Qui foule la terre des cieux ?
Qui ose déranger le sacré ?
Tout en haut dans le temple, un homme s’était introduit là où les dieux dormaient.
L’air brûlant de la nuit s’était engouffré à sa suite. En hâte, il alla refermer la fenêtre. Les longs rideaux blancs retombèrent avec grâce le long du mur. Chamath, aux bras forts et l’œil vif malgré les années et le labeur, y jeta la longue corde de chanvre qui l’avait mené jusqu’ici. Soudain, il crut entendre un bruit. Il se retourna brusquement et, à ce geste, les innombrables bracelets qu’il portait à chaque bras s’entrechoquèrent. L’écho de l’or contre l’or se répercuta tout le long du couloir. Pétrifié, le sang battant aux tempes, Chamath attendit. Personne ne vint. Il n’entendait ni les prières murmurées des veilleurs du temple, ni les pas mesurés des prêtres faisant leur ronde. Le seul bruit qu’il entendait était les battements de son cœur affolé. Il était seul.
Pourtant, il sentait posé sur lui un regard tranchant comme une lame. Le marbre glacé pulsait sous ses pieds nus. Chamath savait la vérité : le temple était vivant. Le temple le voyait et le temple lui parlait. Chamath l’entendait clairement. Il lui soufflait à l’oreille :
—Tu n’as pas ta place ici.
Sa voix se glissait autour de lui : c’était l’encens qui rôdait auprès des colonnes immaculées, c’était le bois des statues qui craquait le long du couloir, c’était les dorures gravées dans les grands murs blancs qui grimpaient si haut qu’elles disparaissaient dans l’obscurité. Chamath le pêcheur, fils de Sion le pêcheur, à la peau brûlée par le soleil et aux doigts ensanglantés par le tranchant des pierres qu’il avait escaladées, lutta contre les larmes qui lui nouaient la gorge. Déjà, il voulait se jeter à genoux et implorer pardon. Au lieu de quoi, il inspira profondément et refoula sa détresse. Il ne fallait plus réfléchir, ne plus se demander s’il ne faisait pas là une erreur. Qu’un autre que lui ait été choisi et il ne se serait pas questionné ainsi. Il aurait juste été reconnaissant. Le devoir lui imposait d’agir avec la joie de savoir que bientôt, tout serait fini. D’autant plus qu’être désigné par ses pairs – ses voisins, ses collègues, ses amis, en un mot les siens – avait sa part de gloire. On se souviendrait de lui. D’ailleurs, il valait mieux que ce soit lui qui s’en charge. Tous étaient d’accord là-dessus. Pour un homme qui ne savait ni lire, ni écrire, il s’exprimait bien. Ses quarante années d’expérience en mer lui avait appris la patience, donné l’œil pour jauger la situation et s’adapter. Il n’était pas marié, aussi ; sa mort aurait moins de conséquences – ça, personne ne l’avait dit à voix haute, mais même lui l’avait pensé. Plus que tout, Chamath n’était qu’un homme parmi les autres. Il travaillait avec eux, vivait avec eux, et souffrait avec eux. Si la famine était la punition des dieux, alors Chamath, homme parmi les hommes, parlerait pour les siens.
La crise qui agitait l’île était une de ces misères communes et dévastatrices. Elle n’avait de spécial que l’incompréhension qu’elle éveillait chez ceux qu’elle touchait. Galatéa, précieuse cité, à jamais épargnée de tout mal par la grâce de ses protecteurs sortis des flots, mourrait plus de désespoir que de faim. Les visages creusés et affaiblis fixaient, jour après jour, le dôme de marbre sous les nuages. Ils tendaient leurs doigts amaigris vers l’azur indifférent et leurs bouches pleines d’eau salée criaient :
—Pitié ! Chers dieux, grands dieux, entendez nos prières, répondez à notre appel ! Sauvez vos enfants !
