Quand l’ombre et la lumière s’uniront, les enfants divins, par leur union sacrée, marcheront ensemble vers la félicité.
Quand leurs ailes ils étendront, le flot purificateur de leur unité s’abattra sur nos mondes désabusés.
Ainsi par sa main, hostilité ou fraternité, il nous faudra lutter.
Livianne, grande Volva du quatrième Méros, mille décennies après la guerre d’unification
Une note d’espoir dans un océan de noirceur
Les corps astraux dispersés à travers la Voie lactée, avaient entamé leur danse. Le scintillement des étoiles, rythmé par le son de l’incantation dont les notes au paraître presque angelot, irradiait de son aura le vide astral, faisant virevolter dans l’immensité du firmament, les halos de lumière que l’être céleste projetait. Rehaussant la beauté des mondes, tel l’aurore naissante qui entraînait chaque jour nouveau dans la création, les vagues iridescentes d’énergie qui s’entremêlaient à la lueur des corps stellaires, teintaient la force créatrice d’ondées chatoyantes, pareilles aux aurores boréales nimbant le ciel froid et enneigés des grandes steppes de Jötunheim.
Une voix s’élevait à travers les vibrations énergétiques que produisait l’enchantement. Résultat d’une décennie de recherche, l’être de lumière se tenant fièrement sous les éclats étoilés, en avait oublié jusqu’à sa propre vie pour se dresser contre l’avenir incertain décidé par autrui. Dans la noirceur de son âme, elle avait foulé l’asphalte tortueux des ténèbres, touchant à pleine main les ombres se tapissant dans son cœur. Puis, perdu dans le dédale de ses connaissances, elle l’avait aperçu, une délicate flammèche luttant contre un noir zéphyr. Pâle lumière aux reflets mordorés, autrefois menace flamboyante et don d’espoir ardent, devant la guider vers le succès de son entreprise. En était né le plus éblouissant des sortilèges.
Jamais aucune entité divine à travers des millénaires d’évolution n’avait tenté une telle alchimie. Tous étant bridées par des serments et des interdits qui faisaient tourner les mondes selon des commandements ancestraux. Sorcellerie prohibée, la perversion qui devait en découler, serait le point de départ de l’offensive belliqueuse qui animerait sa main, si d’aventure l’envoûtement se couronnait de succès. Mais pour l’instant présent, la fin d’une ère accompagnait ses pleurs et la souffrance de son existence.
La magie qui éclatait en vague de lumière d’une douce chaleur, lui apportait les brides d’un espoir lointain. Puis ce fut la fin. Les derniers embruns de magie se volatilisèrent. La voûte céleste, éblouissante dans l’immensité de l’univers, perdit son éclat et les mondes s’étant gorgé de lumière s’en retournèrent aux ténèbres.
Le froid, son mordant s’insinuant jusqu’au tréfonds de l’âme s’abattait. Glacial, il avait avec le plus grand des calmes, étouffé la moindre particule embrasée de lumière. Le silence l’accompagnant telle une ombre sans âme, accaparant jusqu’au dernier éclat vibratoire de la sonorité astrale qui avait retenti, sonnant le glas de son destin. Dans cette immensité froide et silencieuse, elle se tenait là, Lostris, être céleste dont l’unique dessein d’éteindre le sommeil éternel, l’avait poussé à l’aberration. Illuminée par l’éclatante clarté de Midgard et la lumière de l’astre solaire, elle flottait dans l’immensité de l’espace.
Sa respiration ralentie par le froid émergent, émettait des volutes de fumées à chaque souffle erratique. Son corps à l’origine si lumineux avait pris une blancheur presque fantomatique. Ses membres, transis par l’hivernale froideur qui s’insinuait en elle, obéissant difficilement à ses mouvements, semblaient prêts à se briser. Son esprit jadis si vivace, s’engourdissait, se laissant aller dans les bras de cette obscurité inhospitalière.
La lumière, cette bénédiction de l’énergie créatrice, ce rayonnement qui à l’aube des mondes, combattait les ténèbres, l’abandonnait dans la noirceur solitaire qu’était son être. Elle s’était pourtant faite si forte, lorsque les pas de la créature céleste avaient foulé depuis bien longtemps son royaume. Celle force lumineuse, salvatrice et enivrante l’avait bercé, l’enveloppant de son ardeur tel un cocon protecteur. À ce moment-là, l’effervescence et la passion, ces complaintes jadis disparues, avaient été ressenties comme jamais auparavant. S’insinuant en elle, puissante tel un flot déchaîné, elle s’était diffusée dans tout son être, apaisant quelque peu son corps détruit par les ténèbres.
Lostris avait connecté tout son être et son pouvoir à l’Asteri. Cet évènement astral unique des neuf Royaumes, ayant lieu tous les cinq mille ans. Durant ce bouleversement cosmique, les étoiles dont les scintillements marqués abondaient avec force, illuminaient le cosmos d’un magnifique éclat de magie. L’intensité magique dégagée lui avait permis de dépasser les limites de sa grandeur, et de lancer ce qu’elle appellerait plus tard, son chef-d’œuvre. Un sort dont la puissance, la candeur, et le miroitement, apportant dans son sillage une lueur purificatrice, fussent ressentis sur chaque monde habité.
