Je ne me souviens pas du temps où les loups-garous et les vampires étaient en guerre perpétuelle, mais les récits anciens me hantent encore. La haine entre nous était telle qu'aucun d’eux ne pouvait nous approcher sans craindre pour sa vie. Les vampires, manipulateurs dans l’ombre, se servaient de leur venin pour nous soumettre. Une morsure suffisait : leur poison agissait comme une drogue puissante, s’infiltrant dans notre corps, et nous en voulions encore et encore, jusqu’à ce que nous ne soyons plus que des marionnettes entre leurs mains. Beaucoup d’entre nous ont chuté, dépendants, aveuglés, prêts à tout pour une nouvelle dose.
Mais les loups n'étaient pas sans défense. Nos crocs, plus acérés que n’importe quelle lame, étaient pour eux un véritable fléau : une morsure de loup-garou, et le poison se répandait dans leurs veines, brûlant tout sur son passage. Ils se consumaient de l'intérieur, condamnés par notre simple contact. Pour eux, la morsure d’un loup n'était pas qu'une blessure, mais une sentence de mort lente et douloureuse. Sans hésiter, nous les traquions, chassant chaque vampire comme des prédateurs enragés, les décimant sans répit. La terreur régnait dans leurs rangs, car chacun d'eux savait que s'approcher d'un loup revenait à flirter avec la mort. Cette haine implacable avait un coût. Car si nos crocs étaient leur malédiction, leur venin était le nôtre. Une seule morsure, et le poison s'infiltrait, coulant dans nos veines comme un feu froid, nous envoûtant, nous détruisant de l'intérieur. Ce n'était pas une simple douleur : c'était une obsession, une fièvre dévorante. Leur venin agissait comme une drogue perverse, rendant les loups accros, incapables de se libérer de leur emprise. Nous devenions l'ombre de nous-mêmes, déchirés entre notre nature et le désir lancinant de replonger dans ce poison. Un loup mordu n’était plus qu’un déchet, une âme brisée, un guerrier réduit à l'état de loque. C'était leur arme secrète, et ils l'ont utilisée sans pitié, réduisant nos rangs, soumettant les plus faibles.
Ainsi, la guerre entre nous n'était pas seulement faite de violence et de sang. Elle était une danse mortelle, un jeu macabre où chaque mouvement devait être calculé avec une précision implacable. Un simple regard échangé pouvait déclencher une traque, une simple parole pouvait sceller un destin. C’était une lutte où chaque victoire n’était qu’un souffle avant la prochaine bataille, où chaque triomphe laissait en héritage des cicatrices invisibles et des âmes marquées à jamais. Dans cette course effrénée, il n’y avait pas de place pour la pitié, ni pour l’hésitation. Une seconde de doute, un pas de travers, et le chasseur devenait la proie, traqué à son tour dans une valse cruelle qui ne connaissait ni vainqueur ni repos. Le moindre faux pas pouvait mener à la mort, une fin aussi brutale qu'inéluctable, alors que l'ennemi attendait, tapis dans l'ombre, prêt à bondir et à frapper sans remords. C’était plus qu’un simple combat pour la survie : c’était une bataille pour l’honneur, pour la domination, une guerre pour qui marcherait libre sous la lune et qui, à jamais, en serait privé.
Cette guerre a duré des siècles, érodant les corps, brisant les âmes, jusqu’à transformer notre terre en champ de ruines. Les deux camps s’épuisaient, se déchiraient, et bientôt, les loups comme les vampires n’étaient plus que des ombres de ce qu'ils avaient été. Nos rangs se réduisaient, et avec eux disparaissait la force qui avait autrefois fait notre fierté.
Alors, en un ultime effort pour sauver nos espèces de l'extinction, les deux plus puissants de notre monde se sont rencontrés. Le chef suprême des loups et le roi des vampires, ces légendes vivantes, se sont tenus face à face, porteurs d'une décision dont dépendait notre survie à tous. Ensemble, ils ont compris qu'il ne resterait bientôt plus personne à gouverner si la guerre se poursuivait. Ainsi, ils ont scellé un pacte : plus de morsures, plus de meurtres, sous peine de mort ou d’exil. Aujourd’hui, un vampire qui ose mordre un loup se condamne lui-même, s'exposant à la colère de son propre peuple, tandis qu’un loup, s’il tue un vampire, est destiné à l’exil. Il devient Omega, sans meute, sans foyer, réduit à errer sans protection, une ombre sans force, rejetée par tous.
Au milieu de tout ça se tenaient les humains, insignifiants aux yeux des loups-garous. Bien qu’une morsure puisse, parfois, en faire l’un des nôtres, la plupart du temps, nous restions entre nous, préservant la pureté de nos lignées et respectant l’ordre de nos meutes. Chaque clan se mêlait parfois aux autres pour trouver sa compagne ou, pour un Alpha, sa Luna, celle qui partagerait sa force et son destin. Pour les vampires, toutefois, les humains revêtaient une importance cruciale. Ils avaient besoin d’eux pour se nourrir et accroître leurs rangs. Bien que dotés d’une force incomparable, de la vitesse et d’une ouïe surhumaine, ils possédaient chacun un pouvoir unique qui leur conférait des avantages propres — mais la reproduction leur était impossible. La morsure humaine était leur seul moyen d'assurer leur descendance et perpétuer leur pouvoir. Cette dépendance aux humains ne les rendait que plus manipulateurs et plus calculateurs, les poussant parfois à franchir des limites, à chercher des failles dans le pacte que nous avions établi.
Ce pacte est devenu notre loi, notre rempart fragile contre le retour du chaos. Il nous maintient en équilibre, nous offre une paix tendue, un silence où chaque geste compte. Mais parfois, lorsque je scrute l’horizon sous la lueur de la lune, je me demande… combien de temps encore cette paix fragile va-t-elle tenir, avant que l’ombre de la guerre ne vienne de nouveau tout engloutir ?