Punition

Le lendemain, Thélio eut tout le mal du monde à s’extraire de son lit. Les courbatures rigidifiaient ses muscles et quelques douleurs subsistaient lorsqu’il touchait sa hanche ou agitait son poignet. Autrement, il se convainquait de se sentir bien. Après une bonne heure pour effectuer sa toilette, il quitta ses appartements pour rejoindre Jimmy qui l’attendait, le visage fermé.

— Comment vous sentez-vous ?

— Je prévoyais plus d'hématomes et de douleurs. Mon corps se consolide peut-être, répondit-il avec un grand sourire.

Il était content de ne pas être cloîtré au lit, ce qui était déjà arrivé après certaines chutes. Ses parents avaient même voulu lui interdire de se remettre en selle, mais c'était inconcevable qu'un seigneur ne sache pas monter.

— Sa Majesté souhaite vous recevoir. 

Le sourire du blond disparut instantanément et son visage blêmit.

— En fait, je suis nauséeux. Je vais retourner me coucher. Bonne nuit Jimmy. 

Mais le garde ne le laissa pas filer et lui attrapa le bras.

— Je suis désolé mon prince, mais il désire vous recevoir maintenant. 

Thélio le supplia du regard. Il ne voulait pas y aller, un mauvais pressentiment le parcourait. Ce n'était pas la première fois qu'il se pliait à ses coups de sang et qu'il fuyait de la sorte, mais jamais son père ne le convoquait de cette manière. C'était sa mère qui se chargeait de lui donner la leçon. Leçon qu’il était las de recevoir. Ce n’était plus un adolescent et il devrait avoir le droit de se promener comme bon lui semblait.

Avec un soupir résigné, il suivit lentement, très lentement son garde qui lui lançait des coups d'œil inquiets. Une légère odeur de peur s'échappait de son corps. Jimmy, en frappant à la porte, savait qu'il le condamnait à une atroce douleur.

— Entrez. 

La voix rauque de l'alpha résonna. Jimmy offrit un dernier regard au prince, mais il fut surpris face à la nouvelle expression qu'il arborait. Hautaine et confiante, ce que Thélio aimait montrer aux autres. Le garde lui ouvrit la porte et admira sa démarche assurée. Un costume entier recouvrait le prince et lui collait à la peau. Jimmy referma la porte pour laisser père et fils en tête à tête. 

Thélio cachait les tremblements en serrant les poings. Ses dents se seraient pour avaler toute émotion de terreur et il maximisait ses efforts pour tenir ses phéromones. Il se plaça face au bureau en croisant les bras et afficha un air énervé.

Son père terminait d’écrire une missive, le bas de son visage était contracté. Puis il releva son corps qui s’appuyait contre le dossier du siège et posa son regard impassible sur son fils, qui aimerait ne pas l’être à ce moment-là.

— Sais-tu quel sera ton rôle, dans l’avenir ? demanda-t-il calmement.

Le prince avala sa salive, et garda sa voix de trembler.

— Je serai roi.

L’actuel roi eut un rictus. 

— Pour le devenir, tu te dois de trouver un alpha. Sais-tu ce que tu deviendras si tu n’en trouves pas un ?

Thélio plissa les paupières avec un air de défi.

— Je serai roi, avec ou sans alpha.

Son père secoua la tête.

— Tu seras marqué de force par le premier alpha qui croisera ta route. Un garde, un souverain voisin, un paysan. Tu as encore le choix, profites-en avant qu’il ne soit trop tard.

Il leva les yeux au ciel.

— Je serai roi par moi-même. Une garde royale de bêta veillera sur moi. Si mon âme-soeur ne vient pas me trouver, je dirigeai seul et le moindre loup qui osera me mordre pour me marquer sera exécuté.

— Es-tu complètement inconscient, Thélio ? Sais-tu que cette promenade en forêt aurait pu te condamner au malheur ? L'alpha qui te marquera te soumettra à t'en détruire.

— Ne soyez pas si fataliste. Je voulais juste galoper et je ne suis pas responsable de la lenteur de leurs chevaux, répliqua-t-il sèchement. Ce n'était pas la meilleure attitude à adopter.

— Arrête ça tout de suite. Ce n'est pas un jeu. Le roi se leva de son siège. Ton comportement puéril te met en danger, toi, et tout le Royaume ! N’importe qui pourrait te mordre, te tuer et plonger le pays dans le chaos ! 

— Je ne suis pas un enfant ! Je sais me défendre ! cria-t-il en réponse.

