Prologue et chapitre 1 : Lundi 5 mai : Et Dieu créa la galère !

PROLOGUE

 

 

Bonjour à toi, ô lecteur vénéré. Tu as choisi mon livre parmi des milliers, voire des millions. Je désire ici te conter (ou plus justement compter) mes humbles mésaventures. Si tu as choisi en fonction du titre en espérant trouver un ouvrage érotique, tu seras déçu. Je ne traite pas non plus de l’historique du French Cancan. Prends plutôt le jeu de mot ambivalent : « en l’air » dans le sens « cassée », « surélevée » pour la guérison. 

Ce récit se base sur mes souvenirs transcrits dans mon journal intime. Certains événements peuvent avoir été déformés par le temps car je n’ai pas pris note au jour le jour. Mon entourage m’a aidé à combler mes trous de mémoire. Cette histoire se concentre essentiellement sur une période de cinq mois, les plus longs et les plus décisifs de mon existence. Un concentré de chance, de malchance, de douleur, d’amour, de catastrophes. Il ne m’est jamais arrivé autant de choses en si peu de temps : un accident, une agression, l’amour, un changement de carrière et même le permis de conduire. Ma vie a pris un tournant à nonante degré à une vitesse de cent à l’heure. J’ai lutté pour ne pas quitter la route et finir dans le fossé. 

Mon récit s’articule en six étapes tel une partie de cartes :

·         La première s’intitule Comme un château de cartes  car ma vie a été ébranlée par l’accident. Toutes les fondations se sont fissurées : santé, travail, sentiment de sécurité, argent, habitudes sportives, indépendance. J’ai pu constater que j’avais bâti mon quotidien sur des bases peu stables. Tout s’est écroulé en trois semaines. Avant qu’ait lieu la nouvelle donne …

·         La carte passe  symbolise la période qui m’a été indispensable pour me reconstruire physiquement et psychologiquement, en acceptant de mettre les clés de mon indépendance au clou pour quelques temps, de faire appel à mes proches et d’abandonner un travail trop précaire.

·         J’ai tiré enfin une carte chance sur laquelle était inscrit nouveau job, le pied à l’étrier pour retrouver argent et reprise en main de mon existence.

·         Le permis ou carte rose était un atout en dormance, que j’ai ressorti de ma manche, tenue par une échéance très serrée. Ce fut la carotte qui m’a fait avancer plus vite que prévu.

·         La carte des menus évoque la période de tournée des restaurants d’abord à des fins professionnelles pour terminer par une véritable invitation de la dame de cœur. Celle-ci me représente. Je suis un peu Raiponce dans sa tour ou la Belle au bois dormant dans ses ronces. Paul, que je vous présenterai en détail dans le récit, m’a accompagnée pour traverser les diverses embûches sur mon chemin. Il a été à mes côtés, tel un fidèle valet.

·         Enfin, le valet devient Roi, comme Paul prend une place importante et définitive à mes côtés. J’accepte de partager ma vie solitaire. Main dans la main, on risque moins de trébucher et de tomber trop bas.

Avant de débuter mon histoire, je vais me décrire physiquement afin que tu puisses visionner les événements qui vont suivre comme si tu regardais un film. Je mesure 1 mètre 55 (certains m’appellent modèle réduit), cheveux châtain foncé, yeux bleus, corpulence moyenne (on dirait une description de personne recherchée !). Je n’ai aucune particularité physique : pas de nez crochu, pas de tache de naissance ni de cicatrice apparente ; du moins, je n’en avais pas jusqu’à ce beau (uniquement au niveau du temps, pas de la chance) jour de mai ensoleillé …

 

COMME UN CHÂTEAU DE CARTES !

    Lundi 5 mai : Et Dieu créa la galère !

 

Tout commence un lundi après-midi. Il fait chaud pour un jour de mai. J’ai décidé de faire quelques petites foulées dans mon nouveau survêtement acheté en promotion la semaine précédente. Je m’arrête au passage pour piétons car une voiture arrive. Le chauffeur freine pour me laisser galamment traverser. Je le remercie d’un hochement de tête. Mais, arrivée au milieu de la chaussée, je sursaute au bruit strident de pneus qui crissent sur le macadam et un grand boum de tôle froissée. Puis, un long silence dans le noir de l’inconscience.

