Prologue : Une arrivante indésirable

Par Anna

Le pittoresque village de Pied-en-Gelée occupait un bon quart de la minuscule île qui l’abritait, flottant à la pointe sud-ouest de l’Irlande. Personne n’en parlait jamais, pour cause que seule une communauté bien précise d’individu connaissait son existence, à savoir, les sorciers.

Pour les sorciers donc, Pied-en-Gelée était un refuge, un sanctuaire qu’aucun moldu n’avait jamais troublé. Malgré sa taille ridicule, le village était célèbre pour ses Choux en Neige, spécialité pâtissière légère comme un nuage, mais aussi pour la présence de Hilda Vulpin, auteure célèbre de La Cuisine Magique et mairesse du bourg. Mais ce que les étrangers ignoraient, c’était ce qui se tramait, loin des regards, à Pied-en-Gelée. Car cette petite société de gens très respectables, sorciers et sorcières de bonne famille, préparaient depuis longtemps déjà un évènement dont ils gardaient le secret.

Les habitants s’affairaient à leur affaires mystérieuses, remplissant le bourg de bruits étranges, tels des rugissements de lion, des explosions intempestives, des concerts de miaulement de chat et autre incongruité. Hilda Vulpin, en sa qualité de mairesse, rendait visite à chacun pour s’assurer que tout serait près le moment venu. Elle promenait son nez en trompette et sa marte albinos domestique (Nommée Impératrice) partout, jetant des regards sévères et impérieux à ceux qui levaient les yeux vers elle. En effet, elle était également d’une taille remarquable (on la soupçonnait d’ailleurs d’avoir du sang de géant quelque-part dans sa famille. On n’avait cependant jamais osé le lui demander). La mairesse venait de finir sa ronde habituelle et s’en retournait à l’hôtel de ville, qui servait aussi de clinique, de bibliothèque et de salle des fêtes. Elle passa la lourde porte à double battant d’un pas conquérant, monta les escaliers de marbres qui occupaient la majeure partie du hall d’entrée, petit mais confortable, pour se rendre dans son bureau. C’était une pièce somptueuse qui détonait complétement avec la simplicité rustique de l’extérieur du bâtiment. Derrière l’élégant bureau en bouleau orné de veinures émeraude, s’étalaient de clinquantes vitrines savamment illuminées. S’y trouvaient exposés de sublime bijoux plus extravagants les uns que les autres, ainsi que plusieurs trophées et certificats, dont celui de meilleure artiste de gastronomie magique en Irlande et en Angleterre, celui de sorcière la plus séduisante (celui-ci datait d’au moins trente ans), et bien d’autre encore qui vantait sa beauté, sa richesse et ses dons en cuisine. Il y avait même, caché à l’ombre d’un plus grand trophée, un insigne de préfète-en-chef de Poudlard.

Hilda s’installa dans son fauteuil LombairesHeureux, dernier-cri en matière de confort et d’élégance, qui émit une douce chaleur et un suave parfum de fleur dès que sa propriétaire posa une fesse sur lui. Impératrice la marte se détacha du maigre cou de sa maitresse et vint se coucher dans une panière en forme d’œuf dont l’osier était joliment décoré de ruban rose et rouge. Cette panière était suspendue à côté du bureau telle une cage d’oiseau, ce qui permettait à Impératrice de toiser les visiteurs sans quitter sa couche douillette. Hilda jeta un regard mauvais à la pile de document qui encombrait son bureau. Elle saisit vivement le premier qui venait tandis que sa plume à signer bleu et or s’éleva d’elle-même et flotta près de la mairesse, qui parcourait le document sans se départir de son air sévère. Elle le reposa devant elle et la plume s’empressa d’y apposer la signature complexe d’Hilda. Ce manège se répéta pendant un quart d’heure. La plume à signer s’appliquait à faire une énième signature quand soudain la porte de la pièce s’ouvrit à la volée, ce qui la fit gicler de l’encre sur tout le document.

Julien Boudoir, son secrétaire, se tenait à l’entrée, l’air affolé.

« Madame ! S’écria-t-il de sa voix haut-perchée, presque féminine, madame, c’est affreux ! »

Hilda Vulpin lui fit signe d’approcher approcher en ne lui accordant guère qu’un mouvement de sourcil agacé. Ce garçon avait le don de l’énerver dès qu’il ouvrait la bouche, ce qui arrivait bien trop souvent à son goût.

« Madame, c’est affreux, répéta-t-il, si inquiet que ses yeux bleu semblaient sortirent de leurs orbites.

