Prologue
Avez-vous déjà été poursuivi dans la nuit sans trouver d’issue quoi que vous fassiez ? Vous pensez être à l’abri et le prédateur ressurgit. Avez-vous déjà été ligoté dans une cave? Les mains attachées derrière le dos, plongé dans un tonneau rempli d’eau glacée. Le visage emprisonné, meurtri par un masque en bois infesté d’insectes au point d’en venir à les manger.
Sentir ses lèvres enflées de venin. Seul noyé dans le noir sans pouvoir crier au secours, non pas du fait d’avoir la bouche pleine ou la voix brisée mais parce qu’il n’y a personne ? Personne…
Tout devient trop lourd, y compris l’esprit. Un geste suffit pour se retrouver nez à nez avec la souffrance. Un battement de cœur vous ballotte en tous sens. Le moindre soupir devient un supplice. Vivre dépasse les limites du supportable.
Courir, sauter, trébucher mais se relever coûte que coûte parce que le danger est sur nos talons. Atterrir au milieu d’une pièce qui rétrécit de plus en plus vite, au rythme de la peur.
Avez-vous connu tout cela ? Avez-vous vu ne fût-ce qu’une infime partie de tout cela ? Peut-être. Faites un effort, les souvenirs seraient-ils déjà morts ? Parfois, il suffit de s’assoupir et le grand voyage commence. Du moins, je crois que c’est ainsi que tout est arrivé.
Quelle heure peut-il être ? J’ai mis le temps en suspens sur une envie. Je ne sais pas où je suis ni pourquoi je suis ici et je n’exagérerais pas si j’affirmais ne plus savoir qui je suis. Ce décor m’est complètement inconnu.
Ici, pas de Nord, pas de Sud, ni gauche ni droite. Je suis en pleine lévitation. Je m’engage avec précaution vers une lumière d’un bleu éclatant qui dessine des vagues dans l’air (si c’est de l’air). Je suis entourée de toutes petites étoiles scintillantes. Elles plongent sur moi sans m’atteindre.
Je crois m’engouffrer dans un couloir protégé d’un champ magnétique. Au risque de paraître absurde, je crois traverser les couloirs du temps.
A la fin du tunnel, une porte. Une porte perdue dans l’espace ? Je voudrais freiner mon allure, faire demi-tour !
J’arrive devant la porte. Elle est taillée dans un vieux bois fissuré. On remarque des trous un peu partout. Quelques rayons lumineux parviennent à s’infiltrer au-delà des imperfections. Au milieu, couverte de poussière, une inscription apparaît presque illisible: Daedalus Anima. Porte ouverte sur toutes les âmes en détresse demandant asile. Je ne cherche pas à m’esquiver…
Doucement, je tends la main, la paume dirigée vers l’inscription. La curiosité se conjugue à ma peur. Un mélange d’excitation et d’appréhension me saisit et je sens mon cœur venir se heurter contre ma poitrine.
Tout à coup, je suis aspirée dans un tourbillon obscur. Je ne vois rien. Le néant m’attire vers lui. Je me concentre et je perçois des cris de détresse. On appelle à l’aide. Le néant me veut pour y faire jaillir la lumière. Je file à une vitesse vertigineuse.
Ma chute me semble interminable. Cela se passe souvent de cette manière. Par contre, ce que je vois est à chaque fois différent, ou presque. C’est incroyable. « Ca » défie l’imagination la plus fertile.
Je suis passée de l’autre côté… De l’autre côté de quoi ? D’un mystère, un secret, sans aucun doute. « Des » secrets, je dirais. Oui. Il existe un endroit plus loin que le bout de la terre, plus loin que les étoiles, plus loin que très loin, plus loin que TOUT. Là où on ne veut pas aller. Jardin des secrets gardés à l’abri de la curiosité.
Dépasser les frontières du réel, de l’inexpliqué. Parcourir les sentiers de l’inconnu. Douter de l’absence de doutes. Soupçonner l’insoupçonnable. Errer dans les abîmes où vivent la honte et l’affliction. Telles sont les étapes à franchir, telles sont les voies inviolées permettant d’accéder à ce que cache chaque univers.
Entourée d’énigmes insondables, le fantastique se confond avec l’horreur. L’esprit, soumis à sa défaite, se noie au cœur de la perdition et la folie semble être une conséquence inévitable.
Ce que nous qualifions d’insondable n’est autre que l’inaptitude de notre intelligence à dépasser les limites qu’elle s’est fixées à l’intérieur d’un monde rationnel. Et si on franchissait ces frontières, y compris celles de l’imagination y trouverait-on une histoire sans fin ?