— Dois-je te montrer à quel point tu es faible ? grogna le père entre les dents. 

Thélio recula. Ses défenses pour cacher sa crainte volaient en éclats alors que le roi faisait le tour de son bureau.

— Non ! Père ! Je vous en prie !

— Tu dois comprendre la dangerosité du monde et tes faiblesses. Tes enfantillages ne sont plus permis. Le moindre alpha peut te faire ressentir ça. Fais en sorte que cela soit la dernière fois, Thélio.

Une sorte de grondement se mit à retentir du fond de sa gorge. Les yeux du prince s'écarquillèrent et son visage se liquéfia. Ses paumes se plaquèrent contre ses oreilles et il ferma les yeux pour essayer de bloquer tout ressentiment. Il savait ce qui allait se passer, il avait déjà connu ce sort auparavant.

Ce grondement se renforça quand le roi releva la voix, et Thélio percevait les vibrations menaçantes au fond de son cœur.

— Cesse tes bêtises et prends tes responsabilités.

Le corps du prince se repliait sur lui-même, une effroyable douleur s'emparait de son être. Comme si une chaleur ardente se répandait sur son épiderme. Des flammes le cernaient, le brûlaient et cramaient sa chair. La souffrance interne s’intensifiait, il avait l'impression que quelqu'un s'amusait à tenir son cœur dans ses paumes et qu'il exerçait de vilaines pressions dessus.

— Les temps ne sont pas sûrs. Ton indiscipline met en danger une cinquantaine de loups, et toi-même. 

La voix de son père était calme et culpabilisante, contrastant avec les grondements qui s’intensifiaient de seconde en seconde. 

Les jambes du blond mirent à trembler, sa vue se brouillait de larmes et il commença à baver, incapable d'avaler sa salive. Ses paumes pressaient tellement ses oreilles qu’elles bourdonnaient. Sa tête partait en arrière pour montrer son point faible à l'alpha. Il avait terriblement mal, les flammes dansaient tellement proches de lui et ses vêtements l'étouffaient. Il essayait de garder un minimum de contrôle, mais ses yeux se révulsaient déjà.

— Continue ainsi, et tu n'hériteras pas du trône. Les omégas sont trop faibles, je n’y peux rien et j’en suis désolé, alors garde tes faiblesses en tête.

Ses larmes dévalèrent de ses joues et les gémissements qu'il se forçait à taire finirent par s'échapper de ses lèvres. Des milliers de coups de poignard lui étaient donnés au cœur à chaque nouvelle parole de l'alpha. Ses mains vinrent gratter rageusement ses avant-bras pour essayer d'en diminuer la température, mais cela lui provoqua plus de souffrance que de soulagement, et son père l'acheva :

— Ton corps appartient à la monarchie. Tu n’es pas libre de tes choix. Soumets-toi à ton rang, cela rendra les choses plus faciles. Soit un bon oméga, Thélio.

Ses jambes le lâchèrent et il s'écroula lourdement sur le sol en gémissant et couinant à s'en déchirer les cordes vocales. Des spasmes incontrôlables s’emparaient de son corps, et un écoulement de sang s’échappait de son nez. Un voile noir s'était levé devant ses yeux, et les flammes dévoraient avidement son organisme, le faisant se tordre sous le martyr. Ses cris d'agonie résonnaient dans la salle. Son cœur allait lâcher, il en était sûr, à moins que son cerveau ne finisse par offrir une soumission absolue.

Le roi cessa son grondement mais garda un ton dur.

— Trouve un alpha ce soir. Ton avenir en dépend. 

Et sur ses mots, il sortit de la pièce en abandonnant son fils au sol. 

Il partagea un regard empli de douleur avec Jimmy qui perçut le message et se précipita auprès du blond. Les grondements ne l'atteignaient pas puisqu’il avait subi un entraînement intensif dans ce but, mais les hurlements du prince lui avaient provoqué une montée de larmes et hérissé les poils.

Son cœur se serra en le voyant si pitoyable. Les spasmes se calmaient suite à la fin des grondements, mais des gémissements lui échappaient. Jimmy tomba à genoux et le prit délicatement dans ses bras en lui caressant la tête. Le sang et les sanglots tachaient son uniforme, mais il ne s'en formalisait pas. Thélio couinait et tremblait en serrant la veste de son confident entre ses doigts. La chaleur se dissipait et les battements effrénés de son cœur se calmaient peu à peu, mais il ne s'agissait là que de sensations physiques. Il se sentait anéanti par ce que son père lui avait infligé avec autant d’intensité. Ses larmes coulaient à flots et ses tremblements ne s’apaisaient pas.