-Qu’est-ce encore ? Répliqua Hilda sur son habituel ton sec après avoir fait disparaitre la tâche d’encre d’un coup autoritaire de baguette magique.

-La maison ! Celle de madame Bonface ! Son légataire vient y habiter !

-Comment ? s’exclama la mairesse, les narines frémissantes. Ce n’est guère le moment pour nous d’accueillir un nouvel habitant. Les préparations sont presque finies.

-Si encore ce n’était que ça, madame » poursuivit le jeune homme en se mettant à trembler.

Il lui tendit un porte document lilas qu’Hilda lui arracha presque des mains. Elle examina son contenu en pinçant les lèvres avant de trouver ce qui l’intéressait.

« Gabrielle Bonface, c’est donc le nom de la nouvelle propriétaire. C’est elle qui vous met dans un tel état ? Je ne vois pas pourquoi, elle a réglé toutes les formalités avec rapidité et efficacité. Il est vrai qu’à tout juste vingt-trois ans, elle pourrait faire du grabuge, mais –

-Ce n’est pas ça madame, reprit Julien en bégayant presque.

-Alors quoi ? lança Hilda en jetant le dossier sur son bureau.

-Cette jeune femme, marmonna-t-il en cherchant ses mots, je n’ai trouvé aucun diplôme d’aucune école de sorcier à son nom. J’ai fait mes recherche et …

-Venez-en aux faits, Julien, je n’ai pas toute la journée.

-Gabrielle Bonface est une moldue, madame. »

Julien ferma les yeux et se recroquevilla, comme s’il allait subir une punition. Mais Hilda Vulpin ne broncha pas. Dans un silence effrayant, elle se leva de son fauteuil. De sa démarche chaloupée, elle se dirigea jusqu’à la grande fenêtre qui donnait sur la place du village.

« Quand doit-t-elle arriver ? demanda-t-elle d’une voix froide, tenant fermement sa baguette comme d’autre tiendrait un couteau.

-Après-demain, m-madame.

-Entendu. »

 

Ceci dit, elle adressa à son reflet dans la vitre un sourire carnassier. Une moldue venait jusque ici troubler leur paix ? Soit. Cependant elle comprendrait vite qu’elle avait tout intérêt à partir au plus tôt. Hilda s’en assurerait. 

 ****************

Sur une petite route entre bois et falaise, un van roulait à tombeau ouvert. Il offrait un parfait contraste avec la nature environnante, baignée dans la douce lumière du printemps ; Il pétaradait comme une vielle moto et il était impossible de ne pas se retourner en le croisant. Non seulement il était noir et décoré de flammes bleues, mais il possédait également un aileron de voiture de course et une sono très puissante qui diffusait un morceau de métal déchainé. A son bord, la conductrice écrasa sa canette de coca sur le volant, avant d’appuyer plus furieusement sur l’accélérateur. La vitesse et la vitre ouverte de la portière l’obligeaient à plisser ses yeux gris pour voir correctement. D’un geste machinal, elle passa une main dans ses cheveux pour les glisser derrière son oreille, avant de se souvenir que ça ne servait plus à rien : elle avait les cheveux très courts maintenant. Court et multicolores. Sur le siège passager, un énorme saint-bernard profitait lui aussi de la vitesse, tête au dehors, langue au vent.

« Ça fait du bien, hein, Brioche ? lui dit affectueusement sa maitresse. Toi aussi, le bateau t’as retourné l’estomac. Rien ne vaut le plancher des vaches. Rah, merde, ajouta-t-elle en voyant au loin se dessiner les forme d’un village. J’aurais aimé profiter de la route encore un peu.

Elle ralentit l’allure alors qu’autour d’elle les bosquets se changeaient en pâturage. Ce qu’on disait sur l’Irlande était vrai, il y avait vraiment des moutons partout. Elle ouvrit la boite à gant dont la serrure était défoncée et en sortit un sachet de bœuf séché et énorme paquet de malabar. Elle en prit trois d’un coup et savoura l’arôme artificiel de fraise jusqu’à ce que sa mâchoire lui fasse mal, tandis que Brioche mâchonnait le bœuf séché. Ils arrivèrent finalement aux abords du village.