Je crois que l’imagination s’arrête là, devant les portes de l’infini. En l’oubliant, en acceptant le possible, des forces étrangères se frayent un passage jusqu’à nous et la réalité est subitement submergée d’extraordinaire. Ces forces supérieures nous poussent à admettre leur existence jusqu’à ce que la raison s’incline devant elles et que l’intelligence se mette à leur service.
Je pense me prénommer Camille. Je ne sais pas quel âge je peux bien avoir, peut-être 30 ans, peut-être la moitié ou peut-être le double. Suis-je perdue dans mon for intérieur ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Ce n’est sans doute qu’un détail.
Du lieu où je me trouve, l’année de cette histoire, je n’en suis pas certaine. Des nuages dans le ciel, des arbres nus ou verdoyants, de la lumière tantôt aveuglante, tantôt rassurante ou encore de l’obscurité effrayante et puis apaisante, je ne suis pas persuadée de leur réalité.
Un fait est évident: ici l’illusion se joue de moi et le temps est relatif à mes actes et à mes pensées. Je me souviens avoir aperçu tour à tour des vallées, des plaines et des montagnes fabuleuses qui n’existent nulle part ailleurs…
J’ai peur, je me l’avoue. S’agit-il d’un monde parallèle derrière le miroir ? Une autre dimension ? Je ne sais pas… La nuit surgit dès la moindre crainte. Le vent se soulève lors d’une montée de colère. Le ciel et l’océan peuvent, en moins d’une seconde, échanger leur place.
Pour me reposer, j’aurais envie de visiter cette caverne à quelques pas mais je vais me contenter de m’étaler sur le sol rocailleux. Je suis consternée devant tout cela. Je cède sous l’épuisement et m’effondre.
Mon attention fixée sur la grotte, j’aperçois des lettres qui se creusent dans la pierre pour former une phrase: Lema Sabachtani...
Je m’endors.
A cause du titre, je me suis tout de suite demandée s'il y avait un lien avec le Daedalus de Joyce. A la lecture peut-être .. à cause de l'introspection.
En fait j'ai plus l'impression d'une personne atteinte d'une forme de 'folie', capable de s'évader par la pensée dans un monde parallèle. Ou de quelqu'un qui chercherait à atteindre cet état. J'ai peut-être mal compris le propos.
Mais l'écriture est fluide et on se laisse porter sur le voyage 'imaginaire (?)'
Merci pour ce moment
Merci pour ta lecture et ton commentaire.
Je ne connais pas le Daedalus de Joyce, donc aucun lien établi de ma part.
Je pense qu'un prologue est loin d'être suffisant pour comprendre de quoi il retourne.
Au plaisir
Ella
Je trouve ce début poétique, et cela me plaît ! Je comprends ce que tu ressentais sur nos points communs. Dans ton écriture, je me retrouve à certains moments. J'aime particulièrement cet aspect "transcendance", on dépasse les frontières du réel, ou de ce que notre mental peut imposer.
C'est atypique et intriguant (dans le bon sens ^^) !
Ayunna
Merci pour ta lecture et ton commentaire qui me touche.
A bientôt
Ella
Belle plume, c'est entrainant, intriguant, facile à lire.
Par contre, mais c'est sûrement dû à la fatigue après le boulot, mais je me suis perdue à un certain moment. A partir de "dépasser les frontières..." Je suis revenue à sa présentation.
J'ai hâte de lire la suite, mais je vais y aller doucement.
Un grand merci pour ta lecture et ton commentaire 😊.
Je passerai bientôt te lire également.
Au plaisir
Ella
Très bon prologue à la première personne sous forme de questions posées au lecteur. Et à laquelle on est ravi (enfin pour ce qui me concerne ) de répondre NON. Les tortures relatées font froid dans le dos, j'adore. D'après ce que je comprends Camille voyage dans les rêves/cauchemars des gens. Un pouvoir extraordinaire mais certainement aussi, un terrible fardeau.
Ton style est très rythmé, presque poétique.
Merci pour ce moment, je vais continuer ma lecture avec plaisir !
je te remercie pour la lecture de mon prologue et suis ravie de lire qu'il te plaît.
Au plaisir,
Ella
Comment peut tu t'endormir
puisque tu dors déjà
c'est le rêve alambiqué
d'une personne qui a passé une journée agitée
j'attend la suite pour juger
pour l'instant, je trouve que c'est bien écrit
et agréable a lire
merci pour cette lecture et ce commentaire :-)
Au plaisir
Merci
Encore merci beaucoup pour l'intérêt que tu as porté à ces débuts et ton gentil commentaire!