J’entends peu à peu des voix, des sirènes hurler autour de moi. Tout cela me ramène à la réalité. J’ouvre les yeux et me retrouve face à un homme qui me parle mais cela semble être une autre langue car je suis encore dans une sorte de brouillard. Malheureusement, celui-ci se dissipe rapidement lorsque je ressens une vive douleur à la jambe droite. Je me raidis, la tête crispée vers l’arrière. Rapidement, un homme en blanc s’approche de moi et m’examine le visage en tamponnant avec des sortes de mouchoirs qui sentent bizarre. Mais moi je n’ai pas mal à la tête ! Qu’il s’occupe de ma jambe ! Au cri de douleur que je pousse, il comprend que le problème urgent est ailleurs.

« Votre jambe ? On s’en occupe. ».

Je hoche la tête tout en crispant mon visage. Enfin, il découpe mon pantalon. Un tout nouveau … si c’est pas malheureux ! J’aurais préféré ne pas regarder ce qu’il y a en dessous ; je vois un morceau d’os sortir sur le côté intérieur de ma jambe qui n’a plus rien de droit. Tout ce sang. Le gars en blanc crie : « Amène une attèle ! ».

Je me rends compte que l’accident bloque toute la circulation de la rue. Des policiers s’occupent de dévier les voitures. Quel bazar ! Et moi qui suis toujours sur le carreau en train de gémir et de crier. On m’installe une perfusion et j’ai droit à une injection contenant un produit sensé enfin me soulager. Les infirmiers n’attendent pas qu’il fasse son effet pour commencer à bricoler  ma guibole. Ils me la soulèvent le plus délicatement possible (ce qu’ils croient !) pour mettre en dessous une sorte de tuyau qui se gonfle et se referme par des bandes velcro afin de l’immobiliser pour le transport. Ils me posent ensuite une minerve pour me bloquer le cou. J’entends alors : « On l’embarque ! ».

Eh ! Mais je ne suis pas responsable de l’accident, je suis la victime innocente. Ils s’y mettent alors à trois, les deux en blanc et un extra, pour me soulever et me déposer sur la civière qui finit dans l’ambulance. Puis, j’entends pin, pon, pin, pon. Je n’avais jamais remarqué que ça résonnait si fort, il faut dire que c’est la première fois qu’on m’embarque.

Je dois sûrement être arrivée à l’hôpital car les portes s’ouvrent et mon lit temporaire est emporté à l’intérieur d’un bâtiment qui sent l’éther à plein nez. Puis, le plafond d’une salle blanche et à nouveau trois personnes pour me soulever et me déposer sur une table d’examen. Un bel homme s’approche et me sourit. Moi, je souris mais jaune.

« Vous avez mal au cou ?

-          Non. »

Il me retire la minerve et me fait tourner la tête. Ensuite, il ouvre l’autre tuyau. « Non ! ». Une infirmière arrive. Zut, moi qui voulais rester seule avec lui. C’est raté. S’il vous plaît, arrêtez de chipoter à ma jambe, vous me faites mal. On me découpe la basket. Et des compresses toutes rouges en une seconde, et des pansements pour faire plus propre. Une  infirmière me pose des questions pour remplir le formulaire d’admission. Elle me réclame ma carte de mutuelle. Je n’en ai même jamais vu la couleur ! C’est à ce moment-là que je remarque la disparition de mon sac banane. Il doit être resté sur le macadam après avoir cédé sous le choc. Il n’a même pas eu droit à une civière, lui ! Peut-être ai-je été victime d’une nouvelle technique de voleurs qui vous renversent pour piquer votre portefeuille. J’en fais part à la dame en blanc.

« Nous demanderons aux policiers s’ils ont retrouvé votre sac. Devons-nous prévenir quelqu’un ? Votre famille ou la personne avec qui vous vivez.

-          Je suis célibataire et je préviendrai moi-même mes proches plus tard. Merci. »

Je ne sais pas comment ils annoncent les accidents aux familles. Je préfère m’en charger. Et encore, je pense ne même pas le dire  à ma mère et ma sœur. J’y réfléchirai plus tard. L’urgence est ailleurs.

« Quel chirurgien orthopédiste choisissez-vous ?

-          Je n’en connais aucun. Mais ne me donnez pas un débutant, un borgne ou celui qui n’a pas dormi depuis quarante-huit heures !

-          Ce sera le docteur Lesage. Il est très compétent. Il soigne les sportifs.

-          Son nom est rassurant. Je fais moi-même pas mal de sport. Confiez-lui ma jambe.

-          Alors, signez ici.

-          C’est quoi ? Mon testament au cas où ça tourne mal ?

