Prologue

Rayn...

C'est fini. Rayn sera enterrée. La terre l'aura engloutie et deviendra poussière. Je suis incapable d'expliquer ce que je ressens au moment même où elle rejoint sa nouvelle demeure étroite et sombre. 

Nous sommes deux dans ce lieu morbide. Enfin trois, en comptant Rayn. Je suis avec sa mère étrangement calme, en train de vivre la pire chose que peut subir un parent : la mort de son propre enfant, de sa chair, de son sang. Elle regarde de ses iris bleus le cercueil de Rayn, en tenant fermement dans sa main le collier que celle-ci lui avait offert sans aucune occasion particulière. Qu'elles sont belles, les preuves d'amour spontanées...

Son cercueil fleuri, peut-être pour embellir cette tragédie. Les fleurs choisis sont des fleurs de lys blanches, symbole de pureté et d'innocence; elles ont été choisis par sa mère. Son père, lui, n'a pas eu la force d'assister à son enterrement. Il a dit qu'il préférait venir après la cérémonie. Sa femme ne lui en a pas voulu. Les fleurs de lys sont accompagnées d'arum blanches, représentant l'âme du défunt; elles ont été choisies par son père.

Rayn et sa pensée en arborescence,

Rayn et ses cheveux bien coiffés, ornés de perles transparentes,

Rayn et sa peau noire et lisse, s'illuminant à la lumière du jour,

Rayn au visage apaisé, libérée de ce poids qui lui a coûté la vie.

Je me sens vide et seule. Je viens de perdre la sœur que je n'ai jamais eue. Et puis je m'en veux; je m'en veux parce que j'aurais dû être plus présente, être plus à l'écoute, j'aurais dû être plus attentive à ses signaux. Mais c'est trop tard, et c'est ça le plus douloureux. On ne peut plus rien y faire, il n'y a plus rien à faire.

Plongée dans mes pensées, j'éclate en sanglots. Tournant le dos à sa tombe, ne supportant plus de voir ce trou qui se recouvre de terre. Mes larmes coulent, traversent mon visage déjà inondé par la pluie. Je me surprends, car c'est la première fois que je pleure autant pour quelqu'un, et ce n'est qu'à ce moment précis que j'ai pris conscience de l'importance qu'elle avait dans ma vie. 

Je me suis mise à contempler le ciel, gris, avec ses perles d'eau qui ruissellent sur mon visage. La pluie se confond avec mes larmes et m'apporte une certaine quiétude. Alors je prie pour Rayn. 

Afin qu'elle soit heureuse là où elle est maintenant. Je demande pardon pour elle. Pour tout. 

L'enterrement terminé, je reste un instant auprès de sa mère puis lorsque j'aperçois la grande silhouette de son père, je décide de partir en présentant mes plus sincères condoléances. Cette épreuve, ils doivent la surmonter à deux et je veux les laisser seuls. Une dernière fois, avec leur fille. 

- Nous t'en serons éternellement reconnaissant ma femme et moi de ce que tu as fait pour Rayn, et d'avoir été comme elle le disait si souvent : son soleil, dit-il avec une voix tremblante.

J'ignore comment je suis arrivée chez moi. J'entre dans le salon, qui est plus sombre que d'habitude à cause du temps qu'il fait dehors.  Je pense à Rayn, à nos dimanches consacrés à l'art, à nos pseudo discussions (elle monopolisait la discussion), à nos rires, nos pleurs, nos disputes. L’image de son cercueil monopolise mon esprit. Je réalise qu’elle est là, sous terre. Qu’elle n’est plus de ce bas-monde. Je réalise que Rayn n’est plus, que la nature aura raison d’elle et qu’il ne restera plus rien. Décomposition. Poussière. Comment est-elle là-bas ? Devrais-je aller la rejoindre afin qu'elle se sente moins seule ? Comment vais-je continuer ma vie sans elle ? 

En rentrant, j'aperçois ma mère en train de corriger les copies de ses élèves de CM2. Nos regards se rencontrent et je lui transmets ma tristesse.

- Rayn... Rayn est morte maman je…

Sans un mot elle me tend ses bras je me précipite vers elle et pleure. Je me libère de toute cette tristesse pendant une bonne heure. Je pense à Rayn... Elle était mon Monde, et j'étais son Soleil.

Je suis toute trempée mais ma mère s'en moque et moi aussi. J'ai besoin d'elle, et elle le sent.