C’était un bourg abritant tout juste une centaine d’habitant. Les vielles pierres moussues des bâtiments tombaient en morceaux un peu partout, et un grand nombre de fleur envahissait le balcon, les murs et les rues pavées. En les observant de plus près, la conductrice du van se rendit compte que parmi cette verdure se trouvait des fleurs qu’elle n’avait jamais vue et dont l’apparence était si fantaisiste qu’elles étaient forcément en plastique. Le village semblait anormalement calme. Le crépuscule arrivait et pourtant, lors de sa bruyante traversée, le van ne croisa pas un piéton. En revanche, il y avait une véritable horde de chat qui l’observa de leurs yeux brillants, apparemment tout sauf enchantés d’accueillir la nouvelle résidante de Pied-en-Gelée. Brioche les observa en silence, jaugeant ses futurs adversaires très sérieusement.

Le van arrêta sa course devant une maison semblable à toutes les autres, néanmoins placée un peu en retrait des autres, les surplombant d’une vingtaine de mètres. La conductrice mit le nez dehors : l’air frai de la campagne lui gonfla les poumons et lui arracha un sourire. Elle fit une dernière bulle avec son malabar avant de le jeter dans un petit sac poubelle. Sa chienne, une fois détachée, s’élança dehors et gambada joyeusement dans les alentours, reniflant partout avec avidité.

« La voilà, Gaby, ta nouvelle vie ! s’écria sans prévenir la conductrice, sur un ton des plus théâtral. »

Elle leva les bras en croix, profitant des odeurs de vielles pierre et d’humus. Après quelques secondes, elle posa ses mains sur ses hanches épaisses, l’air décidé. Elle ouvrit son van, découvrant une montagne de carton et d’objet en tout genre, dont un grand chevalet en métal, un synthé, d’énormes enceintes et un lecteur cd et vinyle des plus massifs. Elle s’empara du premier carton venu et pénétra dans sa nouvelle maison.

Elle sentait le vieux décrépi. Sans doute car un vieux avait décrépi ici, se dit Gaby. Les meubles avaient tous étaient vendu, laissant un espace que la jeune femme avait hâte d’occuper. Le sol et les murs avait été nettoyé, sans doute par un service municipal, ce qui l’arrangeait beaucoup. Sans plus attendre, elle s’occupa de tout déballer. Un épais fauteuil couvert d’un plaid arc-en-ciel trouva vite sa place dans le petit salon, de même qu’une télé cathodique ayant vu de meilleurs jours.  Ils furent rejoints par une table basse en bois brut, un tapis à motif oriental et une multitude d’étagères, qui se remplirent aussitôt de livres et de bibelots. Ces babioles étaient essentiellement des souvenirs de voyage, provenant de pays très divers, du japon à Hawaï en passant par l’Italie. Aucune photo, cependant, ne venait peupler les meubles. En l’espace d’une heure, la cargaison du van avait trouvé une place dans la nouvelle maison, frémissant de plaisir de se sentir à nouveau habitée.

Mais alors que Gaby finissait d’installer le matelas gonflable qui lui servirait pendant quelques temps, trois coups secs frappèrent à la porte. La jeune femme s’immobilisa, soudain anxieuse, avant de se raviser : personne ne l’avait suivi jusqu’ici, elle n’avait rien à craindre. Gaby descendit le petit escalier et ouvrit, Brioche gémissant doucement à ses côté.

« Bonjours, dit la visiteuse d’un ton sans réplique. Mademoiselle Gabrielle Bonface, nouvelle résidente du 2 chemin Fondepuis ? »

Gaby ne répondit pas aussitôt. Elle jaugea la femme d’un coup d’œil perçant. Son corps, long et osseux, lui rappelait celui d’une girafe, tandis que son visage pincé et sévère semblait à peine humain. Seules quelques rides étrangement placées la différenciaient d’une poupée de porcelaine. Elle portait de lourdes boucles d’oreilles et ses mains aux ongles longs et vernis de pourpre se perdaient sous les bagues, toutes plus massives les unes que les autres. Plus marquant encore, elle était vêtue d’une robe en satin rouge sombre jusqu’au chevilles, d’un corset et, encore plus particulier, d’une cape pourpre. A son coup, la fourrure d’une marte noire servait de foulard, ce qui fit monter les dents à Brioche et faire une moue de désapprobation à Gaby. Elle décida finalement de répondre.

« Vous pensez vraiment que quelqu’un d’autre viendrait se perdre ici ? Bien sûr que c’est moi.

-Bien, déclara la femme après avoir griffonné quelque chose sur le porte document lilas qu’elle tenait. Veuillez signer ici, s’il vous plait. »

Elle lui tendit un formulaire et, ce qui fit presque sursauter Gaby, une plume bleu et noire. La jeune femme se saisi des deux objets, évitant avec dégoût de toucher les bagues de son interlocutrice, et fut à nouveau étonnée car la plume lui parût trembler légèrement quand elle la prit.

