Prologue - Victor Owlho

Par Daichi
Notes de l’auteur : Everlaw (anciennement L'Oiseau noir) est une série de romans en quatre partie, je me concentrerai ici sur la première. Trois tomes courts, débutant par l'histoire de la jeune Neila, voyageant dans un univers mêlant hard steampunk et far west hostile. Une histoire où se mêlent intrigues politiques, tension thriller, et un style cinématographique (du moins je l'espère !).

L'histoire dans sa globalité est une chasse à l'homme, et le premier tome se concentre sur ce qui a donné naissance à cette chasse.

Quand Lorace Swaren arriva au Sénat et imposa de ses six bras un audit absolu sur nos communications, allant des machines à écrire aux nouveaux fax, nos parents surent qu’une révolution était à poindre. Pour autant, jamais Everlaw ne fut à ce point maintenue dans un tel état de stase. Du fait de son influence, étant dans les petits papiers des différents maires, la ville fut gouvernée par un savant mélange de frénésie et de contrôle. Nous n’assimilâmes le sens du mot « évolution » qu’alors qu’elle freinait. En plus d’un siècle de direction, ce robot sénateur nous fit comprendre sa plus grande des maximes :

« Du savoir est issu le pouvoir. Du pouvoir est issu le contrôle. Du contrôle est issue la réussite. »

Veronica Steel, Mémoires d’une radio

 

——

 

Malgré l’air glacial du désert de nuit, son corps entier transpirait. Il courait, à en perdre ses poumons, fuyant depuis des heures. Derrière, trois poursuivants. Devant, aucune main tendue pour le secourir. C’est par-là qu’il allait pourtant, esquivant par miracles les tirs de revolver.

Bim ! Un autre coup, qui lui frôla l’oreille. Escorté par son acouphène douloureux, il levait les genoux un peu plus haut que la fois d’avant, exhalant salive et râles d’épuisement. Il perçut un ricanement, accompagné des sabots du destrier des chasseurs, entre ses propres gémissements apeurés.

La proie finit par être attrapée : son visage rencontra le sable dur, quand sa patte fut saisie par un lasso. Sous le choc, il pouffa de douleur, puis d’angoisse, et quand enfin de frayeur il eut geint, il entendit deux pieds se poser sur le sol. Suivis d’une voix.

« J’ai fini par t’choper, le nobliau ! T’inquiètes, ça sera vite fini.

— Non… Non ! », s’affolait la victime, rampant comme pour se faufiler dans un terrier de lapin. Où aurait-il donc pu fuir, ainsi attaché par la corde de son ravisseur ? « Pas question de filer ! » C’est ce que lui intima le coup d’éperon donné sur ses côtes, l’immobilisant sur le coup.

« Oh, tu l’as finalement attrapé, dit une voix de jeune homme, quand le bruit d’un galop vint les rejoindre. Tu as pris ton temps Simon.

— Tu m’as demandé d’y aller mollo, c’est ce que j’ai fait, râla celui-ci.

— Parfait, parfait, ce n’était point un reproche. »

Le quarantenaire, affalé par terre, finit sur le dos dans sa vaine tentative de se relever. Se hissant douloureusement sur ses coudes, il lança un regard de biche apeurée aux trois silhouettes qui le toisaient. L’une d’elles n’avait pas posé pied au sol : une dame, en robe de saloon, sur un des trois chevaux. Le plus grand était près de lui, tenant le lasso en main, s’épongeant le front avec un foulard. Le dernier enfin s’approchait, dévoilant son visage juvénile. Décoré d’un radieux sourire.

« Nous voilà seuls, au bout du compte. Je t’avais laissé deux heures d’avance, je crains qu’il ne nous en ait fallu qu’une pour te rattraper ? Peut-être un peu plus ?

— Non, deux ! le corrigea le costaud au chapeau de cowboy. Ça se voit que tu ne faisais que trotter doucement derrière nous.

— Deux heures ! s’exclama l’autre avec joie. C’est ce qui s’appelle être motivé, Victor ! »

L’intéressé reculait, ou du moins le tentait, toujours tenu par la cheville. Il essaya de retirer son pied déchaussé de la corde à pendu, mais le canon du revolver pointé en sa direction l’intima du contraire.

« Bon, on l’étouffe ? demanda Simon, entraînant un gémissement paniqué à ses pieds. Ça sera vite fini. Faudrait pas tâcher son joli costume, on en a besoin. Elle est à ta taille, non ?

— N… Non, pitié, laissez-moi partir !

— Oh, à l’heure actuelle, je dirais que le sable étalé sur sa superbe mise ne la sauvera point. Peut-être qu’après un coup de lavage, elle serait récupérable. Néanmoins non, j’ai envie d’essayer ce splendide revolver !

— Toujours le mot pour jouer… Ça fera du bruit, tu n’aurais pas besoin qu’une bande de gens d’armes viennent nous cueillir, si ?

— Le spectacle, Simon, le spectacle ! Il nous faut bien nous amuser un peu. Donne-moi donc ton calibre. J’apprécie moins la mélodie des balles que celles de ma flute, mais je suis quelqu’un de curieux. »

Le propriétaire du pistolet souffla sans grâce puis le lui tendit, sous le regard médusé du noble couvert de terre. Il se dressa sur ses genoux et épousa le sol de son front, incliné tel un sujet de sa majesté.

« Pitié ! Je vous en prie, je ferais ce que vous voulez !

