Au secours.
La plume de corbeau resta longtemps suspendue sur le papier après avoir griffonné ces deux et ridicules petits mots. Annie ne savait tout simplement pas quoi ajouter, tellement les idées se bousculaient dans sa tête. Avait-t-elle la moindre chance de recevoir de l'aide, avec un tel manque de précision ?
Un soupir fusa de sa bouche, alors que des tâches d'encre s'épaississaient sur son morceau de parchemin. Annie n'avait jamais été doté d'assurance oralement, et elle redoutait qu'il en fût-ce de même à l'écrit. Comment décrire astucieusement sa situation, sans gaffer sur son humanité ? Si elle voulait garder son secret au chaud, elle devrait carrément taire l'essentiel dans sa lettre. Et il lui serait plutôt compliqué d'être secourue si son appel ne s'étoffât pas davantage. Comment procéder ? Son esprit se tordait furieusement, s'évertuant à trouver la solution à son problème. En vain, hélas.
A défaut d'écrire, Annie retira une poussière, puis un cheveu, puis un cil qui avait trouvé refuge sur son bout de papier. Ceci fait, elle plongea son regard dans les flammes de la cheminée.
Quand Schyama avait affirmé le luxe de cette chambre, la jeune fille ne l'avait pas cru. Mais à présent que ses yeux bondissaient entre bibelots de verre, tapisseries velouteuses, fauteuils moelleux, et engrenages dorées pour assurer le système mécanique des fenêtres cristallines, Annie n'en revenait pas de son erreur. Cette vaste pièce était même agrémentée d'un large lit à baldaquin, et d'un véritable écritoire. Actuellement, ses coudes s'appuyaient donc contre un pupitre de bois verni, ses jambes d'échassier s'étendaient sur un repose-pied et ses maigres épaules se recouvraient d'un châle tout de dentelle fait. Mais même malgré cette délicate épaisseur, Annie frissonnait. De froid, de dégoût et de peur.
En effet, elle était dégoûtée d'elle-même. Dégoûtée de ne pas avoir le cran de cracher sur Schyama, de sauter de sa fenêtre ou de détruire les minotaures mécaniques qui gardaient l'entrée de sa chambre. Annie se sentait d'une lâcheté ahurissante.
Un autre soupir. Et la plume de la jeune fille s'humecta à nouveau dans l'encrier laissé à sa disposition.
Au secours.
A la personne qui découvrira cette lettre, je me trouve vraisemblablement dans la Cité Noire, j'ai formé cette hypothèse depuis que j'ai pris connaissance du paysage qui m'entoure. Car je suis enfermée, dans une tour précisément. Je ne sais pas comment vous pourriez m'aider, mais si vous en avez la possibilité, faites-le, s'il vous plaît, ou diffusez cette information autour de vous. Je vous en supplie...
Ces laborieuses phrases achevées, Annie n'erra pas un œil hagard sur l'âtre mais un œil maussade sur la nuit qui faisait rage, derrières les vitraux en rosasse.
La jeune fille avait déjà tenté une fugue par ceux-ci même, les jours précédents. Toutefois, à cette malheureuse heure, la pluie s'était montrée si affligeante une fois qu'elle eût passé son nez dehors qu'elle en fût entièrement trempée en un temps recors. Ses appuis avaient glissé sous ses doigts glacés. Elle avait dérapé. Annie s'était donc mise à hurler, pendue au dessus du vide, ses longs cheveux sombres plaqués contre ses joues. L'eau avait tant dégouliné à la surface de son globe oculaire qu'Annie n'avait aperçu de la Cité Noire qu'une masse grouillante de robes, de jaquettes et de parapluies jaune citron qui se pressaient sous son balcon. Elle avait finalement été rattrapée par un individu en canotier et haut-de-forme qui l'avait ramené dans sa chambre, tout en rougeur et éternuements.
Annie gardait un souvenir si terrible de cette fameuse nuit que jamais elle ne retenterait une fugue. Elle décortiqua pourtant le paysage au-dehors, en vaine recherche de distraction.
Derrière les vitraux, les écharpes de brume glissaient dans le vent, vaporeuses, emportant avec elles tristes feuilles et poussières grises. Des stalactites mangeaient l'embout des arbres à l'écorce ébène qui, ballottés dans la brise glacée, évoquaient fluidement des squelettes frissonnants.
