Prologue : L’Ombre des Justes

Notes de l’auteur : J'aimerais des retours sincères afin que je publie la suite. Bien amicalement

La forêt semblait vivante, mais d’une vie malsaine. Les arbres, tordus et noueux, étendaient leurs branches décharnées comme des griffes prêtes à attraper les imprudents. Chaque pas soulevait un tapis de feuilles mortes, humides, qui craquaient sous les bottes des mercenaires. Un silence pesant régnait, seulement perturbé par le craquement lointain d’une branche ou le hurlement étouffé d’un vent sournois. La brume rampait sur le sol comme une bête affamée, enveloppant les racines et noyant les formes dans une obscurité traîtresse.
Autour d’un maigre feu de camp, les cinq mercenaires tentaient de tromper la nuit. La flamme vacillait, incapable de réchauffer l’air glacé ou de chasser l’impression qu’on les observait.

·    « Putain, c’est moi ou ce foutu bois te fout les jetons ? » grogna Rolf, sa grosse main grattant le cuir usé de sa ceinture. Ses yeux roulaient autour du camp, cherchant des ombres qui n’étaient pas là.

·    « La ferme, » répliqua Caleb, concentré sur son poignard qu’il faisait briller à la lueur des flammes. Ses doigts minces, tachés de sang séché, couraient avec agilité sur la lame. « C’est toi qui te fous la trouille tout seul. Garde ton calme. »

·    « Ouais, c’est vrai que c’est facile à dire pour un mec comme toi, » cracha Rolf en mâchonnant un morceau de lapin. « T’as jamais été foutu de tenir une ligne sous le feu. Moi, j’ai vu des gars se faire déchirer comme du chiffon. Alors ouais, j’suis tendu, ok ? »

Marek, assis en tailleur, leva une main usée par les combats, la paume ouverte en signe de paix. Ses yeux, durs comme de l’acier, scrutaient les flammes avec un calme inquiétant.

·    « C’est bon, ça suffit. Pas la peine de foutre encore plus de bordel. Vous croyez qu’ils sont toujours derrière nous ? » demanda-t-il, sa voix rauque et grave, empreinte d’une lassitude palpable.

Jana, adossée à un arbre à quelques pas du feu, roula des yeux. Ses cheveux noirs attachés en une natte serrée brillaient légèrement sous la lumière du feu.

·    « Bien sûr qu’ils nous suivent. C’est leur boulot, non ? Ces connards aiment jouer à leur putain de chasse divine. »

Elle se tourna vers l’otage, un garçon maigre et terrifié, tremblant sous ses vêtements luxueux déchirés. Ses yeux suppliants les regardaient à tour de rôle, mais aucun n’y répondait.

·    « Et toi, petit con, » lâcha-t-elle d’un ton moqueur en pointant son couteau dans sa direction. « J’espère que tu vaux les vingt couronnes. T’as une gueule à mourir d’un rhume. »

Le jeune homme secoua la tête, des larmes traçant des sillons sur ses joues crasseuses. Marek le regarda,
 impassible.

·    « Si on sort vivants d’ici, on sera riches. Mais entre nous, j’suis pas sûr qu’on passe la nuit. »

Un craquement soudain retentit. Le silence fut brisé comme du verre, laissant un vide assourdissant derrière lui.
Le regard de tous se leva, soudain figé par une peur animale.

·    « T’as entendu ça ? » souffla Caleb, sa main crispée sur son poignard.
Un autre bruit, plus net, résonna dans l’obscurité. Puis un murmure, insidieux, porté par le vent. Jana se redressa, son visage tendu comme un arc.

·    « C’est pas normal. Y a rien qui bouge ici depuis qu’on est arrivés. »
Le feu sembla faiblir d’un coup, les flammes se rabougrissant comme sous une force invisible. Marek dégaina son épée, ses yeux plissés sondant la brume.

·    « Préparez-vous. C’est eux. »

Le sifflement d’une flèche fendit l’air. Elle atteignit Rolf à l’épaule. Son cri de douleur éclata dans la nuit alors qu’il s’effondrait, tenant sa plaie avec une main tremblante.

·    « Merde, ils sont là ! » hurla Caleb.

