— Votre Majesté, je vous conjure de mieux réfléchir aux implications d’une telle chose.
Le prêtre s’était exprimé d’une voix claire et douce, mais il ne pouvait contenir le tremblement nerveux de ses mains. La demande du monarque lui semblait invraisemblable. Il suivait avec attention les lignes de son visage, comme s’il pouvait y trouver la faille qui le ferait changer d’avis. Il savait qu’il ne trouverait nul soutien de l’Ombre auprès de lui, qui se contentait de rester silencieux, totalement impassible. Le prêtre n’osait même pas l’effleurer du regard. Il se tourna à nouveau vers le roi, et enfin, il trouva sur son visage le signe qu’il attendait. Lui-même ne semblait pas convaincu du bien fondé de sa demande.
— Votre Majesté, reprit-il, les enjeux sont trop importants. Vous n’envisagez pas réellement de faire de la princesse une Ombre ? Quelqu’un de son rang ! C’est bien trop dangereux, l’Église Indicible n’acceptera jamais de faire courir un risque aussi grand à une élue dotée d’un tel potentiel. Je vous en prie, elle est bien plus en sécurité parmi nous.
Appuyée sur l’accoudoir de son trône, deux pas en arrière de celui de son époux, la reine regardait distraitement les longues et étroites fenêtres qui répandaient abondamment les rayons du soleil sur les immenses dalles de marbre blanc. Aujourd’hui plus que jamais, elle avait l’impression que les événements se précipitaient sans qu’elle ait la moindre prise sur eux. Raëlle se redressa et reporta son attention sur les supplications du prêtre. Dénuées de l’agitation habituelle du lieu, les colonnes qui filaient vers la voûte sculptée semblaient être les témoins silencieux d’une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences. Tout n’était qu’or et ambre autour d’elle, et les rares personnes présentes détonnaient dans le vide de l’immense salle. La reine se leva dans un froissement de tissu et posa une main apaisante sur l’épaule de son époux. Elle prenait le relais.
— Cette décision m’appartient, souffla-t-elle d’un air mélancolique.
Le prêtre se décomposa puis inclina légèrement la tête sans quitter la petite femme des yeux. Malgré son apparence fragile et sa voix faible, personne ne se serait permis de remettre ses mots en question. Bien que Raëlle ait cédé les pleins pouvoirs à son époux de nombreuses années plus tôt, c’était elle la réelle souveraine du Royaume de Carreau et par son sang que la lignée royale se transmettait.
— Ma Reine, hésita le prêtre, puis-je savoir ce qui vous fait prendre une telle décision ?
Elle serra à nouveau l’épaule de son époux, puis descendit les quelques marches qui les séparaient du prêtre et de l’Ombre. L’homme d’église, dans sa longue toge immaculée, était aussi tendu et désemparé que le représentant de la Confrérie était attentif et impassible dans ses vêtements de cuir sombre. Plus éloignés, d’autres de ses confrères étaient disséminés dans la pièce, veillant scrupuleusement à la sécurité des monarques et à la confidentialité de leur conversation.
— Vous avez tort. Elle n’est pas plus en sécurité ici qu’elle ne le sera là-bas, se contenta de répondre la reine.
— Mais elle est votre unique héritière.
— Vous vous figurez que je l’ignore ? lui sourit Raëlle. Je sais pertinemment que ce n’est pas ce qui vous inquiète le plus. Vous préféreriez la garder près de vous, l’étudier encore un peu. Ces dernières années n’ont-elles pas été suffisantes ?
Elle avait prononcé ces mots sans le moindre reproche, mais le prêtre s’agita de plus belle.
— L’Église Indicible se doit de veiller sur elle, Majesté…
Raëlle l’interrompit d’un geste et lui tourna le dos. Elle s’approcha des fenêtres et laissa les rayons réchauffer la peau pâle de ses mains et faire flamboyer les pointes de ses longs cheveux roux. Elle soupira tandis que ses yeux se posaient tendrement sur le troisième trône qui demeurait désespérément vide.