Il était pourtant incontestable que la Cité Noire impressionnait par sa beauté. Mais dans ce terrible soir neigeux, elle en paraissait plus bizarre qu'elle n'était jolie. Avec ses rosiers de rubis qui grimpaient aux tours, les formes biscornues de ses cheminées aussi rondes qu'un œil écarquillé, le sable noir qui couvrait les allées, les ornements argentées au bordures des fenêtres et les nombreuses statues en onyx qui se gagnaient une bonne partie des rues, au dehors, la Cité Noire disposait d'un charme curieux, puissant, d'une atmosphère ténébreuse s'harmonisant parfaitement avec le tempérament de Schyama.
L'agencement de cette Cité était admirable. Annie, bien à contrecœur, ne pouvait le nier. Elle était constituée d'une quantité anormale d'ascenseurs, des ascenseurs si lourds et vastes qu'ils mettaient bien trois bonnes heures à effectuer leurs trajets. La chambre d'Annie était par ailleurs un ascenseur à plusieurs pièces, ayant atteint le terminus. Jamais la jeune fille n'aurait pu se douter du nombre de gens qui l'eurent convoité avant elle. Il avait servi non seulement de chambre, mais aussi d'antichambre, de prison, de boudoir, de fumoir et de salles de séjour dans lesquelles on pouvait goûter toutes sortes de thés exquis.
Par un claquement de doigts, Schyama parvenait à changer tout l'ameublement d'un lieu, si bien que ses serviteurs en venaient presque à se plaindre de la « mobilité » de cette Antre. Ses extravagantes capacités étaient également enviées par les ambassadeurs de la Cité Bleue, Schyama était toujours dotée d'une technologie avancée par rapport aux leurs.
Tout ces renseignements, Annie les avait irrémédiablement trouvé dans l'immense bibliothèque qui complétait sa chambre, et elle ne s'en vantait pas. Ses journées demeuraient passives. Annie engloutissait le contenu du moindre livre qui eut le malheur de tomber sous sa main, à en devenir, parfois, documentée d'idioties. Son existence même s'était enlisé d'une morne routine, cadencée par ses inintéressantes lectures, ses explorations de placard, ses planification de sauvetage, ses repas avalé sans mot dire et autres trompes-ennui. Ce qu'elle jugeait plus inacceptable encore, c'était que le Miroir des Univers, la solution à tout ses problèmes, se trouvait quelque part dans cette bâtisse labyrinthique, bien qu'elle fût-ce incapable de déterminer où. Sa lâcheté et sa oisiveté la répugnait d'autant plus, et l'humaine venait de plus en plus à bout de ses journées par un torrent de pleurs.
Jamais Annie ne s'était autant détesté.
La jeune fille revint rapidement à la réalité et appliqua son buvard là où s'étalait une large tâche noire en pleine phrase. Mais le mal était fait. A force de baver, sa plume avait laissé ce morceau de parchemin d'une absolue illisibilité. Le dos de la main d'Annie avait lui aussi bu beaucoup d'encre, et des croûtes sombres avaient fini par assombrir son pouce.
Musardant dans les airs, privée de support, la plume toussa de nouvelles tachettes noirâtres, qui vinrent s'écraser sur la lettre comme des larmes nocturnes. Néanmoins, ce fut une autre larme, translucide pour sa part, qui mouilla véritablement ce courrier désespéré.
En appelant ses sœurs.
*
Annie se glissa entre ses draps, alors que sa chambre-ascenseur recommençait l'une de ses interminables rotations, dans un vrombissement à en faire dresser les cheveux sur la tête. Mais en cinq jours, la jeune fille s'était habituée à ce ronronnement continu qui accompagnait ses journées et ses nuits comme un chat trop encombrant. Elle ne voyait tout simplement plus comment elle pourrait vivre sans, dans un silence lourd et perpétuel.
- Bonne nuit, murmura-t-elle à son béret, sous lequel elle enfouit sa tête. J'espère que par le futur, mon destin évitera de me coincer dans de telles sorbetières.
Sa voix s'était asséchée. Annie n'ouvrait la bouche que rarement : pour avaler quelques bouchées de pot-au-feu envoyées par Schyama, et pour hurler d'un hurlement qui n'arrivait pas à traverser les murs de sa chambre, où même parfois ceux de sa gorge. Parler seule lui faisait du bien, bien qu'il fût plus compliqué d'échanger avec son béret que Lys, roupillant encore dans la chaude tisse de Scintillam.