Mais les dieux gardaient le silence. Qu’à cela ne tienne : si les pleurs chuchotés à genoux dans le secret de sa chambre ne suffisaient pas, on irait prouver sa dévotion aux pieds des autels. Pendant des jours, la foule s’était pressée aux portes du temple. Leurs poings pleins d’os et de nerfs avaient tambouriné contre le bois incrusté de joyaux. Ils s’étaient coupés sur le tranchant des cristaux colorés et des améthystes. Leurs voix s’étaient élevées jusqu’au bureau du grand prêtre, mais pas assez haut pour atteindre les quartiers des dieux, cachés sous la coupole. Le grand prêtre avait promis que tout reviendrait bientôt dans l’ordre, qu’il ne fallait pas perdre espoir. Les petites gens avaient supplié qu’on fasse venir les dieux au balcon, comme dans l’Ancien temps. Les gardes les avaient repoussés jusqu’au pied de la colline.
Chamath se rappela soudain que c’est à peu près à cette époque – il y avait quelques semaines, à peine – que la famine s’était enfin glissée chez les grandes familles : les Ruzdorn, les Volindra et les autres, ces grands marchands au sang plus bleu que rouge. Leurs souliers de soie et leurs épaules parées de fourrure n’ornaient plus les rues depuis des mois déjà. Les dames n’osaient plus parader dans les allées où il y avait plus de mendiants que de pavés. Les bonnes gens avaient donc pris le parti de rester chez eux, et leurs vivres avec. Ils s’occupaient de leurs affaires depuis le confort de leurs demeures, chargeant leurs bateaux de contrats et de lettres de dettes à envoyer à leurs amis de l’Empire voisin. La pluie et l’orage n’obéissant pas plus aux riches qu’aux pauvres, les galères n'avaient jamais pu quitter le port, et ils avaient fini par chercher le secours des dieux, eux aussi. Or, on disait qu’eux non plus n’avaient pu obtenir gain de cause. La première fois qu’il avait entendu la rumeur, Chamath avait haussé les épaules. Peut-être bien qu’il avait même ri avec ses amis. Même maintenant, une pointe de joie maligne lui venait en y pensant. Puis les jours s’étaient écoulés, et quand Siha, la fille de sa voisine qui travaillait pour la dame Serza, lui avait confirmé à mi-voix que son invitation avait été rejetée par le grand prêtre, Chamath ne riait plus. Ni émissaire, ni chef de famille n’avait pu obtenir gain de cause. Un seul message était sorti des portes d’améthyste du temple. Il avait été répété des hauteurs de la cité jusqu’au bord des plages par des apprentis-prêtres aux yeux clairs et à la voix tremblante : « Gardez la foi. » Depuis, rien. Alors ils avaient prié. Les granges s’étaient vidées, les enfants étaient morts mais la foi restait vivante. C’était un feu où il faisait bon se consumer. Chamath, dans sa ferveur, avait osé chuchoter les questions qui le tourmentaient. Une litanie de pourquoi et de pitié qui l’avaient amené ici plus sûrement que n’importe quel vote ou que sa corde. Ce soir, sa prière serait exaucée : il allait voir les dieux en face et les supplier de les sauver.
Une allumette craqua le silence. Torche à la main, Chamath toucha une dernière fois les colliers à son cou, les bracelets à ses poignets, et espéra que l’offrande suffirait. Ils n’avaient plus rien à offrir, désormais. Il essuya du revers de la main la sueur qui coulait dans ses yeux et s’écrasait sur sa barbe, puis jeta un dernier regard en arrière.
Son visage mat se reflétait, troublé, dans la vitre. Sa silhouette à demi transparente était percée de flammes. Jamais il n’avait vu la cité ainsi. Elle s’étalait du pied du temple, dégringolait le long de la colline, plongeait dans l’océan. Quelque part près des vagues devait se trouver sa maison. Il la chercha un peu, abandonna. L’homme resta immobile, encore un peu, devant la fenêtre, bouche bée. Il regardait de tous ses yeux. Ce soir, du haut de la colline, Chamath pouvait voir Galatéa la Brillante refléter mille étoiles de feu sur ses toits de chaume et de pierre. La chaleur écrasante n’avait pas arrêté les habitants : les bûchers, petits et grands, allumés dans les vasques de cérémonie, résonnaient comme des cris dans la nuit noire. C’était une nuit de dévotion. C’était un appel à l’aide.