— Je sais. Il y a des décennies que l’Affinité ne s’est pas éveillée si tôt chez l’un d’entre nous, mais est-ce une raison suffisante pour la maintenir cloîtrée ici même ? Je n’en suis plus certaine à présent.
— Ma Reine, je me dois tout de même de souligner un point important. Que faites-vous des fiançailles ? Si vous faites de la princesse une Ombre, vous risquez de créer un incident diplomatique.
Elle tourna ses yeux d’un étrange bleu sombre vers le prêtre, mais c’est le roi qui s’adressa à lui.
— J’en fais mon affaire, déclara-t-il. Chris et moi-même avons toujours eu une relation privilégiée.
— Le Roi de Cœur, rectifia la reine en souriant, saura se montrer compréhensif.
Le prêtre s’inclina devant les souverains. Il avait fait tout ce qu’attendait de lui l’Église Indicible, mais à présent il se devait de se plier à leur volonté. Bien que cela lui déplut, il respecterait leur choix.
— Quand serez-vous prêt ? demanda la reine à l’Ombre.
Il s’avança de deux pas et inclina brusquement la tête. Contrairement au prêtre, Raëlle n’était pas intimidée par cet homme. Elle n’avait pas lieu de l’être, La Confrérie de La Lune et ses Ombres protégeaient les royaumes depuis l’aube des temps.
— Dès qu’il vous plaira, Majesté.
La voix caverneuse de l’Ombre résonna dans la salle, occultant presque le timbre délicat de la reine lorsqu’elle lui apporta sa réponse.
— Rejoignez Rhystaen immédiatement et prévenez les Grands-Maîtres que je souhaite que ma fille, la princesse Annyaëlle de Naerys, héritière du Royaume de Carreau, rejoigne la Confrérie comme aspirante au plus tôt. Nous attendrons leur réponse avec impatience.
Je viens de commencer ton histoire et pour l'instant : j'adore ! :)
J'ai hâte de lire la suite !
Merci beaucoup ! J'espère que la suite te plaira, n'hésite pas à me dire ce que tu en penses !
A bientôt !!
Et puis la reine apparait déjà comme un personnage fort et droit, et ce n'est pas pour me déplaire :)
J'espère que la suite te plaira tout autant !
Je suis contente que ça donne envie de lire la suite ! J'espère que ça te plaira :)
J'ai aussi beaucoup apprécié l'alternance entre la narration et le dialogue. C'est très bien dosé, l'un sert très bien l'autre.
Bravo !
Je suis contente qu'il y ait un bon équilibre, ce n'est pas facile à doser !
N'hésite pas à me donner ton avis sur la suite :)
Tu peux aussi envisager de supprimer les pronoms répétés (« Le prêtre [...] mais il ne pouvait » => suppr « il »).
Rien de gênant, mais si tu cherches encore à alléger, tu peux facilement trouver quelques coupes qui ne changent pas le sens.
Par exemple : « semblaient être les témoins silencieux d’une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences » => « semblaient les témoins silencieux d’une décision aux lourdes conséquences »
Je vais noter toutes tes indications précieusement, je pense que ce serait une amélioration bienvenue !
C’est le genre de conseils qui me manquait :)
Je trouve ton prologue très intéressant et il donne vraiment envie de rencontrer la princesse. Je trouve ca très malin d'entrer en matière en nous présentant d'abord ses parents, c'est original et ca fonctionne bien. La description du lieu est vraiment chouette et elle permet de vraiment se plonger dans le récit! Hâte de lire la suite ;)
J'ai ajouté le prologue assez récemment, je suis contente que ça fasse cet effet ! J'ai longtemps hésité sur quoi mettre pour donner envie de découvrir le reste de l'histoire ^^'
C'est super que ça te plaise et te donne envie de lire la suite :)
Bonne lecture !
Merci pour ton commentaire, j'espère que ça te donne envie de découvrir la suite :)
Oui je fais plutôt le chemin inverse ici ^^ Quant à la reine, il faudra lire la suite pour le découvrir !
J'espère que les prochains chapitres te plairont !
Ce premier commentaire me va droit au cœur, j'espère que la suite te plaira :)