Au commencement était Omnia.
Omnia vit le néant et dit : cela ne sera pas. Elle créa la lumière, telle qu’ici nous la voyons. Elle fit les étoiles au firmament. Elle fit jaillir le Soleil flamboyant, ainsi que Sélié et Ulta, les deux lunes, alors d’égal éclat.
Omnia toucha le néant et dit : cela ne sera pas. Elle créa la matière, telle qu’ici nous la touchons. Elle fit la terre et les montagnes, les lacs et rivières, les cieux et les nuages. Elle fit les plantes, des plus petites herbes aux plus immenses arbres. Elle fit les oiseaux des cieux, les poissons des lacs et des rivières ; elle fit les animaux mangeurs d’herbe et les animaux chasseurs.
Omnia entendit le néant et dit : cela ne sera pas. Elle créa les bruits, tels qu’ici nous les entendons. Elle fit le roulement des pierres et le crissement du sable, le murmure des ruisseaux et le hurlement des vents. Elle fit le bruissement des feuilles. Elle fit les chants des oiseaux, les cris des mangeurs d’herbe, les rugissements des chasseurs.
Omnia sentit le néant et dit : cela ne sera pas. Elle créa les odeurs, telles qu’ici nous les sentons. Elle fit le parfum de l’humus et celui des fleurs. Elle fit toutes les senteurs des animaux des cieux, des eaux et de la terre.
Omnia goûta le néant et dit : cela ne sera pas. Elle créa les saveurs, telles qu’ici nous les goûtons. Elle fit le sel de la terre, l’acide des fruits, le sucré du miel.
Mais le Vide fut jaloux, car il ne pouvait percevoir la création d’Omnia.
Il ne put voir Sa lumière, alors il en obscurcit la moitié : ce furent les ténèbres et la nuit. La scintillante Ulta devint aussi terne que la nuit qui voila le Soleil.
Il ne put toucher Sa matière, alors il en profana la moitié : ce furent les terres désolées, les déserts sans vie, les fleuves désséchés ; ce furent les plantes parasites et les animaux charognards.
Il ne put entendre Ses bruits, alors il en étouffa la moitié : ce fut le silence, celui de l’eau qui ne coule pas, de l’arbre mort et du cœur qui ne bat plus.
Il ne put sentir Ses odeurs, alors il en pervertit la moitié : ce fut la puanteur, celle des eaux stagnantes, des souches pourries et des carcasses putréfiées.
Il ne put goûter Ses saveurs, alors il en souilla la moitié : ce fut le goût de la poussière qui dessèche, l’âcreté de la cendre, et l’amer du poison.
Omnia constata la corruption issue du Vide. Alors Elle créa les femmes et les hommes, doués de conscience et de raison. Elle leur dit : allez habiter la terre tout entière ; car vous en serez les défenseurs. Priez en pleine lumière ! Enlacez-vous et priez ! Priez en chantant ! Priez en inspirant les effluves de l’encens, priez en mangeant, priez en buvant ! Car alors plus rien ne sera vide, et le Vide ne sera plus rien.
Les Verbes d’Omnia, Livre 1 : les Origines, 1.
J'ai beaucoup aimé ce prologue. Une belle réécriture d'une cosmogonie. Le style est recherché et assez fidèle au sujet.
J'aime beaucoup aussi la personnification des entités du monde. J'ai hâte d'en savoir plus :)
Bon courage !
Imane
En effet, avant même d'avoir structuré mon récit (chantier toujours en cours, à vrai dire), j'avais envie de débuter par une genèse; et à mesure que l'histoire s'est construite, ce choix a acquis une dimension supplémentaire, puisqu'Omnia est justement caractérisée comme démiurge et créatrice. Dans un roman centré sur la magie créatrice, il fallait bien commencer par la Création !
Je me suis, comme tu l'as remarqué, largement inspiré de la Bible, et j'ai volontairement accumulé les répétitions. Le but d'un texte liturgique n'est pas d'atteindre un haut niveau d'esthétisme, mais d'imprimer, de marquer les esprits des croyants, et c'est comme cela que j'ai voulu l'écrire. Néanmoins je conçois que ça puisse rebuter, et je suppose que si ça te gêne, ça risque de faire le même effet à d'autres lecteurs; je vais réfléchir à une structure dans le même style mais peut-être moins pesante.