Chamath recula lentement de la fenêtre. La torche au bout de son bras vacillait comme une réponse aux brasiers d’en bas. Finalement, il s’arracha à sa contemplation et, sans plus attendre, s’enfonça dans l’obscurité.
Le couloir suivait la courbe de la coupole. Le blanc du sol de marbre tranchait la pénombre, faisait écho au blanc des murs. Ces derniers étaient percés d’alcôves, à la hauteur des visiteurs, où des statues des dieux logeaient. Elles rythmaient sa marche. Les cinq divinités de Galatéa le suivaient du regard, tour à tour, dans une boucle sans fin. Chamath se mit à les compter : d’abord venait Perlez, à la peau d’encre et aux yeux écarlates à qui rien ni personne n’échappait ; Andon au nez d’aigle et aux cheveux lisses comme les fils d’une tapisserie, maître des flots qui parcouraient l’île et de ses canaux ; Astar au visage parfait, l’amour personnifié, capable d’apaiser les foules d’un geste ; Heol, la déesse-enfant, protectrice de la jeunesse et maîtresse des animaux. Enfin se dressait Maen, père de la cité, son plus farouche défenseur et son premier bâtisseur. Par sa seule force, il avait fait de Galatéa le joyau de l’océan. Les sculpteurs les avaient figés dans une multitude de poses. Mains plaqués sur le cœur, bouches prêtes à lâcher leurs sorts, assis ou le dos tourné, la puissance du panthéon impassible se révélait un peu plus à chaque pas. Pour un peu, Chamath les aurait crus vrais.
Les minutes passèrent. Le mystique s’évanouit peu à peu. La majesté des lieux restait intacte, mais la culpabilité du blasphème pesait moins durement sur ses épaules. Il se laissait prendre au charme de l’édifice. Dans le halo cuivré de sa torche, les merveilles du temple se révélaient à lui. Les grandes fresques détaillant l’histoire de l’île se détachaient du mur et les personnages, frappés par la lumière, prenaient vie. Ils apparaissaient et disparaissaient au rythme des colonnes. Maen sortait des flots, Andon à sa suite, pour prendre possession de la terre qui deviendrait la leur. La scène d’après, Maen construisait les remparts de la ville d’un simple geste de la main tandis que Heol envoyait les oiseaux porter son message : Galatéa n’aurait plus à craindre les envahisseurs. L’Empire des Landes n’était rien face à eux. La petite île, grain de sable perdue entre les vagues, n’obéirait plus jamais qu’à elle-même. Chamath se surprit à accélérer. La fresque suivante racontait son passage préféré : Astar et Perlez guidant les habitants sur la colline alors que les troupes de l’Empire accostaient sur les plages, pour se retrouver nez à nez avec Heol, Maen et Adon. Au coucher du soleil, les soldats avaient été repoussés jusque sur leurs navires. Ils n’étaient jamais revenus. L’homme leva sa torche un peu plus haut pour mieux voir les petits soldats d’ocre et de charbon prendre leurs jambes à leur cou. Il entendait presque le cliquetis de leurs armures alors qu’ils s’enfuyaient sous le rire de ses dieux victorieux.
Son cœur battait plus fort. Il essuya d’un geste vif la sueur de son visage sans pouvoir effacer le large sourire qui l’étirait. La voix du temple avait disparu. Les statues gardaient le silence. Il ne restait plus que lui, brûlant dans la lumière de sa torche et dans l’odeur de myrrhe. La tête lui en tournait presque. Chamath se détourna de la fresque et se mit à courir.
