Un tendre collier de pluie tombait d’une gouttière jusqu'au sol.
Il pleuvait dans la campagne d’Almar. La journée cédait déjà face au crépuscule . Un silence inhabituel planait dans le vieux hameau. Seuls les clapotis des gouttes se faisaient entendre. Le colporteur était éreinté, son voyage devait bientôt toucher à sa fin mais était retardé par le mauvais temps. En colère et déprimé, il ouvrit la porte d’une auberge à la devanture rustique.
A l’intérieur, l’animation battait son plein. Les voyageurs, les passants, les travailleurs semblaient s’être donnés rendez-vous ici. Notre colporteur se glissa comme il put jusqu’à une table vide. Il repéra une escouade de soldats et hésita un instant à rester. Son travail n’était pas très apprécié, disons-le, et plutôt illégal. Son métier fort respectable était interdit depuis un demi-siècle dans la loi et même si on ne l’avait jamais arrêté, il suffisait d’un militaire tatillon avec les règles pour que cela change. Mais le vin coulant à flots suffit à le convaincre de prendre ce risque.
Peu habitué à une telle foule, l’aubergiste était dépassé: ce revirement brutal de la fréquentation de son établissement le rendait angoissé et nasillard. Il ne prêtait donc aucune attention à la vieille radio allumée posée sur le buffet.
Le colporteur, lui, avait hérité de la place entre la cuisine et les commodités. Le service se faisait long, il tendit donc l’oreille pour écouter les informations.
Une voix masculine s’élevait de l’enceinte abîmée.
– “Mes amis des différentes Régions, en cette glorieuse fin d’année je vous souhaite mes meilleurs vœux. Que la chance soit avec nous, mais la chance ne vient pas sans aide. Vous avez travaillé dur pour que les récoltes soient fructifiantes. Mais je sais que les mots que je viens de prononcer ne sont pas ceux que vous attendez avec impatience. Vous êtes bien plus curieux -et moi aussi- de savoir…”
La voix grésilla sous le tonnerre soudain. L’aubergiste lui amena son verre qu’il avala d’une traite. Mauvaise idée, il ne supportait pas bien l’alcool. La voix reprit aussitôt.
-“Et oui, une nouvelle année signifie une nouvelle aventure au milieu de notre Cube de Verre. Nos champions au grand cœur se désigneront la semaine prochaine lors de l’Annonce des condamnés. Je sais que vous êtes impatients! Mais c’est enfin officiel. Une nouvelle épreuve d’endurance, de force mentale et de gloire dans Le Cube de Verre est annoncée! Un jeu qui montre l’honneur, la vaillance et le courage de nos citoyens. Que le triomphe soit avec eux ou ils pourraient bien le payer au prix fort.”
Le colporteur émit un râle de dégoût. Cette compétition le rendait fou, il détestait tout à cet instant, jusqu’au ragoût trop épicé qu’on venait de lui servir. A sa deuxième pinte, il commença à crier plus fort ses opinions. On ne pouvait pas laisser gagner le gouvernement! La manipulation avait assez durée, il fallait que cela cesse et il le disait haut et fort, sans honte.
Il attira l’attention des militaires qui relevèrent leurs crânes rasés, la mine sombre. Les soldats finirent par dégager le gêneur, sérieusement enivré. Ils se firent plaisir et se défoulèrent sur l’homme. Ils avaient eu une rude journée.
La radio émit un crachotement. L’aubergiste qui passait éteignit brutalement le bouton. Le grésillement lui tapait sur les nerfs.
Le lendemain, le colporteur fut retrouvé mort dans une ruelle du hameau. Les uns accusèrent un trop plein de boisson. D’autres se posèrent plus de questions.
Mais personne n’agit.
J'aime bien l'ambiance auberge en début d'un récit, ça plante un décor, une ambiance. Quelques gouttes de pluie et le ton est donné.
Je ne m'attendais pas à un mélange d'époque, je m'imaginais un type médiéval vu les professions en jeu, et la présence de cette radio m'a un peu surpris, mais c'est pour le mieux :)
Ce cube est intriguant, un petit quelque chose d'Hunger game ?
Le colporteur est facilement mis à tabac, ce qui annonce la couleur dans ce monde apparemment violent. Quelles opinions a t il évoquées pour recevoir pareil accueil ? Est-ce volontaire de ne rien dire ?
"Notre colporteur se glissa comme il pu jusqu’à une table vide. Il repéra une escouade de soldats et hésita un instant à rester. Son travail n’était pas très apprécié, disons le, plutôt illégal" > comme il put / disons-le
D'ailleurs pourquoi sa profession est-elle illégale dans ce monde ? Je pense que le lecteur gagnerait à savoir ces petites informations non dites :)
Au plaisir !
Au plaisir également!