Prologue

Notre amour dansait dans la brise. Je ne doutais pas du feu qui, chaque fois que nos regards se croisaient, arrachait à mes entrailles des clameurs de liesse. Il y avait pourtant un être dont j'étais jaloux.

Lorsque je les regardais évoluer ensemble dans la prairie, même les gerbes de poussière qu'ils soulevaient dans leur course avaient l'air d'une pluie de pétales et l'harmonie entre leurs deux corps finissait par effacer ma présence. Elle s'élançait sur lui, s'arrêtait au dernier moment et repartait en sens inverse, sa robe chatoyant sous les rayons du soleil. Je n'entendais pas rire mon aimé mais l'expression de son visage était celle de l'ultime bonheur.

Après quelques instants, il l'invita à revenir vers lui, calmement cette fois, et elle répondit à son appel tout en émettant des sortes de soupirs ronronnants. Il la prit dans ses bras et la caressa longtemps. Je distinguai un léger frémissement sur ses lèvres : il lui parlait d'une voix inaudible. Soudain un cri d'oiseau retentit, couvrant ses paroles. Elle se détourna pour écouter, tous les sens en alerte, le sifflement inattendu. Il en profita pour se reculer légèrement et je le vis prendre une inspiration si profonde, la gorge tendue vers le ciel, que je crus un instant qu’il allait tenter de concurrencer l'oiseau. Mais il expira seulement de tout son corps qui s'affaissa délicatement dans les hautes herbes. Quand elle ramena son attention sur lui, elle fut surprise de ne pas le trouver à sa hauteur et le considéra curieusement, l'air de dire : « Qu'est-ce que tu fais par terre ? » Elle inclina la tête jusqu'à ce que son nez touche son front. Il reçut ses dizaines de petits bisous, et essaya de lui rendre son amour. Mais le chatouillis fut plus fort. Il éclata finalement d’un rire irrépressible.