La riche odeur d’encens le guidait. Petite silhouette battant le marbre de ses pieds noirs, comète semant ses étincelles, il atteignit bientôt le bout du couloir. Dans sa tête battaient les minutes qu’il avait perdues en admiration. Les prêtres et leurs sentences dormaient quelques étages plus bas seulement. Ils étaient là, dans leurs lits, grimpant les escaliers, derrière les piliers. Il devait atteindre le quartier des dieux avant eux. Pourtant, Chamath n’avait plus peur : les dieux qui s’étaient battus pour Galatéa ne les laisseraient pas lui faire du mal.
Il accéléra. Les statues se fondaient l’une dans l’autre. Dans un sursaut de panique, il crut être revenu à son point de départ. Chaque fenêtre ressemblait un peu plus à la précédente. Soudain, les colonnes s’espacèrent, disparurent. Alors, il sut qu’il était arrivé.
Deux gigantesques portes de bois, étrangement nues, gardaient le mur intérieur. Cette apparente simplicité confirma ses espoirs. Tout ce temps, Chamath avait longé ce qu’il cherchait. Il effleura les lourds anneaux d’argent, gros comme une tête de taureau, et se demanda s’il serait assez fort pour tirer les battants. Tremblant de sa course, à bout de souffle, le pêcheur accrocha son flambeau au mur. Il prit l’un des heurtoirs à deux mains et inspira profondément. Il tira un coup sec. Les portes ne bougèrent pas. Il réessaya. Les coupures de ses mains se rouvrirent. Chamath serra les dents. Il tira à nouveau. Rien ne bougea. Il sentait vaguement quelques gouttes chaudes rouler sur ses poignets. Il tâta à l’aveugle le bois. Il ne discernait pas de serrure. Ignorant le cliquetis de ses bracelets, il détacha l’écharpe qui lui nouait la taille. Il passa l’étoffe dans l’anneau, plusieurs fois. Le tissu, délavé et effilé, ferait l’affaire. Il saisit les deux extrémités, posa le pied sur le mur et tira de toutes ses forces. Alors la porte s’ouvrit. Chamath, chancelant, se rattrapa tant bien que mal à son morceau de tissu. Il ramassa sa torche à la hâte et, tant bien que mal, s’introduit à travers l’interstice.
C’était une large rotonde, au centre de laquelle se trouvait une fontaine. Un faible jet d’eau ricochait d’une première coupe bleue cernée d’un rond d’or, et se jetait dans un grand bassin au fond de mosaïques arc-en-ciel. Des nénuphars en fleurs flottaient paresseusement sur l’onde. Chamath n’en croyait pas ses yeux. Il ne devait pas être plus de minuit et pourtant, il y voyait comme en plein jour. La lumière, rose et jaune et bleue tout à la fois, jaillissait de partout, au point qu’elle paraissait naître de nulle part. Pas de nuit pour les dieux. Puis Chamath se pencha vers les cristaux multicolores qui ornaient la fontaine, les carreaux du sol, le plafond, et il reconnut les pierres incrustées dans les portes du temple. Elles projetaient leurs rayons comme des étoiles. La torche lui glissa des mains. Ébahie, frissonnant, l’homme se laissa tomber au sol. Les astres pastel tournoyaient devant lui. Il colla son front contre la pierre froide de la fontaine et ferma les yeux. S’il devait y avoir un prix pour son audace, le voici. Tous ces miracles l’aveuglaient au but de sa mission. Dehors, il faisait encore sombre. Il faisait encore faim. Il ne devait pas oublier.
Brusquement, il se claqua les joues. Le pêcheur se redressa sur ses coudes et se frotta les yeux : il surmonterait les obstacles. Chamath se montrerait digne de sa tâche. Il observa à nouveau la pièce. Collées aux murs se dressaient cinq portes. La première arborait des cerfs, des poissons et des merles perchés sur de hautes branches ; c’était là les symboles d’Heol. Chamath déglutit avec difficulté. La suivante était décorée d’une grande lune, débordant sur chaque battant, et de deux lions dressés. Il reconnut ainsi la chambre d’Astar. Chamath vit ensuite la porte d’Andon, aux vagues déchaînées, et celle de Perlez où un grand œil de rubis le fixait. Maen avait droit aux portes les plus hautes, les plus richement ornées. Il n’y avait dessus aucun dessin reconnaissable. A la place, Chamath vit une série de symboles qu’il n’avait jamais vu auparavant. Des étoiles aux branches tordues, des séries de bâtons et de points sans queue ni tête, qui recouvraient l’entièreté du bois.