Après des décennies loin de chez elle, de ses origines, toutes ces années à marcher dans les ombres, le rayonnement de son royaume ne l’avait pas rejetée. Elle qui avait tant craint de ne plus être digne de son amour, avait accueilli en son sein sa bénédiction. Mais l’énergie créatrice dans sa bonté, lui ayant permis de s’abreuver de son élément naturel, lui avait également rappelé au combien sa présence, sa pureté et son équilibre étaient un mal nécessaire pour la survie de ce qui fut jadis son rêve. L’euphorie de cette étreinte passée, la lumière éteignait doucement sur elle sa lueur.
Quand dansent les souvenirs d’une vie
La mémoire, cette faculté de conserver et de se rappeler des choses passées, cette capacité à revivre sans cesse ce que l’esprit refuse d’occulter. Dans sa sémantique, les connaissances qu’elle avait d’elle-même ne lui avaient apporté que tristesse et déception. Dans sa perception, le bagage magique qu’elle s’était construit au fil du temps, dans l’attente de l’éveil de son pouvoir divin, avait été un auxiliaire bienvenu, dans ces mondes où sans la magie, la survie était compromise.
Sa capacité mémorielle allait bien au-delà de simples souvenirs. Elle pouvait, au besoin, se remémorer la moindre annotation perdue dans les feuillets d’un recueil, des paroles semblant anodines énoncer par un visage dont les traits ne s’estomperont jamais. Les quelques humains qu’elles avaient côtoyés lui avaient tous dit qu’au moment de la mort, les souvenirs de leur vie défilaient sous leurs yeux. Pourtant, elle n’allait pas mourir, pas encore. Elle allait seulement dormir. Pas éternellement comme elle le souhaitait, mais quelque temps, et ses réminiscences lui apportaient les stigmates d’une vie dont elle haïssait l’existence. Rien ne pouvait lui être occulté, tourner la page sur les périodes sombres de son passé lui était tout bonnement impossible. Elle ne pouvait oublier ce qui l’avait blessée, priant le jour où ses meurtrissures seraient apaisées, leurs cicatrices gravées jusqu’à la fin et avec eux, les ombres de son passé dansant en sa mémoire.
Le sanctuaire de l’Isis. Vaste édifice sacré, flottant inlassablement dans les cieux Asgardien, se dessinait sous ses yeux. Triste symbole d’une gloire inconnue à ses yeux. Cette prison dorée dont elle avait si longtemps cherché à s’échapper, lui apportait les brides d’une enfance peu glorieuse. Les jardins annexes du sanctuaire. Ce vaste éden à la végétation luxuriante ou d’innombrables plantes et animaux venus de tout le royaume s’entremêlaient. Le seul endroit où sa présence au milieu des créatures humanoïdes était tolérée, où les leçons pour faire d’elle une parfaite petite princesse lui était inculqués. Le sourire de sa mère, Freya, Reine d’Asgard, hypocrite et dénué d’amour. Ses discours hautement faussés de mensonges pour justifier sa captivité au sein du sanctuaire. Hanïos, son medjaï, le visage mécontent lorsqu’elle se cachait sous le grand saule pour éviter des responsabilités qui depuis sa naissance ne lui avaient jamais été destinées. Ses histoires de divinités et d’autres mondes qui l’avaient tant fait rêver. Son précepteur, ses sermons, car son esprit n’était pas à l’écoute. Ses longues heures passées, assise à un bureau, écoutant à demi-mot de longs monologues. Les explications teintées de faux-semblant et les vérités détournées sur l’histoire du royaume. Les mensonges éhontés sur les mondes qui tournaient autour d’elle et qu’elle ne verrait jamais. Son père. Odin Roi d’Asgard, le regard sans amour pour un père envers sa fille, méprisant et hautain. Ses paroles blessantes, implacables et acides. Ses ordres et son contrôle sur elle. Ses vaines actions dont elle redoutait les paroles, annonciatrices d’une douleur à jamais gravée dans son esprit. Sa première sortie du sanctuaire, à l’âge ou l’enfance se terminait pour entrer dans celui des adultes. Sa rencontre avec le prince d’Alfheim. Son fourvoiement quand elle comprit que sa vie ne serait jamais sienne et que seule la captivité régnerait sur son existence.
Puis son souvenir, qui avec force et fracas vint écraser les précédents, douloureusement. Judal, l’Isis noir, ses ténèbres, qui lui avait été violemment arraché. Elle revoyait son visage aussi précisément qu’au premier jour. Leur rencontre sous les arcades du sanctuaire. Ses premières paroles à son encontre. Son sourire sincère et son regard ténébreux. Elle se souvint de la chaleur de ses bras et du réconfort de sa voix. Se remémorant ses discours enflammés et emplis de sagesse. Ces instants passés où il tentait de lui insuffler la force de supporter sa condition. Elle pensa subitement que le destin pouvait être cruel, au même titre que la vie. Comment continuer lorsque le souvenir de son aimé danse continuellement dans sa mémoire sans jamais s’arrêter ? Elle avait voulu qu’il en soit autrement. Elle avait souhaité l’accompagner dans la mort. Elle s’était infligé tellement d’actes néfastes, pour mettre un terme à sa vie. Mais mourir lui avait été refusé, ce droit lui avait été volé. Ses ténèbres lui avaient été arrachées et sa lumière brisée. C’était le seul constat qu’elle avait amèrement accepté, priant pour qu’un jour l’énergie sacrée lui accorde enfin le droit de le rejoindre dans les limbes de la mort.
