Une brise printanière. Douce, agréable. C’est le vent qui vient nous faire ses adieux. Dos au poteau, mes jambes me lâchent : je glisse mais les soldats s’en fichent, ils ligaturent mes poignets et s’écartent aussitôt.
Je ferme les yeux. Une seconde. Deux. Trois. Juste le temps qu’ils s’en aillent.
Ils se dressent face à nous quand mes paupières se lèvent. Avec leur manteau épais et leurs bottes cirées, ils s’éventent comme s’ils crevaient de chaud. Pourtant, jamais je n’ai eu aussi froid.
C’est à cause du soleil, je pense. Il ne prend pas la peine de nous réchauffer, nous, puisque d’ici peu, nos corps seront glacés pour toujours. On n’investit que dans ce qui en vaut la chandelle. Alors, il garde son énergie pour que fonde la neige et rosisse le teint des bourreaux. Ils ont encore du sang à faire couler.
Je me redresse, maladroitement : il y a sur ma gauche une silhouette familière – un jeune homme au visage blafard, amaigri par les sévices. Son regard croise le mien.
J’aimerais qu’on le relâche. J’aurais tout fait pour qu’on le relâche ; pour que son sourire illumine autre chose que mes yeux embués, pour qu’il retrouve sa mère, qu’il la serre dans ses bras ; pour qu’il dise à son père que ce n’est pas de sa faute, que la vie est ainsi faite et que, si l’on peut modifier certaines pages de notre histoire, d’autres, elles, sont impossibles à changer. Même si on essaye de toutes nos forces.
Deux des soldats alignés s’approchent avec un morceau d’étoffe. Je ne veux pas y faire attention, non, je veux les ignorer, longtemps, aussi longtemps que possible, mais mon ami les observe. Le premier passe derrière lui. Le second…
Je plante aussitôt mon regard sur le ciel, bleu, pâle, magnifique ; j’ancre ses couleurs au plus profond de moi, serre les dents à m’en décrocher la mâchoire… et mes paupières s’effondrent. D’un coup. Comme un linceul sombre sur une vie brisée. Il empeste la sueur et les larmes ; les miennes, bientôt orphelines, roulent déjà sur mes joues.
Mes mains s’emmoitent. Ma bouche est sèche. Mon cœur, affolé, cogne tant qu’il estompe le bruit des fusils que l’on arme.
Plus que quelques instants. Quelques secondes, peut-être. C’est le moment que choisissent mes souvenirs pour m’éclater au visage. Il y a des images, des voix, des parfums ; des douleurs et des rires, la douceur d’une étreinte… une promesse.
Une promesse que je ne saurais tenir, à présent.
Les balles sifflent si fort que je ne m’entends pas mourir.
Bienvenue sur PA !
Je vois dans les nouveaux profils plusieurs mentions du Café Cobalt, ça m'intrigue^^ C'est quoi exactement ?
Pour ce qui est du texte, superbe entrée en matière ! Le choix des mots est très bon, l'intensité dramatique reste à son comble tout au long du texte. J'imaginais assez facilement le peloton d'exécution, illuminé par les rayons d'un soleil du soir...
Je me demande si tu ne pourras pas arrêter après "à présent", cette phrase m'a plus interpellé que la chute finale. Après, c'est sûr qu'elle aide à clarifier la chute du prologue donc à voir^^
Un plaisir de découvrir ta plume,
A bientôt !
À chaque lecture, l'effet reste le même. Bravo :)
Sympathique prologue, par l'habileté de la plume, pas par son contenu bien triste :)
Les émotions sont retranscrites avec une belle intensité. Les formulations sont variées et efficaces.
Je crois qu'il manque un "QUE" dans l'avant dernière phrase, à propos de la promesse :)
Pour l'instant la perle bleue annoncée dans le résumé me font remonter d'eux images : la série animée "Arcane", et, beaucoup plus vieux, "Nadia et le secret de l'eau bleue". Hâte de voir ta version de cette objet mystérieux :)
C'est génial si ça a eu son petit effet. J'ai beaucoup entendu parler d'Arcane - il va falloir que je lance le visionnage, aha - et j'irai me renseigner pour la seconde référence.
Un grand merci pour ton retour ! J'espère que la suite ne te décevra pas.