-          Non, vous nous donnez l’autorisation de réaliser l’opération nécessaire. »

Je ne lis même pas et appose ma signature en bas. Elle sort ensuite de la salle. Le médecin prend la parole :

« Bon. On va vous faire passer des radios avant l’opération. A quelle heure avez-vous mangé ?

-          A midi, comme la plupart des gens civilisés

-          Il faudra patienter jusqu’à 18 heures pour l’anesthésie. Allez, courage. »

Des radios ? Moi, j’aime bien la musique. Mais ce n’est pas la même chanson ici. On m’embarque à nouveau sur un autre lit. Ouille ouille ouille à chaque transfert. Puis, je me retrouve dans une pièce toute seule face à une machine qui fait des photos de ma jambe à la demande d’un bonhomme que j’entr’aperçois dans une cabine peu éclairée. Ensuite, on me charge dans l’ascenseur jusqu’à l’étage appelé orthopédie. Dans la chambre, une vieille infirmière m’aide à retirer ce qui me reste de vêtements pour enfiler un truc très sexy : une combinaison verte qui s’enfile par devant, me laisse les fesses à l’air et n’est pas plus longue qu’un short qui aurait pris feu.

Et puis commence une longue attente jusqu’aux 18 heures fatidiques. Je cogite à mort et l’anxiété me serre la poitrine. Je sens des larmes couler sur mes joues malgré moi. L’infirmière fait une entrée soudaine. Je sèche d’un revers de main mes yeux et renifle. Voyant mon émoi, elle s’approche :

« Vous avez mal ?

-          C’est supportable.

-          Vous avez peur ?

-          Oui.

-          J’ai vu beaucoup de gens défiler dans ces lits. Certaines avec des blessures très graves et elles s’en sont très bien remises vous savez.

-          Vous auriez dû me mettre dans une chambre avec quelqu’un de très amoché. Ca m’aurait peut-être remonté le moral. Se dire qu’il y a pire, ça console !

-          On va bientôt vous monter au bloc.

-          D’accord, merci. »

Peu après, un homme entre dans ma chambre. Il se présente comme anesthésiste. Il me pose diverses questions : si je suis fumeuse, cardiaque, allergique, sous traitement, etc.

« Avez-vous des problèmes récurrents ?

-          Euh … la malchance, ça compte ?

-          Non. Je ne m’intéresse qu’à votre santé.

-          J’ai une très bonne condition physique. Enfin … elle l’était !

-          A tout à l’heure. »

Enfin, en route pour l’inconnu. Je me souviens de néons blancs au plafond et puis un grand trou noir quand on m’injecte de l’extrait de Morphée dans les veines.

            J’émerge de l’obscurité pour découvrir celle de ma chambre. Mais cette dernière est moins rassurante que celle de mes songes. Alors me reviennent de vagues souvenirs de ce qu’ils appellent la salle de réveil : des têtes qui passent, une machine qui me bloque le bras toutes les cinq minutes pour prendre ma tension, mes gémissements et à nouveau le trou noir. Quelque chose me gêne au niveau du bras. C’est le tuyau du-goutte-à-goutte relié à deux pochettes de liquides.  Une question surgit : qu’est ce qu’ils m’ont fait ? Je n’ose pas bouger de peur de réveiller une douleur endormie. Je décide de profiter du calme environnant pour sombrer à nouveau dans l’inconscience.

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dominosama
Posté le 11/04/2013
L'écriture en elle-même est assez simple mais c'est ce qu'il faut je pense pour se genre de récit.
" à nonante degré" --> là si tu n'avais pas dit que tu es belge on l'aurait de suite deviné ^^
 
C'est sympatique on entre facilement dans l'histoire, à suivre :)
couscous1976
Posté le 11/04/2013
Ah, en effet. C'est la première fois qu'on me le fait remarquer. J'ai choisi ce type d'écriture qui colle bien à un journal intime.
couscous1976
Posté le 24/03/2013
Merci Pantalea. Je mettrai la suite petit à petit ...
 
Edit modération : merci d'utiliser la fonction "Répondre" au bas des commentaires laissés, et non pas de vous laisser un commentaire à vous-même ;)
arielleffe
Posté le 22/06/2013
Oui je désire la suite! L'accident est très bien décrit, l'ambiance de l'hôpital aussi. L'héroïne garde son humour, c'est bien!
couscous1976
Posté le 22/06/2013
Merci de continuer ta lecture. J'espère que la suite ta plaira ...
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