La douleur, inlassable et vigoureuse, la fit sortir de sa torpeur. Haletante, la moiteur et la fièvre qui s’emparaient d’elle, l’affaiblissaient plus que de raison. Le sort qu’elle avait lancé lui avait demandé bien trop d’énergie. Cela en devenait atroce pour son corps meurtri ne pouvant faire face à la noirceur qui la gagnait. Elle la ressentait, cette malédiction, cette immortalité imposée, tentant avec acharnement de reprendre le pouvoir face à la lumière qui parcourait son corps. Les pulsions lancinantes qui couvaient dans ses chairs, ne lui laissaient aucun répit. Avec la plus grande dignité, malgré les affres de sa damnation, elle tentait de ne pas flancher face au déchirement de la moindre parcelle de son anatomie. Elle serra les dents et fit abstraction de l’affliction qui la gagnait.
Un ami sans qui rien ne s’accomplit
« Et soudain je la vis. Ainsi est-ce cela la magie de l’Isis blanc ? Celle d’une entité dont la vie se devait d’être dans la pureté originelle ? Quel être peut se parer d’une telle force ? Quel être peut ainsi marcher dans l’élément le plus pur de notre univers, celui-là même qui permet la vie ? Qui pourrait avoir le courage de se dresser contre cet enchanteur embrasement ? Tout son corps est baigné par la lumière. Irradiant dans une symphonie d’étincelle la moindre parcelle de sa peau, les particules de magie qui gravitent embaument sa chaire d’une délicate lueur. Les vagues de lumière pareilles aux fulgurations d’une tempête lors des nuits d’orage crépitent autour d’elle. Telle une valse langoureuse, les effluves d’énergie lumineuse, caressent son corps. Toutes ses puissances s’entremêlent, s’entrechoquent, fusionnent portés par l’harmonie de cette litanie qui résonne. Toute cette puissance illumine entièrement le royaume. Peuvent-ils le voir de leurs palais ? Eux qui ont refusé de croire à l’innocence de cet être de lumière ? Je les revois encore, ces dieux jadis si sages et prompts à l’équilibre. J’entends encore leurs moqueries et l’indélicatesse de leurs paroles envers elle. S’ils avaient su, s’il avait pu apercevoir ce que mes yeux perçoivent alors peut-être que le futur qui s’annonce pourrait être différent. Mais l’animosité de leur cœur et le voile qui a obscurci leur jugement se sont faits bien trop forts pour ressentir l’horrible vérité qui se cache dans les abîmes de nos futurs à tous. Et pourtant, moi, je le vois, au milieu de ce déchaînement énergétique, au milieu de la pureté d’un sortilège interdit, je la perçois. Sa magie est chaleur, elle n’est que pureté. Elle emplit le royaume telle une onde, laissant nos âmes en plénitude et nos esprits en paix. Le chant qui l’accompagne nous impose sa douce sérénité, comme si elle guidait nos pas pour la dernière fois. Puis la fin me rappel au moment présent. L’euphorie qui m’accompagnait est passée, elle laisse place au silence. Plus aucun son ne se fait entendre. Les neuf Royaumes se sont tus et la nuit nous englobe. » Khaé, assistant divin – Le sortilège de l’Isis blanc
Elle se tient fièrement au beau milieu des astres, la lumière émanant de son pouvoir divin comme seul point d’ancrage dans la réalité. Sa poitrine se soulève de façon saccadée. Elle peine à reprendre son souffle. Je le sens, son pouvoir tente difficilement d’harmoniser son énergie dans une grande souffrance. Je ne sais que trop bien que sa faiblesse originelle lui refuse la moindre rémission. Les larmes salées qui humidifient son visage, et le tremblement de son corps, laissent la noirceur bouillonnante qui tente de s’imposer face à la lumière, achever son œuvre funeste. Engourdie par le froid et l’abattement, elle perd son équilibre. Je me précipite et malgré l’énergie pervertie qui s’échappe de son être et me blesse, je la rattrape. Le sortilège lui a pris bien trop de force et son esprit glisse rapidement vers le sommeil.
Alors je la berce avec douceur. Blottie entre mes bras, le regard vide, elle tente par la chaleur corporelle que je dégage, de réchauffer son âme. Mais il est trop tard. Son corps se refroidit et bientôt sa conscience ne sera plus. Assis dans le vide sidéral, nous flottons, immortalisant l’événement dont je viens d’être témoin. Impressionnant. Tel est le seul mot qui vient à mon esprit lorsque ma mémoire se remémore l’éblouissant spectacle qu’elle a offert au royaume. Au première loge pour assister au sortilège, j’ai pu apercevoir toute la puissance qui sommeille en elle depuis le début. Je viens tout bonnement d’assister à l’éveil d’un pouvoir divin rare, captif depuis des années d’une noirceur omniprésente.
