"On aurait dû être plus nombreux !"
Comme d'habitude, c'était Todd qui parlait avec le plus de véhémence. Il s'était levé et marchait en rond dans la salle de cours.
"On ne pouvait pas prévoir leur nombre" lui assura Kasia.
"Pourtant, c'est une erreur qui nous a coûté sacrément cher !"
De son fauteuil, Kasia observa Todd. Il avait les yeux rougis et ses mains tremblaient. Elle savait que ce n'était pas la peur mais la rage. Chez lui, le chagrin se transformait presque toujours en colère.
"Je vais, à mon grand regret, employer des platitudes, intervint Rasmus. Mais tout ceci ne nous rendra pas Tonio."
"Je le sais bien, bon sang !" tonna Todd.
Rasmus soupira. Todd s'arrêta de marcher et lui fit face.
"Désolé, Ras. Ce n'est pas contre toi…"
"Je sais bien. Ne t'inquiète pas, nous prendrons le temps de pleurer Antoine. Mais si on veut gagner, il nous faut analyser la situation. Il faut que cette tragédie nous serve. Mais tu es encore trop touché en ce moment pour ça."
"Ne me mets pas de côté."
"Je ne te mets pas de côté…"
"Tu en as l'intention ! Mais on ne peut pas se permettre de laisser un seul d'entre nous isolé. Tu as bien vu la différence. On ne peut pas travailler seuls. Ce n'est pas l'inspiration qui nous manque, mais la confiance. Nous sommes prêts à tout tenter, mais uniquement avec les autres. Pas contre eux. Et pour ça, il faut leur confiance."
Il avait parlé très vite, mais son discours s'était ralenti vers la fin.
Il alla s'asseoir sur une chaise et dévisagea ses camarades qui arboraient un léger sourire. Il soupira.
"J'ai compris ce que tu as fait, Ras. Tu savais tout ça, évidemment. Mais tu voulais que je l'exprime moi-même."
Il secoua la tête.
"D'accord. Bien joué. Mais tu peux arrêter de faire ça, s'il te plait ?"
"Aucune chance." répondit Rasmus.