Chamath ne savait vers qui se tourner. Maen le bâtisseur saurait sûrement l’aider. Seulement, l’idée de le voir, Chamath de chair et d’os, Maen d’eau vive et de sang sous son masque d’humain, le pétrifiait. Il se tourna vers la chambre de Perlez. Elle avait guidé les habitants sur la colline. Elle l’écouterait. Mais alors qu’il s’apprêtait à toquer à la porte de la déesse, il remarqua que la porte d’Andon était entr’ouverte. Il y vit un signe. Il s’approcha de la porte aux sources. Retenant son souffle, il tendit l’oreille. Le chant ininterrompu de la fontaine avalait tout autre son. Il poussa le battant de la porte et entra.
—Grand Andon, pardonne-moi… ! s’écria-t-il en se jetant à genoux.
Tête baissée, mains sur le sol, Chamath laissa enfin couler une larme. Il lui fallut plusieurs minutes pour réaliser qu’il était seul.
Les appartements étaient dignes d’un prince : partout, c’était métaux précieux, tissus les plus fins. Le lit prenait bien le tiers de la pièce. Or personne ne s’y trouvait. À en juger par la couche de poussière sur l’oreiller et les draps de soie cobalt, cela faisait des semaines que personne n’y avait touché. Peut-être bien des années. Chamath ouvrit la bouche, la referma. Il se releva avec difficulté. L’air lui manquait. Il voulait fermer les yeux mais s’en trouvait incapable. Le bureau de chêne rouge offrait au visiteur un livre, empli de pages blanches, et un miroir, face cachée. Il ne voyait ni vêtements, ni nourriture. Il souleva les lourdes tentures, renversa les malles, tira les draps des lits. Ses mains tremblaient, il voyait trouble.
Il tituba jusqu’à la sortie et se précipita vers la chambre de Perlez. Elle était identique à celle d’Andon, hormis pour ses draps gris. Chamath claqua les portes derrière lui. Ni la chambre d’Astar, de jaune et d’indigo, ni celle d’Heol, toute d’émeraude et de brun, ni celle de Maen pleine de rouge et blanc, rien, nulle part. Toutes les chambres étaient vides. Chamath enfouit son visage entre ses mains. Les bracelets lui cisaillaient la peau. Les colliers lui brisaient la nuque. Le sang séché de ses paumes le brûlaient. Un étrange cri étranglé sortit de ses lèvres craquelées. Les épaules secouées de pleurs, Chamath réalisa que Galatéa était perdue. Lui, et tous les siens, abandonnés. S’il n’avait vu personne dans les couloirs ou devant les quartiers des dieux, s’il n'y avait pas de gardes, c’est qu’il n’y avait personne à garder. Chamath s’arrêta de pleurer. Si cela était vrai, alors le grand prêtre savait. Il savait et il refusait les invitations des grandes familles parce qu’il était impuissant. Il savait, et il n’avait rien dit !
Sa torche, sur le carrelage, brûlait encore. Il la prit et sortit de la rotonde. Chamath marcha, puis courut. Ses pieds frappaient le marbre comme des coups de tonnerre. Il manqua de tomber, se rattrapa. Derrière lui, au loin, une voix s’exclama :
—Halte ! Arrêtez-vous !
Chamath se retrouva face à son point d’entrée. Sans plus attendre, il jeta le flambeau à travers le fenêtre. Il y eut un bruit de branches cassées, puis une légère odeur de fumée. Chamath attacha sa corde à la rambarde de fer qui entourait le contour de pierre de la fenêtre. La garde se rapprochait. Des prêtres les suivaient, ils les entendaient. Ils claquaient des ordres et les soldats sortaient leurs sabres. Mais quand ils arrivèrent à la fenêtre, ils ne trouvèrent qu’un buisson en feu, propageant ses flammes aux arbres alentours. Chamath était déjà loin.