Quand je repense à la façon dont les dieux l’ont traité il y a peu. J’essaie tant bien que mal de chasser de mes pensées ces jours maudits, et toutes ces années passées dans l’inquiétude et les doutes. De jeune princesse pleureuse et pleurnicharde, je l’ai vu se transformer en une puissante guerrière. Les nombreuses batailles et les épreuves qu’elle a dû surmonter, bien qu’éprouvante pour un être de lumière, lui ont permis d’évoluer sur un chemin aussi cruel que douloureux. Tout au long de son périple, je suis resté à ses côtés, lui insufflant la force de traverser cette vie semée d’embûches. Pourtant, là n’étaient ni mon rôle, ni mon destin. Cela n’aurait jamais dû l’être. Et pour cela, je ne sais si je dois remercier la providence ou alors la maudire, car sous peu, je me retrouverais seul à continuer l’œuvre que vous, puissances supérieures avez entamé.
Moi qui ne suis qu’un humble serviteur d’un grand dieu dont nous pleurons encore la disparition. Khaé, de la maison Carta. Je suis entré à son service, alors que mon père voulait faire de moi un soldat. Mes grandes facultés de réflexions et d’analyses on fait de moi, alors que je n’étais encore qu’un enfant, le candidat idéal pour servir et supporter les frasques du Katastrep le plus dangereux de sa génération. Ce qu’il m’a appris va bien au-delà de ce que l’on peut apprendre sur les bancs de l’école. La vie, car c’est cela qu’il m’a appris, ne se résume pas seulement à venir au monde, servir autrui et mourir. Non elle se déploie sous différentes formes, différentes manières, différents arts et pourtant aussi similaire et aussi différente sont toutes les vies de l’univers, elles sont sacrées et importante pour l’équilibre de l’énergie créatrice. Et c’est ce dieu, réputé comme imprévisible mais tellement aimé de ses sujets, qui m'apprit jadis, à voir au-delà des apparences.
C’est ce qui nous a amenés à la sauver et à la soigner, Lostris, baignant dans une mare de son propre sang au bord d’une rivière, le dos mutilé. Ce qui m’a amené à obéir au Seigneur Alkan et à trahir le conseil des dieux. Ce qui m’a amené à voir ce que je n’ai pas su voir jadis. À voir ce que le Seigneur Alkan à vu en elle. Oh sainte lumière ! Que le destin fût pourtant cruel envers nous ! Nous qui sommes censés entreprendre ce que nul autre ne peut ! J’ai perdu Judal, mon ami, Alkan, mon seigneur. Tu as perdu Judal, tes ténèbres, Alkan, ton mentor. Nous avons assisté impuissant à la fin d’une ère, dont les erreurs commises, finiront par nous engloutir dans une nuit éternelle. Mais voilà qu’aujourd’hui, une étincelle d’espoir perdue dans la noirceur, s’offre à nous. Et pour cela, je resterais à tes côtés et continuerais l’œuvre de mon Seigneur. Jusqu’à la fin, jusqu’à la mort, nous continuerons la lutte, afin que la lumière brille à nouveau sur les mondes.
La noirceur qui sommeille au sein de l’immortelle
Dans un geste d’une infinie douceur, Khaé laissa sa main parcourir le visage de Lostris en l’appelant. Il eut un bref mouvement de recul. Le corps de la jeune divinité se parait de marbrures noircies dont l’odeur et le suintement ne lui laissaient aucun doute sur le mal qui la rongeait. Le sort d’immortalité reprenait force en détruisant la lumière. Cela expliquait les raisons de l’inconscience de la jeune femme emprisonnée dans une angoissante léthargie. Une divinité rendue immortelle. Quelle folie avait bien pu s’emparer de l’esprit d’un seul homme et le pousser à commettre un tel sacrilège ? Les lois divines qui entourent les vies des dieux et des Isis les empêchaient de souiller leurs fonctions ainsi que l’équilibre de l’énergie créatrice. La garantie de les soustraire à certains actes impardonnables, tel le crime de l’immortel, de par sa faculté à les gangrener dans la folie les menant à la destruction de tout, étaient respectés depuis la création du conseil de dieux.
L’immortalité, ou la vie prolongée fut et, est toujours perçue comme un thème controversé majeur de toutes les humanités et le divin. Bon nombre d’individus qu’il soit mages humanoïdes ou divinités, à travers les millénaires, étudièrent les possibilités magiques d’un tel phénomène. La première notion d’immortalité fut évoquée, lorsque les Katastrep, créèrent leurs toutes premières malédictions. L’immortalité que ces malédictions procurèrent à leurs victimes, les plongea dans la folie. Happées par les ténèbres, leurs vies ne devinrent que misère, chaos et destruction. Apeurées par l’idée que la puissance des entités divines ne soit accentuée par la folie de l’éternité, toutes les recherches furent interdites et déclarées comme sacrilège par le conseil des dieux.
