Prologue - Trevor

Par Aylyn
Notes de l’auteur : TW: suicide

Je toquai notre code contre le bois repeint, une douce couleur ocre choisie à ses côtés. Le battant s’ouvrit. Je fronçai les sourcils. Etrange, la porte avait à peine été refermée. Morgane adorait s’isoler quand elle créait. Je l’appelai tout en ouvrant franchement le battant. Un silence, épais, régnait dans la pièce. Aucun crissement de plume sur le papier, de fredonnement ou de parquet qui grince sous ses pas. Se cachait-elle ? Elle adorait jouer et me prendre au dépourvu mais nous avions passé l’âge d’une partie de cache-cache.

Puis je vis sa main. Je la revois nettement cette main posée sur le plancher, telle une fleur déposée sur le sol. La première pensée fut que Morgane s’était endormie là, probablement les écouteurs sur les oreilles, en pleine rêverie créative. Justement, un de ses carnets gisait non loin de ses doigts. Je m’avançai doucement, prêt à la surprendre la bave au coin des lèvres. Je contournai les piles de livres, le lit, ma perspective changeant au fur et à mesure jusqu’à découvrir… Cette traînée rouge qui s’échappait de son poignet. L’esprit qui comprend tout en refusant d’admettre la réalité. Je cherchai ce qu’elle avait renversé, jus de grenade, vernis, encre… La sueur froide le long de l’échine, ce long frissonnement ébranlant ma colonne vertébrale, ces fourmillements de plus en plus intenses sous la peau, ce hurlement qui grimpe jusqu’à la gorge et se retrouve coincé juste là, empêchant dans le même temps l’oxygène de rentrer. Ce déni qui prend toute la place, ce refus d’aller au bout du spectacle, ne pas découvrir son visage pour garder cet espoir insensé. Mes pieds amorcèrent un mouvement de fuite. Je me retrouvai contre le mur, au milieu des petites strophes scotchées.

Morgane ? Je murmurai, la voix fêlée.

Je… Je devais… Il fallait que je la voie, son visage… Mes doigts frottèrent mes paupières, j’inspirai par à-coups avant de trouver le courage de faire face. Le film se remit en mouvement. Arrêt sur image. Son visage. Il semblait si serein, un infime sourire jouait sur ses lèvres. Je forçais mes yeux à voir l’ensemble : l’autre main effleurait un fin scalpel. Je bloquai sur cet instrument. Son père était chirurgien. Je déglutis. Ce sang, tout ce sang…et en un sens, il y avait comme une esthétique visuelle, une sorte de composition pour un tableau, son tableau. Morgane, au milieu de ses poèmes, au sein de son univers. Les sons franchirent enfin mes lèvres, explosèrent, ricochèrent entre les murs, résonnèrent dans la maison vide.

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Hylla
Posté le 23/10/2024
C'est un très beau prologue. Poignant (je pense que le TW était très approprié). Franchement, ça m'a retourné l'estomac, j'ai mal pour Trevor. Je fais souvent des retours plus textuels, mais ayant été totalement portée par ton texte, je ne parviens ici qu'à te partager mon ressenti de lecture. Très bien mené !

Alors comme il faut néanmoins essayer d'être constructive dans les retours je vais tenter quelque chose : j'ai vu que ton roman était une romance, et ce prologue n'en donne pas forcément le ton. Traditionnellement (je dis bien traditionnellement, car les règles sont aussi faites pour être brisées) les romances s'ouvrent avec la rencontre entre les deux personnages. Il faut donc faire attention ici à ne pas donner une mauvaise direction au lecteur niveau genre : on pourrait peut-être s'attendre, avec un tel début, à de la littérature plus générale ? Avec la reconstruction d'une personne qui vient de perdre celle qu'il aime ? Est-ce que ce prologue ne serait-il pas plutôt un flashback à introduire plus tard dans le récit ? C'est juste une piste de réflexion.

A bientôt par ici !
coeurfracassé
Posté le 03/07/2024
Oooooh... Wahou. Juste... Wahou. C'est très prometteur, comme prologue. J'ai hâte de découvrir la suite. J'aime beaucoup la façon dont tu décris la réaction de Trevor, c'est un magnifique crescendo ! Et aussi comme il veut rester dans le déni, alors que non, il vaudrait mieux appeler une ambulance...
Seul petit (très très petit) bémol : la phrase " Puis je vis sa main. Je la revois nettement cette main posée sur le plancher, telle une fleur déposée sur le sol." Il faut une virgule entre nettement et cette, sinon c'est bizarre.
Enfin voilà, encore bravo pour ce début ! J'ai hâte de découvrir la suite <3
Aylyn
Posté le 03/07/2024
Merci pour ce commentaire qui me touche beaucoup. J'espère que la suite te plaira :-)
Je note la virgule à ajouter ;-)
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