— Victor, essayez de lever un petit peu plus haut votre visage. Allez. Voilà, comme ça. »

Lorsqu’il obéit, une lueur d’espoir dans les yeux, il ne vit qu’un canon argenté près de son nez. Sans qu’il ait le temps de bouger, le chien frappa la douille… Non présente dans l’arme. Aucun coup ne résonna dans le calme du désert, seulement un long gémissement de soulagement de la victime. Le jeune homme claqua la langue, dardant un regard rempli de reproches à son acolyte.

« Vide ?

— Bah, oui, tu voulais du pestacle, j’ai tout tiré du coup.

— Tu aurais pu en garder au moins une… Parce que là, le spectacle, tu me le gâches.

— J’en ai d’autres des munitions, détends-toi. Néanmoins… Attends, faut que je trouve les bonnes balles… »

Le maladroit fouillait dans les poches de sa ceinture, garnies de cartouches de calibres divers. Alors que le jeunot essayait chacune d’elles, pour voir si elles rentraient dans le barillet, le noble fonçait à ses pieds.

« S’il vous plait, épargnez-moi ! J’ai de l’argent, beaucoup d’argent ! Je vous donnerai tout, absolument tout ! C’est ce que vous voulez, non ?

— Tout à fait, sourit le petit, en empêchant Simon de le piétiner. Mais c’est précisément ce que nous venons chercher. Restez immobile, je ne suis qu’un novice du tir.

— J’ai un manoir ! Immense, dans les quartiers riches d’Everlaw, vous ne manquerez plus de rien jusqu’à la fin de votre vie, imaginez !

— Oh, un manoir ? Réellement ?

— Un grand manoir, bafouilla le noble, la voix noyée de soulagement. Sur plusieurs étages… J’ai des connaissances, beaucoup de relations… J’ai déjà bu le thé avec l’Empereur ! Je peux vous accorder une vie de rêve… »

Levant les yeux au ciel, le tout juste adulte exprima une mine pensive. Avant de se décider, d’un petit claquement de doigts joyeux.

« Il me faudra deux balles, Simon. Je ne peux pas prendre le risque qu’on reconnaisse son visage, s’il est si important qu’il le dit.

— Pitié ! hurlait-il. Ayez pitié, j’ai une fille !

— D’ailleurs, qu’est-ce qu’on en fait ? », intervint enfin la femme, râlant d’ennui, sur son cheval à l’épaisse cargaison. Du haut de son destrier qui avait cavalé à sa place, on pouvait pourtant voir la fatigue sous ses yeux, cernés et ensuite fermés par un bâillement sonore.

« Emmène-les loin, répondit le jeune en jetant une munition par-dessus son épaule. Dans une grosse ville dans l’idéal, personne ne serait choqué d’y trouver des cadavres, au vu de l’animation qui y a cours. Oh, à Flicky Way ! Tu sais, la grande gare. Avec tous ces voyageurs fous de la gâchette, je doute fort qu’ils lancent une enquête. »

Le noble se figea, ignorant la plainte sonore de la cavalière. Derrière sa selle étaient attachés deux corps féminins, d’où ressortait le teint pâle d’un visage de petite fille. Éteint de force, plutôt que paisiblement endormi.

« Non… Vous n’avez pas…

— Pour ma défense, votre enfant fut un dommage collatéral. Nous en aurions bien eu besoin… Tant pis, votre nom suffira pour le moment ! Nous remplacerons l’adorable Rosie en conséquence.

— Espèces de monstres. Espèces de monstres. Espèces de…

— Vous savez ! s’exclama-t-il en trouvant enfin balle à son arme et en tournant le barillet. C’est les risques, quand on joue. On peut perdre, ou bien gagner. Le tout est de s’assurer une échappatoire, en cas d’échec. Je crains que votre unique porte de sortie n’ait été la fuite… Pas très efficace, vous l’admettrez sans mal. »

Le jeune homme, portant une simple chemise sur son corps frêle et petit, dégageait depuis ses traits d’ancien adolescent un air particulièrement vicieux. La malice jaillissait de ses yeux, brillants comme ceux d’une chouette. Il se posta à deux mètres de sa victime, désormais immobile, maintenue par le désespoir. Elle ne fixait que le visage de Rosie, éclairé par la demi-lune qui naviguait paisiblement dans le ciel.

Le gamin leva difficilement son arme, le bras tremblant, et clama avec enthousiasme :

« Mais ne vous en faites pas ! Une porte de sortie, je vous en offre une, Victor. Oh oui, mon très cher Victor Owlho… Notre jeu est loin d’être fini. Ce n’est que le début de notre petite partie. »

Il ferma maladroitement un œil, langue entre ses lèvres, visant le front du quarantenaire dont il convoitait le nom.

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A Dramallama
Posté le 21/11/2024
Hello!
Oh c'est vraiment fascinant tout ça!
J'avoue avoir été aspirée par le 'steampunk' (je ne parviens pas à résister à ce style)! Ce premier chapitre est vraiment percutant et super intriguant! Je mets dans ma PAL et reviens asap pour la suite!
à bientôt!
Daichi
Posté le 21/11/2024
Coucou à toi !

Merci pour ce petit retour, et ravi que ça t'intrigue :P Avec plaisir pour la suite !
Je suis en train de finaliser la réécriture, je poste les chapitres au fur et à mesure que je les corrige. Fin novembre-début décembre ça devrait être fini normalement.

A très bientôt <3
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