Le grondement des alphas pouvait provoquer des dégâts irréparables sur les plus faibles. Même les fortes têtes se soumettaient face à ce genre de traitements répétés, et finissaient par obéir docilement pour ne pas devenir folles. Les omégas étaient fragiles et avaient d'autant plus besoin de contact avec leurs semblables, d'être soutenus et câlinés. Donc Jimmy caressa longuement le dos et les cheveux du prince. 

Le roi ne désirait pas le détruire, mais le punir afin que ce comportement ne se reproduise pas. Seulement, il était allé loin cette fois. Torturer quelqu'un était horrible, alors le faire à son propre fils.. Les paroles dites, mélangées à la douleur physique produisaient une rafale de haine qui ravageait le prince. 

Thélio avait envie de mourir, de plus ne rien ressentir. Le froid s'infiltrait dans ses membres, ses joues continuaient de s’inonder de coulées de larmes. Son père le trouvait faible. Il aurait très certainement préféré un alpha en tant que fils.

— Jim... my..?

— Je suis là, mon prince, je suis là, murmura-t-il.

Le garde le porta dans ses bras et l’emmena s’allonger dans sa chambre. Il essuya son nez et ses larmes, puis continua de prendre soin de lui.

Les pleures du prince désiraient s’échapper de nouveau . Sa dernière humiliation similaire datait d’il y a trois ans, lors de sa majorité, mais ça n'avait pas été aussi effroyable. Le ressentiment après cela était horrible, il se sentait incapable et inutile. Il détestait son rang, son loup lui-même. C'était à cause de lui qu'il était si faible. Il ferma les yeux et de nouvelles larmes perlèrent pour être cueillies par les pouces de Jimmy. Il essayait de se contrôler, mais à chaque fois elles revenaient montrer sa souffrance.

— Jimmy, mes parents auraient-ils préféré un alpha en tant que fils ? 

Il forçait sa voix à ne pas craquer.

— Mais non... Ils vous aiment beaucoup.

— Alors pourquoi mon père me fait-il ça ? C'est tellement douloureux... Il ne sait pas ce que ça fait.

De nouveaux sanglots se firent entendre pendant qu'il se repliait sur lui-même. Jimmy essayait de le rassurer :

— Vos parents étaient très inquiets quand vous avez disparu. Les agressions des gardes, on ignore encore qui en est la cause... Trop de menaces planent et ils craignent pour vous.

— Peur, car je ne suis qu'un oméga.

— Non, mon prince, non. Peur, car vous êtes leur fils bien-aimé. Votre père ne serait pas si dur s'il ne tenait pas à vous. Et l'une des domestiques de la reine m'a rapporté qu'elle avait beaucoup pleuré en apprenant votre disparition. 

Thélio se calma peu à peu, mitigé dans ses ressentiments. Toute cette souffrance n’était pas nécessaire pour comprendre que ses parents l'aimaient. Des mots aimants pouvaient lui suffire, mais le torturer ainsi était ignoble.

 

 

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Princesse Devil
Posté le 04/08/2024
Ce chapitre était vraiment triste, ça montre la relation entre les parents et les enfants, que selon l’âge et les liens familiaux, ils peuvent être conflictuels selon le point de vue de chacun.
Heureusement que Jimmy est là pour le Prince. ❤️
Lady Book
Posté le 01/05/2024
Bonjour,
Encore un chapitre merveilleux ! J'adore ce jeu entre le père et son fils, qui retrace à la perfection ce qui peut se passer entre un parent et son enfant. Un père protecteur qui voit le danger venir, et un fils épris de liberté qui voit les choses sous un autre angle. On distingue parfaitement les deux points de vue, ce que j'aime beaucoup.
De plus, vous décrivez parfaitement bien la scène où le père marque son fils. On comprend enfin ce qu'il se passe quand un Alpha marque un Oméga, et on en ressent presque la douleur tellement c'est bien écrit !
Cependant, j'ai remarqué que vous aviez écrit "Enfaîte", alors que moi, j'écris ce mot :" En fait".
Je me disais aussi que vous pourriez décrire les vêtements du prince, du garde ou du roi, lors de la convocation ?
Encore bravo pour ce chapitre !
Au revoir :)
Ember Akki
Posté le 03/05/2024
Bonjour
J'ai corrigé le "en fait", c'est bien mieux !
Encore merci pour les retours
Au revoir :D
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