Prologue

L'image tressaute un peu. D'un pouce on l'essuie, tout devient flou. Puis une tête rose et furibonde se précise, un large sourire édenté s'avance grossièrement.

Tout est flou, gros et rouge.

Le garçon joue de sa langue et fait trembler une molaire sur le point de tomber. Il ricane.

– Camille, filme-moi, regarde ! Camille !

Il tremblotte, beaucoup de vert d'un coup, et alors une fille, frimousse sautillante. Il recule, elle semble danser autour d'un arbre. Il se racle théâtralement la gorge :

– Mesdames et monsieur, bonjour.

– Non, approche-toi, tu ne me vois pas bien !

– Mais si, on te voit bien Amy.

– Non, viens sous les branches, c'est mieux !

Elle parle fort de sa voix fluette toujours en exclamation.

Elle tient ses poings sur les hanches. Un coup de vent tente de l'aider en agitant les feuilles et ondulant l'herbe autour d'elle, s'amusant de sa fausse colère mal jouée.

Joli souvenir, je me dis.

Il filme ses pieds qui trottinent et la rejoignent.

En profite pour ramasser un pissenlit.

Souffle sur lui et ses joues à elle toutes rebondies.

Les petites fleurs viennent se déposer sur son crâne, légèrement, à peine retenues par ses cheveux d'enfant. Elle rit :

– C'est mieux que mieux !

Et vacille.

Une file indienne de gendarmes contourne le sol mousseux. L'un d'eux s'arrête et nous salue. Il fait plus sombre quand on est proche de la terre.

– La caméra de maman et papa !

– J'ai pas fait exprès.

– On va se faire gronder !

La paume d'une main cette fois nettoie.

Leurs deux visages apparaissent, inquiets, collés l'un à l'autre.

Ils se ressemblent maintenant que c'est clair.

Le même nez rond et téméraire, la même tignasse qui fait sa vie.

On pourrait s'amuser à relier leurs grains de beauté ensemble, comme un dessin numéroté. Pas de ceux qu'on traçait en maths, avec la règle et le crayon, aux lignes nettes qui rendaient le papillon trop rigide. Juste du doigt, à la volée.

Qu'est-ce qu'on en tirerait ?

– Elle n'est pas cassée ?

– Je crois pas.

Il grimace. Elle décide de reprendre ses pas chassés. Il ouvre grand la bouche. Dommage, sa dent est encore là. Il se rapproche d'Amy et tend son bras.

Il mime un micro.

– Voici le nouveau spectacle d'Amy de danse...

– Et de figures !

Elle s'élance dans une série de roulades. Il s’esclaffe et la suit.

 

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Vermeille
Posté le 01/04/2025
Oh, ce texte est un petit bijou de souvenir flou

On sent la chaleur d’un après-midi d’enfance, les jeux, les inquiétudes minuscules et cette complicité qui déborde dans les gestes comme dans les mots. C’est à la fois drôle, sensible, et très sensoriel.

J’ai particulièrement aimé les petites trouvailles poétiques comme “le même nez rond et téméraire” ou “relier leurs grains de beauté comme un dessin numéroté” — c’est plein de charme et ça résonne fort !

Merci pour cette parenthèse tendre. Ça me donne envie de lire la suite :)
lauraaaatchoum
Posté le 01/04/2025
Oooh !
Mais merci beaucoup ! Olala je ne sais pas quoi écrire, ça me fait tellement plaisir de lire ton petit mot ; et tout premier retour sur cette histoire qui plus est, merci encore !
J'espère que la suite saura te plaire.
Belle journée 🌼
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