Je regardais les gouttes d’eau couler sur la vitre quand le bus s’arrête lentement devant l’arrêt qui précédait le mien. Je lève rapidement la tête pour sonder les gens qui y descendaient : à peu près les mêmes que chaque vendredi vers seize heures trente. Un courant d’air froid traverse le véhicule avant qu’il ne referme ses portes. Je frissonne malgré moi et reprend ma contemplation des gouttes d’eau qui tombaient en plus grande quantité que précédemment. La radio n’était qu’un bruit de fond parmi le brouhaha de tout le monde. D’après les bouts de phrase que j’arrivais à capter de temps à autre, il s’agissait des petits écolos qui débattaient sur le réchauffement climatique. Trop naze. Je serais volontiers allé voir le chauffeur, histoire de lui demander de changer de chaîne mais j’avais peur que quelqu’un prenne ma place et celle de mon sac lonchamp couleur prune qui reposait sur le siège à côté de moi.
J’appuie sur le bouton jaune pour descendre au prochain arrêt..
Je me lève avec légèreté de mon siège, attrape mon sac à main et descend la petite marche. Mes sneakers blanches glissaient sur le sol sale et mouillé et je me tiens à une barre en fer, prévue à cet effet pour éviter de m’étaler par terre, par cette occasion de me ridiculiser. Les portes s’ouvrent après quelques secondes et je marche d’un pas décidé vers l’extérieur glacé. Mes chevilles découvertes par les revers que j’avais fait à mon jean slim manifestent ouvertement leur mécontentement face à cette température qui était loin d’être estivale mais je me contente de continuer mon chemin comme si de rien était.
Après être passée par de petites ruelles désertes, j’arrive enfin devant la maison du coin de rue, la maison où j’habitais. J’extirpe mes clés accrochées à un pompom dont la couleur était assortie à celle de mon sac et déverrouille la porte. J’observe cet environnement que je connaissais depuis quinze ans maintenant pendant une fraction de seconde, puis passe la porte pour ne pas rester dans le déluge plus longtemps. Je laisse tomber mon sac rempli de travail à faire et accroche ma doudoune d’un blanc immaculé sur le portant épuré noir. Après avoir traversé le salon pour aller chercher une canette de soda dans la buanderie exiguë, je monte les marches de l’escalier qui se situait face à la porte d’entré, jusqu’au premier étage. Le mien. Après un soupir, je décide de me mettre tout de suite au travail, histoire d’être débarrassée des corvées le plus vite possible, bien que les faisais d’habitude plutôt le dimanche à vingt trois heures.
Deux sodas et des tonnes de devoirs, la plupart bâclés, plus tard, je me lève de ma chaise inconfortable et ferme mon secrétaire qui me servait de bureau. Je n’avais que rempli que le travail à rendre, le reste je l’avais barré de la liste avant même de comprendre de quoi il s’agissait. J’attrape un jogging et un sweat crop top « Vans » dont j’avais presque oublié l’existence de mon placard. Je sors de la pièce puis m’enferme dans ma salle de bain, voisine à ma chambre, pour me changer et refaire mon makeup. Après tout, il fallait bien que je soit présentable pour mon live insta.
Trente minutes plus tard, un teint naturel sur le visage, je redescend les escaliers et, arrivée sur la dernière marche, j’aperçois à travers la verrière noire, Maximilien, alias Max, alias mon père mettre la table. Axel, alias mon second père devait surement être entrain de cuisiner encore un repas « healthy » sans goût. Au moins pour une photo, ça risquait pas de louper. Max et Axel m’avaient adoptée quand j’avais près d’un an. J’étais orpheline, née de parents alcooliques et « criminels ». Askip, il étaient décédés après une courte vie remplie de drogue, de vols et de tromperies. Je m’en fichais et j’avais adoptée mes pères comme eux l’avaient fait avec moi. C’était des types bien, trente sept ans, un sourire constant aux lèvre et un humour de fou. Bien sûr, parfois bien casse bonbons, mais il fallait faire avec…
- Salut, je fais en rentrant dans la salle à manger où trônait la table.
Max tourne rapidement la tête, il ne m’avait pas vu venir.
- Émily ! Je te croyais chez Grafitim !
- Tu rigoles ? Par ce temps, je ne vais pas m’amuser à sauter dans les flaques.
- On ne sait jamais…
- Tu cuisines quoi de bon Axel ? Je lui demande en rentrant dans la cuisine, aussi petite que la buanderie qui se trouvait à l’autre bout de la salle à manger.
- Salade aux lentilles avec crudités et jambon plus soupe au cresson pour ceux qui veulent.
- Super, miam, je dis ironique, en forçant un sourire.
- Mais tu sais, tu aurais juste pu passer au Mcdo et nous prendre un bon bigMac, ça t’aurais fait beaucoup moins de travail… Je continue en essayant d’être diplomate.
Il tourne la tête vers moi et lève un sourcil.
- Tu mange n’importe quoi ma fille.
- J’élimine tout à la salle de toute façon !
- Je peux bien te prouver le contraire, pour pouvoir éliminer un bigMac et des frites il te faudrais courir pendant soixante cinq minutes tout ça dans une vitesse moyenne de huit kilomètres par heures, si je me souviens bien.
J’essaye de ne pas montrer ma surprise et réplique:
- Et t’as trouvé ça où s’il te plait ?
- Les collègues et internet existent de nos jours, ce n’est pas moi qui vais te le rappeler.
- Bon, je fais en essayant de changer de sujet puis je regarde l’heure.
- Ah, dix neuf heures vingt cinq, mon live commence dans cinq minutes, vous me dites quand le repas est prêt.
- D’ailleurs, t’as reçu un colis, il est sur le meuble dans l’entrée, me lance Max quand je m’apprête à monter les escaliers.
Je me retourne et vois en effet une boite à la taille et au packaging familier.
- C’est la nouvelle collection de chez Pimper ! Je m’écrie et prend la boîte sous le bras pour monter au premier.