Au plaisir!
Ca commence très bien, c'est intriguant, étrange, efficace et surtout super bien écrit (limite poétique parfois).
Le narrateur première personne fonctionne super bien et l'on se demande où le personnage est arrivé pour être aussi désorienté.
Hâte de voir où tout ça va m'emmener (=
Matthieu
Merci pour ta lecture et ton commentaire qui me touche.
Pour ton information, je sais parfaitement où mes personnages sont et vont lol... Ouf! Ah ah
Une perte de virginité ? Quelle imagination ! Ou bien devrais-je dire : quelle projection! Mdr
Au plaisir
Ella
Il faudrait ajouter: "Eli, Eli", pour vouloir dire : Seigneur, Seigneur...
Attention à ne pas induire le lecteur en erreur. 😉
merci merci beaucoup d'être venue me lire! et merci pour ce joli commentaire!
Au plaisir
Quel prologue, dis donc ! Il est perturbant, mystérieux, étrange.
J'aime beaucoup son début, qui apostrophe le lecteur, l'embarque avec lui. J'ai un peu de mal avec la transition trop brute entre les premiers paragraphes où la narratrice interpelle le lecteur puis ceux où elle nous raconte ce qui lui arrive.
Mis à part ça, j'aime le style, les sensations qui se dégagent du prologue. Il donne vraiment envie de lire la suite.
Merci pour ton passage et ton commentaire 😊!
J'espère que la suite te plaira et te surprendra...
A bientôt
A tout bientôt
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi as-tu abandonné Camille dans le gouffre insondable de son esprit torturé ?
Qu'a t-elle fait d'aussi terrible pour vivre pareille géhenne ?
Si ton désir était que le lecteur se le demande, eh bien c'est réussi, on se le demande.
Écoute, franchement, ça envoie le bois !
Le lecteur promet qu'il ira voir la suite, puisqu'il adore les frayeurs et la sueur qui lui coule aux coins des tempes !
Bien à toi !
c'est un très bon prologue que je viens de lire. Je pense que tu as bien fait de raccourcir le prologue, le rôle du prologue est de nous donner envie de lire la suite et c'est réussi. Mêlant mystère et un brin de poésie, on a envie d'en apprendre plus sur cet univers, cette caverne et Camille.
Je lis la suite avec plaisir.
Merci beaucoup pour ta lecture! Je suis ravie qu'elle ait pu te plaire et je te souhaite la bienvenue dans mon aventure!
Ella
Ce prologue est une folle ronde entre certitude incomprises et incertitudes assurées. On y perd nos repères, comme Camille. On a ici un enchaînement de phrases courtes, ça donne un caractère incisif et haletant au texte, ce qui correspond d plutôt bien à la scène. On accroche bien, ca se lit avec fluidité.
C'est avec plaisir que je reçois ton commentaire!
Si tu poursuis l'aventure, j'espère qu'elle te plaira!
Au plaisir
Un prologue coup de poing qui nous arrache du fond de notre canapé. D'emblée une prise à témoin du lecteur, un défi. Ici nous allons affronter ensemble les questions dérangeantes, les incertitudes, traquer les démons et révéler des secrets ... Sommes-nous ici ou dans un ailleurs indéfinissable ?Peut-être les deux à la fois, la suite le dira...
C'est brillant, très bien écrit et énigmatique à souhait.
Je vais poursuivre avec plaisir.
Je te remercie de tout cœur pour ce commentaire enrichissant et touchant, surtout venant d'une plume comme la tienne!
Je te lis également avec grand intérêt.
Ella
Je suis venue sur ta page à la suite de notre échange sur le forum et je dois dire que je ne regrette absolument pas mon petit détour.
Superbe prologue ! Tu ouvres sur ces questions sordides et même perverses qui m'ont immédiatement ramener aux nouvelles fantastiques de Poe. Son narrateur nous interpelle, lui aussi, lorsqu'il décrit nos angoisses un peu folles d'agressions, de poursuites et de guets-apens...
Et puis ton écriture nous arrache aux ténèbres humides des caves pour nous attirer vers les cieux étoilés de la fantasy.
Et je ne sais si c'est en référence au roman de Michael Ende ou au film de Wolfgang Petersen que ta narratrice rêve d'une "histoire sans fin" mais c'est un peu comme ça que je l'entends.
À bientôt !
c'est avec un grand plaisir que je découvre ton commentaire et que j'apprécie à nouveau ta plume, par la même occasion lol
J'espère sincèrement que si tu t'intéresses à la suite, elle te plaira...
Cordialement,
Ella