Annie gesticulait péniblement sous ses édredons, à moitié étouffée dans le velours de son béret, quand elle entendit un drôle de bruit, une sorte de craquement sépulcral.
Elle pensa d'abord qu'il s'agissait de l'une des articulations ma huilée d'un minotaure mécanique, mais alors que ce froissement persistait, elle se redressa, assez angoissée. Le sifflet de sa respiration inquiète lui engluait les oreilles.
- Annie ?
Puis un vacarme apocalyptique.
L'humaine aurait voulu hurler, puis elle pensa que cela ne servirait à rien, son cri sera aussitôt couvert par ce boucan anormal.
- Annie ?
- Oui-ii ? Répondit la jeune fille en poussant au maximum sa voix enflée de terreur.
Elle ne savait même pas pourquoi elle avait répondu à l'appel. Par espoir ? Annie en serait captive de hoquets. La jeune fille déglutit, absolument indécise, et s'emmitoufla davantage dans son plaid, comme si elle se parait d'une rutilante armure. Son béret informe lui tiendrait lieu de bouclier. Ainsi cuirassée, Annie se leva doucement, et combla les mètres qui la séparait de la porte en se prenant les pieds dans les tapis.
Si la voix qui l'appelait lui paraissait familière, Annie avait déjà l'intime conviction qu'elle n'appartenait pas à Schyama. Schyama maîtrisait une voix d'une douceur glacée, en emmêlant sensuellement les syllabes entre elle, et en jouant sur son bien étrange accent. Cette voix-ci, cet « Annie ? » strident et interrogateur semblait venir de la gorge d'une vielle femme dont le temps aurait été sans pitié.
Dans la pâle pénombre de la chambre, c'était surtout le froid giflant rageusement les pieds d'Annie, qui était sans pitié.
- Inspiration, expiration. Inspiration... murmurait lentement la jeune fille, comme pour ôter son sentiment de détresse extrême.
Elle tendit une main tremblante vers la poignée. Elle savait que ce n'était pas une bonne idée. Derrière elle, six imposants minotaures mécaniques lui barreraient la route, la pétrifieraient de peur. Schyama l'avait vachement surestimé avec une telle garde. Un seul minotaure aurait largement suffi à lui glacer le sang.
Annie tourna le battant.
- Tu en as mis du temps, commenta simplement Kadambini.
L'humaine souffla de tout son soûl, pleinement soulagée. S'il peut parfois paraître effrayant de voir émerger une telle tête grosse comme un baudruche dans l'embrasure de la porte, cette vision provoqua à Annie le meilleur sentiment de sa semaine. Avant même qu'elle pût envoyer son message de secours, on la secourait.
De plus, il semblait inutile de contester, cette créature immonde était bel et bien Kadambini. Cette huile pâteuse qui constituait sa peau, cette bienveillance presque ironique qui planait dans ses yeux, son bonnet en grosse laine et ses membres tantôt trop longs, tantôt trop courts, qui pendaient autour de son estomac comme des serpents disproportionnés... Il n'y avait aucun doute.
Annie avait presque envie de rire de bonheur ou de désespoir quand Kadambini pinça soudain ses lèvres trapues. Même ainsi, ses dents débordaient.
- Et... les minotaures ? Chuchota l'humaine, exprimant toute sa stupéfaction d'une voix balbutiante, informe et aiguë.
- Il serait honteux qu'un gremlin ne puisse pas démonter ces choses, affirma la gremline, dans un modeste hoquet d'épaules. S'ils sont grosses, ces créatures tout en rouages sont dotées d'un mécanisme d'une simplicité rare. En deux-trois maniements de pince, elles s'écroulent, parfaitement désarticulés.
Sur ces paroles soigneusement ponctuées de sourires patibulaires, Kadambini pénétra dans la chambre en poussant un sifflement appréciateur :
- Et moi qui croyait qu'elle t'avait logé dans un tas de fumier...
Annie était tellement heureuse de voir la gremline que ses mots se brouillaient, formant dans son esprit une masse infernale d'encre et de boucles. Pour l'heure, cet être était la plus splendide des créatures qui n'eût jamais existé.