La panique éclata. Caleb renversa la marmite dans un fracas métallique, répandant son contenu brûlant sur le sol. Jana saisit son sac et plongea dans les bois, tandis que Marek ordonnait :

·    « Laissez tout ! Courez ! »

Les mercenaires se dispersèrent, mais la forêt semblait se refermer sur eux. Des silhouettes blanches émergeaient de l’obscurité, vêtues de robes immaculées et masquées par des visages d’argent figés dans des expressions de souffrance.
Leurs mouvements étaient silencieux et méthodiques, comme des prédateurs jouant avec leur proie. Un homme masqué abattit Marek d’un coup de masse sur la tête, le laissant gémir dans la boue. Jana fut traînée au sol par deux de ces silhouettes, hurlant et griffant comme un animal piégé.

Les survivants furent traînés, le souffle court, jusqu’à une cabane décrépite au cœur de la forêt. L’intérieur était propre, étrangement ordonné, éclairé par des chandeliers. Le contraste entre l’environnement et la situation était glaçant.
Debout au centre de la pièce, un homme les attendait. Grand et mince, vêtu d’une robe blanche bordée d’or, il portait un masque d’argent représentant un visage en larmes. Ses gestes étaient lents et mesurés, ses mains croisées sur son torse.

·    « Au nom de l’Ire Immaculée, » dit-il, sa voix froide résonnant dans le silence. « Vous êtes coupables. Vos crimes ont souillé ce monde. Ce soir, justice sera rendue. »
·    
Les mercenaires, à genoux, tremblaient de peur. Caleb, en particulier, ne pouvait détacher ses yeux de l’homme immense qui se tenait dans l’ombre : le tortionnaire.
Vêtu de noir, une cagoule dissimulant son visage, il respirait bruyamment, son souffle rauque emplissant la pièce comme un animal enfermé. Il portait une trousse de cuir qu’il posa lentement sur la table, dévoilant ses instruments de torture : pinces, lames, crochets.
Les mercenaires tentaient de parler, de supplier, mais les mots se brisaient dans leur gorge. Quand le tortionnaire s’approcha, même les hommes masqués reculèrent légèrement, comme s’ils redoutaient sa simple présence.
Il saisit Caleb par les cheveux et le traîna en arrière. Ce dernier hurla, sa voix brisée par la terreur.

·    « Non, non, non, pitié ! » cria Caleb, mais sa voix mourut dans un cri perçant alors que la porte de la pièce se refermait lourdement.
·    
Le chef de l’Ire Immaculée croisa les mains et s’adressa à ses hommes :
·    « Priez pour leurs âmes. Ce soir, elles seront purifiées. »

L'otage s'était recroquevillé dans un coin de la pièce, tremblant comme une feuille. Ses yeux fixaient la porte close, derrière laquelle les hurlements de ses ravisseurs résonnaient, longs et déchirants. Chaque cri, chaque bruit sourd d'un instrument frappant la chair, semblait s’insinuer dans son esprit, imprimant des marques indélébiles.

Debout au centre de la pièce, le chef de l’Ire Immaculée se tenait immobile. La blancheur immaculée de son habit et l’éclat de son armure polie contrastaient cruellement avec la froideur de ses gestes et la dureté de son masque d’argent. Ce dernier, travaillé avec une précision glaçante, représentait un visage figé dans une expression de souffrance muette.

Après un moment de silence, il se détourna des cris étouffés et posa sur l’otage un regard impassible, dissimulé derrière le métal sculpté. Sa voix, posée et implacable, brisa l’air avec la même froideur que ses actions :
« Les péchés de tes bourreaux sont en train d’être expiés. Tu n’as plus rien à craindre. Tu es sauvé. »

Mais le jeune homme ne ressentit aucun apaisement. Ses mains tremblaient toujours, son souffle restait court. Le contraste entre les paroles du chef et l’horreur de ce qu’il entendait derrière la porte le paralysait. Il voulait répondre, crier, fuir, mais son corps ne lui obéissait plus. Le silence qui s’abattit soudain ne fit qu’amplifier la peur qui vrillait son esprit.

Pour lui, tout cela ne ressemblait en rien à une délivrance.

 

 

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Louise Montclar
Posté le 24/11/2024
Ce prologue est une base solide pour une histoire captivante, avec une lecture fluide.
J'aurais aimé savoir ce qu'il advient de l'otage.
Il y a beaucoup de noms à retenir, ce qui peut parfois compliquer un peu la lecture.
Ralf Simarq
Posté le 24/11/2024
Merci pour votre retour. Je vais étudier la question, mais l'utilisation fréquente des noms est un choix assumé 🙂
Si cela peut vous tenir en haleine, sachez qu’un chapitre sur deux sera consacré à l’Ire Immaculée et l’autre aux mercenaires.




