Je toquai notre code contre le bois repeint, une douce couleur ocre choisie à ses côtés. Le battant s’ouvrit. Je fronçai les sourcils. Etrange, la porte avait à peine été refermée. Morgane adorait s’isoler quand elle créait. Je l’appelai tout en ouvrant franchement le battant. Un silence, épais, régnait dans la pièce. Aucun crissement de plume sur le papier, de fredonnement ou de parquet qui grince sous ses pas. Se cachait-elle ? Elle adorait jouer et me prendre au dépourvu mais nous avions passé l’âge d’une partie de cache-cache.
Puis je vis sa main. Je la revois nettement cette main posée sur le plancher, telle une fleur déposée sur le sol. La première pensée fut que Morgane s’était endormie là, probablement les écouteurs sur les oreilles, en pleine rêverie créative. Justement, un de ses carnets gisait non loin de ses doigts. Je m’avançai doucement, prêt à la surprendre la bave au coin des lèvres. Je contournai les piles de livres, le lit, ma perspective changeant au fur et à mesure jusqu’à découvrir… Cette traînée rouge qui s’échappait de son poignet. L’esprit qui comprend tout en refusant d’admettre la réalité. Je cherchai ce qu’elle avait renversé, jus de grenade, vernis, encre… La sueur froide le long de l’échine, ce long frissonnement ébranlant ma colonne vertébrale, ces fourmillements de plus en plus intenses sous la peau, ce hurlement qui grimpe jusqu’à la gorge et se retrouve coincé juste là, empêchant dans le même temps l’oxygène de rentrer. Ce déni qui prend toute la place, ce refus d’aller au bout du spectacle, ne pas découvrir son visage pour garder cet espoir insensé. Mes pieds amorcèrent un mouvement de fuite. Je me retrouvai contre le mur, au milieu des petites strophes scotchées.
Morgane ? Je murmurai, la voix fêlée.
Je… Je devais… Il fallait que je la voie, son visage… Mes doigts frottèrent mes paupières, j’inspirai par à-coups avant de trouver le courage de faire face. Le film se remit en mouvement. Arrêt sur image. Son visage. Il semblait si serein, un infime sourire jouait sur ses lèvres. Je forçais mes yeux à voir l’ensemble : l’autre main effleurait un fin scalpel. Je bloquai sur cet instrument. Son père était chirurgien. Je déglutis. Ce sang, tout ce sang…et en un sens, il y avait comme une esthétique visuelle, une sorte de composition pour un tableau, son tableau. Morgane, au milieu de ses poèmes, au sein de son univers. Les sons franchirent enfin mes lèvres, explosèrent, ricochèrent entre les murs, résonnèrent dans la maison vide.
Alors comme il faut néanmoins essayer d'être constructive dans les retours je vais tenter quelque chose : j'ai vu que ton roman était une romance, et ce prologue n'en donne pas forcément le ton. Traditionnellement (je dis bien traditionnellement, car les règles sont aussi faites pour être brisées) les romances s'ouvrent avec la rencontre entre les deux personnages. Il faut donc faire attention ici à ne pas donner une mauvaise direction au lecteur niveau genre : on pourrait peut-être s'attendre, avec un tel début, à de la littérature plus générale ? Avec la reconstruction d'une personne qui vient de perdre celle qu'il aime ? Est-ce que ce prologue ne serait-il pas plutôt un flashback à introduire plus tard dans le récit ? C'est juste une piste de réflexion.
A bientôt par ici !
Votre prologue, avec ses images poignantes et son exploration des émotions complexes de Trevor face à la découverte tragique de Morgane, est profondément captivant. Vous avez créé une ambiance intense et émotive dès les premières lignes, capturant la confusion et l'incrédulité de Trevor face à ce qu'il voit. La manière dont vous décrivez ses réactions physiques et mentales est très évocatrice, faisant ressentir au lecteur l'urgence et l'horreur de la situation.
Votre utilisation de la narration pour dévoiler progressivement les détails est remarquable. La découverte de la main de Morgane pose un mystère que le lecteur partage avec Trevor, et cette tension monte de manière palpable jusqu'à la révélation finale du scalpel. La référence subtile au métier de chirurgien de son père ajoute une dimension supplémentaire à la scène, amplifiant la signification des objets et des actions décrits.
En explorant le choc initial suivi de la tentative de compréhension et de l'acceptation, vous touchez à des thèmes profonds comme la perte, la culpabilité et la quête de sens. La façon dont Trevor oscille entre l'horreur visuelle et une certaine admiration est à la fois perturbante et révélatrice de sa relation complexe avec Morgane et son art.
En résumé, votre prologue est non seulement bien écrit sur le plan technique, mais il provoque également une réflexion émotionnelle profonde. Il suscite l'intérêt pour l'histoire à venir et pose des questions importantes dès le début. J'espère sincèrement avoir l'occasion de lire la suite de votre histoire pour voir comment ces thèmes et ces personnages se développent.
GoatWriter...
Seul petit (très très petit) bémol : la phrase " Puis je vis sa main. Je la revois nettement cette main posée sur le plancher, telle une fleur déposée sur le sol." Il faut une virgule entre nettement et cette, sinon c'est bizarre.
Enfin voilà, encore bravo pour ce début ! J'ai hâte de découvrir la suite <3
Je note la virgule à ajouter ;-)