Les habitants de Galatéa l’attendaient. Sur le palier de leurs maisons, assis sur les bancs de pierre le long de la grande avenue qui reliait le temple au port, tous le fixaient de leurs gros yeux maigres alors qu’il dévalait la pente. Dissimulés dans la foule, suant sous leurs épaisses capes noires, des nobles s’étaient mêlés au rassemblement. Chamath hurla ce qu’il avait vu.
Alors les cris s’élevèrent et l’enfer se déchaîna. Les gens se bousculaient, se prenaient dans les bras, fuyaient vers la mer. Les gémissements faisaient corps, ne devenaient qu’un. Une des figures en noir cria au milieu du chaos :
—Au temple ! Que le grand prêtre s’explique !
On ramassa des harpons, des couteaux. La foule s’ébranla comme un seul homme. Une centaine d’hommes et de femmes remontaient l’avenue vers la colline, tandis que les autres restaient frappés de douleur, immobiles, ou pris de rage. Le désordre et la peine régnaient et, dans la bousculade, un vasque de cérémonie se renversa. Le feu dévora la paille et s’étendit.
Alors que les flammes s’élevaient de toutes parts de l’île et que le peuple vengeur s’avançait lentement vers le temple, Chamath courait toujours. Il criait et criait son message. Il fallait que tout le monde sache.
Les dieux avaient disparu.
Franchement, super prologue ! On est pris aux tripes dès le début avec des enjeux hyper importants, et le courage de Chamath nous interpelle. L'univers est hyper accrocheur, tu en fais un enjeu hyper intéressant sans que ce soit lourd. Et la montée en tension de cette fin de chapitre est top également, avec une phrase de chute juste géniale ! On veut juste continuer.
Le style est également très fluide, on se laisse porter.
Mes remarques :
"L’air brûlant de la nuit s’était engouffré à sa suite. En hâte, il alla refermer la fenêtre. Les longs rideaux blancs retombèrent avec grâce le long du mur." joli passage !
"Les dames n’osaient plus parader dans les allées où il y avait plus de mendiants que de pavés." jolie tournure !
"Pas de nuit pour les dieux." ça aurait fait un beau titre de chapitre ça^^ "Collées aux murs se dressaient cinq portes." -> cinq portes se dressaient contre les murs ?
Un plaisir,
A bientôt !
Désolée pour la réponse tardive, j'ai commencé la prépa et j'ai complètement zappé x)
Merci beaucoup pour ton commentaire qui m'encourage ! C'est un gros projet que j'entame avec Mirage. J'espère que la suite te plaira :)
À bientôt !
Le style est fluide, plaisant, quelques phrases sont particulièrement bien tournées et viennent ciseler le tout, un vrai travail d'orfèvre !
En clair, on a hâte de savoir la suite, et pour ça, qu'une chose à faire, tourner la page pour continuer la lecture!
Merci pour ton commentaire ! Je suis ravie de voir que mon prologue fonctionne. J'espère que la suite te plaira !
On peut dire que ce prologue donne envie d'en savoir plus ! Tu arrives à nous faire apprécier le personnage de Chamath en quelques lignes, et à nous faire comprendre sa psychologie, sa façon de penser, qui est très cohérente. Tu présentes également dans ce prologue de multiples divinités et une cité avec son fonctionnement particulier, et pourtant, je ne me suis pas sentie perdue à la lecture.
L'atmosphère est également très particulière. On ressent à travers ton écriture le calme de la nuit, le silence d'un acte secret, et le poids de cette situation dramatique, ainsi que les émotions de Chamath au fur et à mesure qu'elles évoluent. C'est très agréable à la lecture, et on se sent vraiment plongé dans ton récit.
Il y a également quelques passages que j'ai trouvés très beaux, comme "Tous ces miracles l’aveuglaient au but de sa mission. Dehors, il faisait encore sombre. Il faisait encore faim. Il ne devait pas oublier."