Mais pour Lostris, il en était tout autre. Son existence en tant qu’Isis blanc, lui permettait de porter en elle l’énergie divine de l’Isis noir. Cette énergie agissait comme un catalyseur, atténuant et minimisant les effets de la noirceur du sortilège d’immortalité sur le corps et l’esprit de la jeune divinité. Malgré cette maigre protection, elle finissait tout de même par se laisser entraîner dans l’obscurantisme de cette force n’étant pas sienne. Son pouvoir divin en tant qu’Isis blanc l’empêchait sommairement de sombrer totalement dans la folie. Retourner dans la lumière et briser le sortilège était le dernier espoir pour que l’existence de l’Isis blanc, ne soit pas consumée par les ténèbres. L’erreur qu’il venait de commettre risquait de tout changer. Son cœur se serra face à l’évidence. Il aurait dû se douter qu’en la laissant sombrer dans ses souvenirs, la plongeraient dans la terreur qu’elle avait connu jadis. Ne s’étant jamais confiée sur les circonstances exactes de son passage vers l’immortalité, les cauchemars qui la hantaient chaque nuit étaient une réalité que Khaé ne connaissait que trop bien. Et pour cause, le spectre d’une obsession dénommée Bakura était bien trop présente, accompagnant chaque minute de l’existence de la jeune divinité.
Khaé démunit, ne savait quoi faire pour la sortir de sa torpeur. Ne voulant pas risquer de compromettre le sortilège qu’elle venait de lancer, il entama un chant d’apaisement dont les notes mélodieuses vinrent se perdre dans l’espace. La voix prise par les sanglots, il tentait désespérément de la sortir de la psychose dans laquelle elle se trouvait. Mais la mémoire des peurs passée, continuait son inlassable emprise, la noyant dans le vide de son existence.
Elle ouvrit subitement les yeux. Son regard améthyste, devenu écarlate fit peur au jeune assistant. Il devait l’arrêter et la ramener dans la lumière avant qu’elle ne perde totalement le contrôle. D’intenses volutes de fumée noirâtres les englobèrent, crépitant d’étincelle de magie noire et de lumière. Bien que totalement inconsciente, son pouvoir divin luttait pour guérir le mal qui couvait dans tout son corps. Khaé ne pouvait pas la laisser s’endormir l’esprit dans l’obscurité. Qui sait ce qu’il pouvait arriver à son réveil ? Ils ne pouvaient tous deux, risquer de compromettre la coalition et leurs projets futurs. L’espoir d’un retour vers la lumière pour elle et la paix pour les Méros, ne pouvait être annihilé par l’incompétence de Lostris à se contrôler. Khaé ne pouvait pas en prendre le risque. Mais dans sa transe, elle laissait la douleur faire place à la terreur. Figée, elle ne pouvait que se laisser à la faiblesse de son être, maudissant sa venue au monde.
Une étincelle de vie dans le brouillard d’une existence.
Elle luttait de toutes ses forces, contre les abominations de son passé. Dans le brouillard qui empoisonnait son esprit, les bribes de son voyage à travers l’inconnu d’un univers maintes fois décrient dans ses livres, lui offrait l’étincelle d’espoir face aux tumultes de son cauchemar. Elle se revit des années auparavant dans ce petit temple du sixième Méros, face à lui, l’homme de son mauvais songe. Son regard froid, calme et emplit d’une folie qui la hantait encore aujourd’hui, se superposa à la beauté simpliste des murs emplit de gravures et de peintures, ainsi qu’au majestueux autel de bois trônant dans la pièce. La sensation des chaînes sur ses poignets, leurs brûlures encore présente sur sa peau et la douleur sourde qui s’était emparée d’elle la saisirent. Cet humain, cruel et sanguinaire, qui lui avait tout pris, se tenait devant elle aussi réel que la terreur qui la submergeait.
Ce jour changea radicalement sa vie. La traque qu’il avait instaurée, avait fait d’elle un animal dangereux qu’il se devait de capturer. Une divinité rendue immortelle et pouvant être contrôlé d’un simple artefact était pour lui la plus belle des armes. Ces mots qu’il lui avait susurrés à son oreille étaient sa plus grande honte. Alors elle avait fui, et elle continuait à le fuir, malgré la douleur et la peur. De par cette chasse, il lui avait offert, à son insu, de nouvelle possibilité et la liberté qu’elle avait tant réclamée dans son enfance. Les splendeurs et les paysages que sa fuite lui avait apportés l’avaient plus d’une fois laissée sans voix. Tant de planètes, de peuples et de cultures différentes les unes que les autres, s’étaient offertes à elle. Les grandes plaines de Arracia, les immenses cascades d’Uffor, les grottes gelées aux glaces éternelles de Kreyion, l’Arche d’éther du royaume d’Elancia, l’une des plus belles Perséides de la constellation de l’étoile, ou la grande bibliothèque de Lumus. Tous ces mondes, dispersés à travers les Méros, qu’elle ne connaissait qu’aux à travers les livres qu’elle lisait durant son enfance. Tous, lui avaient offert leur histoire, leur culture et un renouveau qu’elle n’espérait plus. Des mondes en paix, gorgés de lumière. Des peuples en harmonie avec leur semblable et la nature, heureux, vivant simplement leur vie en toute sagesse et dans la foi.
