au fond de moi, un truc qui remonte de loin, qui me permet de bouger et de marcher en direction de la fenêtre de la chambre. J’ouvre le rideau, et mes yeux tombent aussitôt sur ceux du blond qui m’a terrorisé plus tôt dans la soirée. Une sorte d’énergie nouvelle prend place dans mon corps, une énergie guidée par la haine, l’énervement.
J’enfile mon tee-shirt alors que Vince s’étouffe toujours genoux au sol et les mains portées à son cou. Mes pieds frappent le sol, alors que j’ouvre la porte de l’appartement à la volée et que je descends les escaliers à toute vitesse. Plus les secondes passent, plus mes nerfs lâchent et parlent à ma place.
— Toi, hurlé-je folle de rage en le pointant du doigt. Qu’est-ce que tu me veux ?
Le rire dénudé de joie de l’inconnu, me fige encore une fois sur place. Son visage est déformé par la haine et ses yeux me lancent des éclairs. Il s’avance dans ma direction, la démarche dangereuse. Il tient fermement l’un de ses poings en hauteur, prêt à l’abattre avec violence sur moi.
Je n’arrive toujours pas à retrouver la faculté de bouger. Mes pieds nus sont fermement ancrés sur le macadam aussi glacé que le regard de celui qui s'apprête à m’envoyer une mandale, que j’imagine terriblement douloureuse. Je ferme les yeux, en donnant des ordres à mon cerveau pour que je puisse enfin esquisser un mouvement et ainsi éviter une attaque. Mais mon cerveau ne coopère pas. Il me laisse là, pétrifié par la peur. Et cette fois-ci, je ferme les yeux en priant tous les Dieux possibles et inimaginables pour me venir en aide.
Plusieurs secondes s’écoulent sans que je ressente une quelconque douleur. Je me risque à ouvrir un œil puis un autre. Je constate avec soulagement qu’un homme s’est interposé entre lui et moi, tenant fermement le poing du blond en l’air. Mon sauveur, tourne la tête dans ma direction, me fixant de haut en bas, pour s’assurer que je n’ai rien puis déclare :
— Va te mettre à l’abri !
J’essaye de réveiller mon corps, de bouger, mais je n’y arrive toujours pas. Mon corps est figé. Comme à chaque fois que je me retrouve en présence de celui qui me dévisage toujours avec haine.
Voyant que je ne bouge pas, mon sauveur fronce les sourcils, prononce des mots incompréhensibles puis, se met à hurler dans une langue qui m’est familière sans que je n’arrive à savoir de laquelle il s’agit :
— ελευθερώστε τη Μέδουσα! *
— γιατί είναι ζωντανό; , s’écrit le blond faisant trembler chacun de mes os, tant sa voix est puissante. **
— απελευθερώστε το!***
Au bout de ce qui me semble une éternité, je parviens de nouveau à bouger. Je me dépêche de rentrer à l’intérieur de l’immeuble en grimpant quatre par quatre les marches. Mon corps entier se met à trembler, mes dents claquent et les larmes se noient sur mes joues rosies par le froid de l’automne.
Une fois dans l'appartement, je ferme à double tour la porte d’entrée, puis j’accours jusqu’à Vince, qui reprend son souffle assis à même le sol de notre chambre, inondé. Les yeux bouffis et la respiration saccadée, Vince parvient à peine à respirer correctement.
— Ça va ? lui demandé-je inquiète en m’installant à ses côtés.
Il hoche simplement la tête, en enfouissant celle-ci entre ses mains tremblantes. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ce soir, mais en tout cas, on est victime de quelque chose qui nous dépasse tous les deux. Je compte bien demain, dès la première heure me rendre au commissariat pour porter plainte contre cet inconnu qui s’amuse à me suivre et me faire peur. Ce soir, il a manqué de peu de me frapper. Et je ne sais pas comment, mais Vince à failli mourir noyé dans un torrent d’eau sortant de sa bouche.
Au plus profond de moi, quelque chose me souffle que ce n’est que le début. Et une alarme clignote dans ma tête, alors que je tente de trouver d’où leurs deux visages me sont familiers. Parce que je suis persuadée d’également connaître mon sauveur. Et mon âme entière, s’alerte contre celui-ci.
*”Libère Médusa !”
** “Pourquoi est-elle vivante ?”
*** “Relâche-la !”
Le résumé est mystérieux et je ne suis pas déçue par ce chapitre 1 qui promet une incroyable aventure ! :)
Merci beaucoup, j’espère vraiment que la suite te plaira :)