Et la description de la fresque est véritablement enchanteresse !
J'ai hâte de découvrir la suite.
Merci de passer sur mon histoire et pour ton commentaire détaillé qui me ravit -j'aime savoir exactement ce que les lecteurs pensent. J'ai beaucoup travaillé cette entrée en manière, je suis donc d'autant plus contente qu'elle te plaise. N'hésite pas à me dire ce que tu penses de la suite !
À bientôt,
Bleiz
Suite à ton passage sur mon histoire, j’étais très curieuse de venir te lire !
En tout cas, j’ai bien fait ! J’ai beaucoup aimé ce premier chapitre !
C’est là que je comprends qu’en effet, tu es beaucoup plus fan des descriptions que moi !
Elles sont très bien réalisées et je trouve qu’elles fonctionnent très bien avec ta narration à la troisième personne. J’ai l’impression d’avoir pris une leçon en description 😂. Alors merci ☺️
Ta plume est fluide et propre. Rien ne gêne la lecture. Il y a de jolies phrases comme celles-ci que j’ai beaucoup apprécié :
« Petite silhouette battant le marbre de ses pieds noirs, comète semant ses étincelles, il atteignit bientôt le bout du couloir »
« Il ne restait plus que lui, brûlant dans la lumière de sa torche et dans l’odeur de myrrhe »
La déambulation de Chamath est agréable à suivre, j’ai apprécié découvrir les lieux avec lui et d’en savoir plus sur ces dieux très humains !
Un très bon chapitre !
Pinaillage : en phrase d’accroche, je pense que la phrase un peu plus bas « Tu n’as pas ta place ici » fonctionnerait mieux que celles que tu proposes.
À bientôt,
Mak’
Merci de passer sur mon histoire, ça me fait très plaisir ! Effectivement, comme je te disais, j'adore les descriptions x) Si je devais avoir une devise comme la famille des Tailleurs d'image, ce serait "Les descriptions, ma passion". J'ai beaucoup travaillé ce prologue donc ravie de voir qu'il fonctionne !
Merci pour ton conseil, du coup pour refaire le début il faudrait que j'articule l'arrivée de Chamath dans le temple différemment, avec l'idée de la voix... Je le note !
À bientôt,
Bleiz
L'univers est bien introduit, on comprend très bien qui sont les différents dieux, sans crouler sous la quantité d'informations.
La fin est très intrigante, et j'ai hâte de lire la suite pour découvrir comment et pourquoi les dieux ont disparu.
Je ne me suis pas sentie perdue, seulement transportée et attirée par la curiosité
Je lirai la suite ;)
À bientôt :)
Je suis très facilement rentrée dans l'histoire, même si j'ai mis un moment à comprendre le contexte (que vient faire Chamath dans le temple, qui l'a chargé de cette mission, de qui est-ce qu'il se cache...). Finalement, les informations nécessaires arrivent à temps et je ne me suis pas sentie perdue.
On voyage avec Chamath à l'intérieur du temple, on a le temps de saisir les bases concernant ces dieux avant de découvrir qu'ils ont disparu, ça m'a permis de comprendre et de partager la stupeur et la détresse de Chamath.
Je dois dire que je suis très intriguée par ces dieux bizarrement "humains", qui interagissent directement avec le peuple qu'ils protègent, qui ont leurs appartements, leurs lits, qui sont assez concrets pour disparaître... Je ne sais pas si la question a un sens, mais je me demande "qui" ils sont.
Ravie que ce prologue te plaise ! Je comprends tout à fait ton interrogation sur les dieux, vous êtes plusieurs à vous poser des questions... C'est effectivement un point central de l'histoire, l'identité de ces dieux. J'espère que la suite -qui devrait arriver bientôt- te plaira :)
C'est intriguant, pourquoi les dieux sont partis et comment l'île va cacher cela pour ne pas se faire envahir?
Je lirai la suite!
Merci de ton commentaire ! Mystère mystère quant à tes questions, pour l'instant ;)
À bientôt sur le prochain chapitre !