« Je n’avais que ça sous la main, dit la femme avec un mouvement altier. Vous savez signer avec, n’est-ce pas ?

-Pas du tout, répliqua Gaby en inspectant la pointe couverte d’encre de la plume, sans voir que c’était la plume elle-même qui la produisait. Mais ça ne doit pas être sorcier. »

La visiteuse laissa échapper un hoquet, mais la jeune femme était occupée à lire le document et ne releva pas.

« Mais attendez, dit cette dernière, c’est un formulaire de renonciation d’héritage, ça !

-ah ! s’exclama la femme. Bien sûr, où avais-je la tête ! Le document qui vous concerne est en dessous. »

Gaby lui jeta un regard méfiant, puis consulta les autres papiers du dossier. Elle y découvrit plusieurs autres formulaires, certains d’expulsion, d’autre de déménagement, des coupures de journal avec des meurtres et disparitions dans les gros titres et finalement, tout en dessous, la confirmation d’emménagement. La nouvelle habitante de Pied-en-Gelée signa, non sans mal, car la plume bavait affreusement et était secouée par le vent, se soulevant sans arrêt de la feuille. Quand Gaby lui tendit enfin, la femme sembla profondément agacée et saisi la plume et les documents dans un mouvement rageur.

« Vous êtes bizarre, lui dit Gaby en caressant Brioche qui grognait contre la visiteuse.  

-Je suis Hilda Vulpin, mairesse du village, répondit-elle en lui tournant le dos. Bienvenue à Pied-en-Gelée, miss Bonface. »

Gabrielle resta plantée sur le pas de sa porte, observant Hilda jusqu’à ce qu’elle sorte de son champ de vision.

« Charmant, dit-elle à Brioche, la mairesse n’a donc aucune envie que j’emménage ici. En plus, elle ressemble à une girafe diabolique. Elle me fait froid dans le dos. A toi aussi, Brioche, pas vrai ? »

La chienne aboya, visiblement d’accord.

« Pas de chance pour elle, reprit Gaby, je n’ai aucune intention de repartir. Ce n’est pas comme si j’avais le choix, de toute façon. Mais si elle veut faire de moi son ennemie, je relève le défi. Elle découvrira bien assez tôt que je suis moins sympathique que j’en ai l’air. » 

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sarah love
Posté le 10/12/2016
Bonjour anna!!!
en fait, je suis ici pas pour ton histoire mais pour pose une question... (exuse moi)
C'est en fait pour le concour du nouvel an: il y a écrit " Votre texte devra compter 2000 mots+/- 200 mots" . Peut tu m'expliquer ce que cela signifie?
merci d'avance!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! (j'aimerais bien te trouver un surnom... si tu en as envie!) Je t'adore! =)
Anna
Posté le 10/12/2016
coucou sarah ! 
alors merci pour tes commentaires !
pour ta question, je pense que 2000+/-200 ça veut dire que c'est au plus 2000 mots au moins 200 mots.
C'est tout à fait normal que tu n'aime pas trop Hilda Vulpain ou Gaby, car en fait je ne veux pas les rendre "attachantes". Elles sont tout sauf parfaites, mais l'une comme l'autre ont des qualités, et un passé interressant. Hilda par exemple : comment une célèbre auteure, gagnante de plusieurs concours de beauté, finit seule dans un village paumé ?
Pour sa personnalité, je me suis inspirée de Rita Skiters, qui bien que détestable est un perso sympa a mettre en scène.
Quant à Gaby, déjà moi je l'aime bien (j'en ai marre que toutes les héroines soient de jolies filles bien sages, fines, propres). je vais quand même faire en sorte qu'on puisse s'y attacher et surtout s'y interresser ! J'espère réussir à le faire ressortir.
tu peux me surnommer Nana si tu veux x) 
sarah love
Posté le 09/12/2016
bonjour, bonjour!
alors, dès que j'ai vu que c'était signé à ton nom et que ça parlait de harry potter... j'ai foncé!
Alors, je me suis précipité dessus. Ce monde magique me plait beaucoup. Le personnage central est assez "détestable" mais on si attache.
Tout ses mystère sur l'évènement, nous tiennent en halène.
Tous ces détails... ça fait très réaliste.
quand à la fin assez bien trouvé.
C'est un commentaire très court mais je suis préssé et dès que j'ai lu la suite, je te donne mon avis! 
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