Filenze
Posté le 22/11/2024
Bonjour. J'ai bien apprécié la lecture de ce prologue, vous avez une écriture fluide et vous invoquez de très belles images/idées qui ont personnellement bien capté mon attention : notamment les masques de l'ire immaculée qui hurlent de souffrance. Ils créent bien de l'effroi. Je rejoins la remarque précédente sur le fait que vous introduisez un chapitre sur l'ire immaculé en faisant un zoom sur leurs victimes, des mercenaires bien caractérisés auxquels on commence à s'attacher tres rapidement, même si ils sont un peu nombreux..., alors que l'effort de s'attacher à eux n'est peut être pas utile si ce ne sont pas vos personnages principaux. (Je commençais déjà à apprécier le sens de la repartie de votre personnage féminin). Et aussi que devient l'otage? Bref, je suggererais de reduire un peu le niveau de détail sur les mercenaires. je vais lire la suite avec interet.
Ralf Simarq
Posté le 22/11/2024
Merci beaucoup ! Je vais tenir compte de vos critiques, j'ai hâte de vous faire découvrir la suite !
JohannT
Posté le 21/11/2024
Bonjour/Bonsoir :)
Puisque vous voulez des avis, je me propse de vous donner le mien.

Points positifs :
-J'aime bien votre style d'écriture, que je trouve efficace.
-Si j'en crois la présentation de l'oeuvre, vous semblez avoir imaginé un univers intéressant

Points dommageables :
-Je trouve le chapitre très court et rapide, et je me demande si il ne remplit pas plutôt la fonction de prologue ? (A voir l'enchainement avec le chapitre 2 donc)
-Nous avons 5 noms à retenir en 1000 mots, ce qui me semble assez élevé (j''ai le même "problème) alors que certains meurent (ou semblent mourir) d'entrée. Peut-être qu'il est inutile de les nommer puisque leur importance semble moindre ? Ainsi on retiendrait mieux le nom des autres ;)

Curieux de lire la suite !
Ralf Simarq
Posté le 21/11/2024
Merci mille fois pour votre avis ! Je suis complètement d'accord avec le fait qu'il s'agisse d'un prologue. En revanche, je voulais un twist final sur une écriture très courte afin que l'on pense voir les personnages principales mais non !
JohannT
Posté le 22/11/2024
Je comprends l'idée d'un twist en fin de prologue pour justement accrocher le lecteur, mais "l'effort" fournit pour retenir le nom de spersonnage (se faire une représentation de chacun, commencer à cerner des caractères etc) pour rien peut aussi frustrer.
Je pense que nommer cet écrit "prologue" et non pas "chapitre 1" ferait mieux passer la pillule, car le lecteur est plus enclins à accepter ce genre de chose dans un prologue (ceci ne se base sur aucune étude, juste mon avis évidemment).

De plus les twists sont généralement plus percutants au milieu ou à la fin d'une histoire, car à ce moment nous sommes beaucoup plus impliqués. Le début sert le plus souvent à poser les enjeux, montrer les personnages principaux... Je n'ai pas de souvenir d'oeuvre avec un twist en début de lecture, en tout cas pas dans celles qui ont bien marchés (cela doit bien avoir un rapport).
Normalement un twist doit générer une réaction chez le lecteur qui ressemble à "oh mondieu, mais c'est pas possible, non mais pincez moi je rêve, OMG" etc...
En début de lecture, si un auteur me dit "aha tu croyais que c'était les persos principax mais en fait non aha je t'ai bien eu" ma seule réaction c'est "ah, ok" ^^

Attention, encore une fois, je pense que la base (l'univers et l'histoire que vous avez imaginés) est surement très bien et je ne critique pas le fond. Et je fais cela en toute bienveillance :)
Ralf Simarq
Posté le 22/11/2024
Merci beaucoup, j'espère avoir d'autres retour de votre part. Pardon pour les fautes d'orthographe lors de ma première réponse mais j'étais avec des amis l'orque je vous ai répondu. Quand je parle de "twist", j'exagère, car comme vous le dites, un twist doit être très percutant, marquer les esprits, et concerner les personnages principaux. Je vais essayer de modifier cela. Au plaisir de lire vos prochaines critiques, et merci beaucoup !
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