Mais ce semblant de bonheur fut de courte durée. Pour toute lumière qui s’éveille, son penchant obscur n’est jamais loin. Et la noirceur des cœurs se présenta bien vite à elle. Le mal rôde en chacun. Se complaisant dans l’ombre, dans l’attente de son éclat. Et pour la lumière, elle est le pire mal des humanités s’étant éveillés depuis des millénaires. Et cet humain, Bakura en est la parfaite illustration. Son souvenir réveilla ses craintes les plus profondes et ses douleurs. La mort de Judal, l’Isis noir, l’immortalité, les généraux du clan des ombres, le Seigneur Alkan, la fin, les massacres dont elle fut témoin, la douleur, les ténèbres. Elle mélangeait tout, ne sachant plus ce qu’elle faisait là.
Elle avait passé des années à étudier, mais pourquoi ? Elle devait briser le sort d’immortalité, mais pour quelle raison ? En y repensant, cela en valait-il vraiment la peine ? Avait-elle fait le bon choix en quittant son royaume ? D’ailleurs son royaume méritait-il d’être sauvé du néant ? Et si le sortilège échouait ?
Je ne veux… Je ne veux plus dormir… Je veux vivre… Non mourir… Le rejoindre… Détruire…
— Réveille-toi ! Le cri de Khaé la ramena brusquement à la réalité. Les marques sur son visage s’effacèrent lentement et ses pupilles reprirent leurs couleurs d’origine. Seule la magie noire qui gravitait autour d’eux s’amenuisant, continua de les accompagner.
Reprenant ses esprits, elle tourna la tête et le vit, le visage crispé, porté sur elle toutes ces années d’inquiétude. Elle cessa de pleurer et d’un geste lent et difficile, vint essuyer les larmes de son ami.
— Je me sens si égoïste ! Après toutes ces années de souffrance, je t’apporte encore de la tristesse. À toi qui n’as jamais douté de moi ! Toi qui crois si fortement en moi. Je doute que ton cœur n’a pu supporter de me voir encore sombrer dans les ténèbres, alors que tu m’as toujours apporté soutien et réconfort durant mes crises de désespoir. Levant difficilement sa main, elle vint doucement sécher les larmes qui roulaient sur le visage de Khaé. « Tu es la seule lumière qui guide mes pas. La flamme de notre volonté, ce puissant feu qui brûle en nos cœurs, c’est toi, ton amitié, et ta volonté de me suivre qui l’entretiennent. Pardonne-moi, je me suis laissé emporter par ma faiblesse… Encore.
— L’Isis blanc et l'Isis neuf Royaume n’ont pas à s’excuser devant un simple serviteur tel que moi, pas après ce que tu as fait. Il serra la main de Lostris. « Je crois que… Qu’il est vraiment temps que tu cesses de te morfondre. Le sortilège… Le sort est lancé ! Et même si, et même si tu laisses le doute t’envahir et la peur t’assaillir, tu ne peux revenir en arrière. Alors cesse donc de ressasser ton passé ! Ne laisse pas la noirceur te vaincre ! Profitons encore un peu, toi et moi, de cette vue splendide que nous offre ton royaume…
L’espoir d’un songe millénaire
— Je suis fatiguée, Khaé, dit-elle en baillant, faisant éclater la bulle onirique dans laquelle ils étaient plongés. Elle venait de marmonner ces mots, qui résonnèrent douloureusement aux oreilles du jeune assistant. La sensation de solitude qu’il redoutait tant, se propagea telle une brûlure dans son corps, nouant son estomac. La prenant dans ses bras, il se releva, et telle une jeune mariée, il la porta jusqu’au sarcophage qui attendait son précieux chargement.
Fruit d’un travail acharné, la splendide pièce que Khaé venait de faire apparaître, avait été construite de leurs mains. Aidés d’un Mortuem, spécialisé dans la création de tombeau destiné aux individus doués de magie, ils avaient au bout de longues journées de travail, terminé ce qui serait sa demeure pour les cinq mille ans à venir. Sculptée dans un albâtre blanc des plus purs venus des carrières de Sintra, chaque gravure extérieure composant le coffrage avait été réalisée à la main par des artisans loyaux à la dynastie divine du Seigneur Alkan. Représentant des scènes de la vie quotidienne de la vie divine, l’artisan avait magnifié chaque ciselure et chaque entaille d’enluminures afin de faire circuler la lumière à travers tout le coffret extérieur. Chaque glyphe était serti de pierres précieuses et de diamantine, l’un des joyaux les plus rares de l’univers. Le petit sculpteur assermenté qu’elle avait mandé avait été grassement rétribué pour son travail ainsi que son silence. Mais la jeune divinité étant on ne peut plus prudente, lui avait tout de même apposé un sceau de mutisme.
Le plus gros du travail et le plus minutieux avaient été les ciselures intérieures. De fins filigranes d’or parcourant l’entièreté du caisson. Les dorures avaient été enduites de Fotos réduite en poudre afin d’absorber les lumières naturelles. Durant une centaine de journées et de nuits, le sarcophage fut laissé à ciel ouvert. Les filigranes avaient alors emmagasiné les lueurs des astres solaires et stellaires. Le fond du sarcophage se para de lumière reflétée par les fines entailles dorées, créant un nuage luminescent, réagissant au toucher dans des crépitements d’étincelles.
Les gemmes de Fotos furent les plus difficiles à dénicher. Minerai étrange et exceptionnel, la planète responsable de son excavation, Farior dans le troisième Méros, vit son activité s’arrêter lorsque les mines furent épuisées. L’économie de la planète gravitant autour de ces gemmes chuta grandement. En mille années, Farior autrefois riche, sombra dans la pauvreté et le crime. Les maigres filons restant devinrent la propriété de vils marchands, assurant l’entretien des mines et la revente de ces pierres. C’est au détour d’un marché noir basé dans les ossements d’une bête céleste, que Lostris prit contact avec un receleur dont la principale activité était le négoce de minerai rare. Les négociations avaient tourné court. Le receleur, certain de
s’enrichir plus que de raison avait reconnu la jeune divinité et fait prévenir une unité du clan des ombres basée non loin. Les combats qui s’engagèrent n’épargnèrent personne et Lostris détruisit le marché. Aucun survivant, Khaé s’en était assuré. Après tout, les marchés noirs regorgeaient de voleurs, revendeurs aux manières peu scrupuleuses, hors la loi et autres rébus des humanités. Ils ne manqueraient à personne. Du moins, elle avait tenté de s’en convaincre.
Khaé la déposa doucement dans le bain de lumière. Les frémissements d’une respiration erratique, vinrent accompagner les larmes de fatigue qui perlaient à ses yeux. « Khaé ? Tu seras là à mon réveil ? Elle resserra sa prise sur le bras du jeune assistant.
— Allons, allons, nous en avons déjà discuté ! À ton réveil, la solitude t’accompagnera pour quelques instants ! Tu ne seras plus seul lorsque tu fouleras à nouveau ton royaume ! Tu auras une nouvelle vie, empreinte de nouveaux compagnons. Je suis prêt à parier que tes nouveaux adorateurs te vénéreront autant que moi ! Il avait dit cela avec un léger sourire et un ton emplit d’humour. Rassurer la jeune divinité encore trop peu sûre d’elle, était un exercice dans lequel il excellait. Il savait qu’elle lui accordait sa confiance et qu’elle prenait à cœur ses paroles.
— Pas mes adorateurs… Le bâillement bruyant s’échappant du sarcophage le fit rire. Levant la tête, il soupira. Son regard se fixa sur la terre face à eux, Midgard, ce monde à l’énergie si pur que jamais la magie n’en foulera l’essence. Dans une grande mélancolie, il parla. Sans crainte, sans pudeur, il oublia les divinités à ses côtés.
— Je t’ai… Je t’ai soutenue et encouragé. Rassuré, apaisé lorsque l’ombre s’abattait sur ton existence. Je t’ai juré loyauté et fidélité. Je t’aime et je t’adule, non pas comme l’entité divine que tu es, mais comme une amie chère à mon cœur. Aujourd’hui, je vais pleurer ton absence comme je pleure celle du Seigneur Alkan. Mais à l’instar de mon seigneur dont le souvenir de sa présence sombrera dans l’oubli, toi et moi, rirons à nouveau. Nous ferons à nouveau la fête jusqu’à l’aube. Nous verrons à nouveau les soleils se lever, et les obscurités disparaître. Je sais qu’un jour, tes pas illumineront encore les mondes et les humanités retrouveront la paix et l’allégresse. Je me languis déjà du jour, ou tel le phénix, tu renaîtras de tes cendres. De ce jour où tu étendras tes ailes pour apporter la lumière salvatrice sur nos mondes. J’ai hâte mon amie, hâte que ta lueur guide à nouveau mes pas vers la paix et la rectitude. Que ta chaleur me berce, enjoignant mon esprit à te rejoindre dans la béatitude. Alors soit fier de ce que tu as accompli et de ce que tu accompliras. Lostris, ma lumière, ta libération est proche, endors-toi sans crainte et n’aie pas peur des lendemains.
Apaisé, tel était le sentiment qui se diffusait dans le corps de l’entité divine se délectant du bain de lumière dans lequel elle était plongée. Le cocon luminescent lui prodiguait le plus grand bien, faisant fuir pour la première fois depuis longtemps, la douleur qui rongeait son être. La peur d’avoir échoué résonnait dorénavant faiblement dans son esprit. Il avait raison, revenir en arrière était exempt.
— Concentre-toi sur ton retour à la lumière et ne te focalise pas sur les Méros. Laisse les dieux se satisfaire de leur idiotie. Le jour viendra pour eux de faire face à leurs responsabilités. Nous serons certes peu à nous dresser contre les ténèbres grandissantes. Ainsi, furent les dernières paroles du Seigneur Alkan à mon encontre le jour où… Elle ne put terminer sa phrase. La mort du grand dieu s’imposa dans son esprit.
— Cesse cela ! Le soupir qui accompagnait le désarroi de Khaé fut des moins discret. « Nous n’allons pas une énième fois en débattre Lostris ! Tu ne peux te blâmer pour sa mort, ni pour celle du Seigneur Judal ! Tu dois cesser de te sentir coupable, tout cela n’est en rien de ta faute ! Quoi qu’il puisse arriver, nous combattrons nos ennemis, nous y sommes préparés ! Nous vengerons ceux qu’ils nous ont injustement arrachés ! Mais pour l’amour de la sainte lumière, arrête cette culpabilité et concentre-toi sur le futur ! Il s’adossa contre le sarcophage, tentant de reprendre son souffle. Ce monologue venait de l’épuiser. Cette manie qu’elle avait de se sentir coupable de tout avait le don de l’agacer fortement ! « Qu’elle s’endorme et à dans cinq mille ans ! », pensa-t-il avec rancœur. Il se maudit subitement de penser du mal de son amie.
— Khaé ! Encore une chose ! Sa veste s’il te plaît ! Demanda-t-elle, la main levée avec la plus grande fermeté.
Khaé la regarda avec étonnement. Elle avait pourtant émis que ce vêtement soit détruit. Alors pourquoi souhaitait-elle subitement le reprendre ? Levant son sceptre, il fit apparaître le manteau noir aux bordures d’or de l’Isis noir.
— Tu es au courant n’est-ce pas ? Est-ce le Seigneur Alkan qui t’a dévoilé ses actes sur ta mémoire ?
— Oui, je suis au courant ! Mon cœur se serre en y repensant, mais je lui ai promis d’être forte face à cette décision. On m’a retiré le droit de rejoindre Judal dans la mort et maintenant, on me retire le droit à son souvenir. J’ai bien compris que mon être en ce moment même est entièrement régi par la disparition de l’Isis noir ! Puisque ma condition d’Isis des neuf Royaumes empêche ma vie de s’éteindre, mon pouvoir divin est instable. Il est dit dans les anciens rouleaux de la création, que l’Isis blanc et l’Isis noir, succombent au même moment, puisque leur existence et leur pouvoir, sont une seule et même facette d’un seul être ! L’un ne peut exister sans l’autre ! Et pourtant, je suis toujours en vie ! Et cette mélancolie, cette douleur et cette tristesse d’être sans lui, incomplète et perdue dans ces ténèbres qui m’ont été imposées, influence mon pouvoir. Alkan, disait que tant que les souvenirs de Judal seront vivaces en mon esprit, je ne pourrais pas avancer. Ma puissance restera bridée. Mais soit sans crainte Khaé, j’ai accepté. Je ne saurais dire si cette décision qui lui fût difficile est la bonne, mais quoi qu’il en soit, nous devons respecter ses dernières paroles.
— Oui Altesse, quoi qu’il puisse arriver, jamais ton passé ne devra t’être révélé. Pas avant ton retour à la lumière. Avec une immense tendresse, il lui donna la veste, dernier vestige d’un souvenir qui bientôt ne serait plus. « As-tu seulement conscience que seule sa mort continuera à hanter ta mémoire ?
Un léger sourire narquois orna ses lèvres, tandis que son regard perlé de larmes, accompagna le mouvement de sa main, vers le visage de Khaé. « Jamais, au grand jamais, je ne dois oublier ce qui à mener nos êtres vers cette belliqueuse entreprise. Comment pourrais-je… Elle bailla une nouvelle fois. « Combattre sans ce crime gravé en ma mémoire ? Sans cet abandon qui a fait de moi la dernière de ma race divine, sans cette vie m’ayant été imposée, qui a fait de moi ce que je suis ? Un jour, nous pourrons enfin laisser nos souvenirs n’être plus que passé.
— Cette sagesse t’honore sainte lumière. J’ose espérer que cette douleur qui accompagne ton cœur depuis des années, ne soit plus à ton éveil… Lostris ? Il la regarda, sereine et apaisée, enfin libérée de cette vie tourmentée. Elle venait de s’endormir, sans un mot.
Il ne pouvait y croire. Tellement d’événements s’étaient produits depuis ces dernières années. L’arrivée de cette jeune entité au sein du palais semblait dater d’hier. Treize longues années de doutes, de pleurs et de souffrances s’achevaient dans le silence du cosmos. Même s’il s’était préparé à ce jour, la douleur qui irradiait sa poitrine était bien présente. Il avait pourtant encore tellement de choses à lui dire, tellement à lui montrer. Mais l’évidence de la laisser d’endormir était la première phase des projets à venir. Durant ce long sommeil, lui, l’un des derniers à connaître la funeste vérité, élèverait le futur Katastrep de la dynastie divine du sixième Méros. Il garderait un œil sur le peu d’allié qu’elle avait rallié à sa cause. Et surtout, il créerait les fondations nécessaires à leur victoire. Dans un dernier geste tendre à son égard, il se baissa et déposer un baiser sur son front. Se relevant, il baissa lentement le couvercle de verre du sarcophage en lui murmurant « Bonne nuit ma lumière » et referma ce qui serait sa demeure pour les cinq mille ans à venir.
Aux premières lueurs des aubes, à travers les nombreux mondes du royaume, devins, enchanteurs et toute personne ayant un quelconque don de prémonition, attestèrent de la similitude de leurs songes.
« Quand l’obscurité, consumée par les prémices des rayonnements solaires déclina, un homme étrangement vêtu se tenait dignement devant Midgard. Sa silhouette majestueuse, s’effaçant dans l’horizon, emportant avec lui un étrange sarcophage lumineux. »