- Hum... Je trouve tout de même cette chambre un peu trop parfumée, mielleuse et confortable pour que cela ne sente pas la finasserie...
Bizarrement à son aise dans ce genre d'endroit, Kadambini serpentait la pièce de long en large, reniflait le contenu d'un verre, rotait dans un autre et écartait les rideaux d'un revers de main.
- Le jour se lève, commenta-t-elle avec un regard désapprobateur pour la fenêtre. Nom d'une déjection d'hippalectryon ! C'est toujours ainsi que les choses se gâtent !
- Il n'est que l'aube, dit Annie, qui s'était maintenant donné le droit d'espérer.
Le pas encore titubant de joie mêlée à la sidération, la jeune fille se dépêcha de rejoindre Kadambini à son guet. Elle brûlait d'espoir, ne voyant absolument pas comment le monde pouvait lui vouloir quoi que ce fût tant qu'elle serait aux côtés de ce don du ciel. Une professionnelle en mécanique et en médecine, quoi de plus invincible ?
- Comment es-tu arrivée ici, Kadambini ?
La gremline se frotta la fleur de la paupière avec une moue désappointée.
- Oh, grâce aux rumeurs. Le ragot le plus croustillant du moment voulait que deux jeunes enfants bien crasseux cherchaient une gremline du nom de Kadambini, et menaçaient d'un poignard et de pouvoirs terrifiants quiconque se moquerait de leur quête et de leur aspect miteux. Cette nouvelle qui en excita plus d'un fut chuchoté d'oreille en oreille jusqu'à parvenir finalement à la mienne. C'est fou ce que les rumeurs peuvent se déplacer vite, quand elles sont si stimulantes ! C'est un sacré avantage si cela divulgue une urgence. Moi, intriguée, j'eus alors dévoilé mon visage aux deux malotrus, qui répondaient aux noms de Xia et de Ophel.
- Par tout les trompe-l’œil... Murmura Annie, émue jusqu'aux larmes.
- Ils me prévinrent donc de leurs soupçons. Selon eux, tu avais été enlevé par Schyama, en attendant que tes pouvoirs réduisent la Wolken en cendres...
Annie, le teint blafard, la tignasse sertie de nœuds complexes et la bouche béante, n'en revenait pas de ce qu'elle entendait. L'aimait-t-on à ce point ? Était-ce possible ? Elle avait du mal à le croire. Dorénavant, les larmes coulaient sur ses joues en flots abondants. Des larmes de joie.
Pourtant, elle sentait que sa délivrance était trop simple. Elles n'allaient pas sortir de la Cité Noire avec beaucoup de facilité, loin de là. Schyama s'apercevrait certainement du stratagème qu'elles eurent mis en place, quel qu'il fût rusé. La Princesse des Ténèbres l'était d'autant plus.
D'ailleurs, son instinct lui soufflait que Schyama les observait peut-être – sûrement ? – en cet instant même. Il lui paraissait évident que cette chambre-ascenseur comportât des caméras, des objets-automates capables d'enregistrer le moindre de ses mouvements. La technologie Nuageuse était sans doute assez talentueuse pour ça.
Son flot de bonheur en fut radicalement tari.
- Nous eûmes donc passés un accord, poursuivait Kadambini, toutes dents dehors. J'allais te retrouver dans la Cité Noire, tandis qu'eux cherchaient de l'aide auprès d'Ambud et Hauata. Notre seul et précieux moyen de communication est indubitablement le suaphone. Cette machine n'est guère persévérante mais elle permet d'enregistrer des mots-clés, en inspirant des particules de Spirale dans l'air, qui parviendraient immédiatement dans leurs oreilles en cas de problème. Mais pour le moment, ajouta-t-elle avec un sourire plus hideux que satisfait. Tout fonctionne comme sur des roulettes.
Annie dodelina vaguement de la tête, ne voulant inexplicablement pas faire part de ses craintes à la gremline. Elle préféra se dévêtir tout à fait de son plaid qui lui roulait sur les épaules, et étreindre sauvagement la pauvre créature qui n'en comprit rien. Les gremlins n'étaient pas des êtres habitués aux élans d'affection, et Kadambini ne faisait aucune exception à cette règle.
Une certaine rougeur vint chauffer l'huile de son teint alors qu'Annie l'étouffait à moitié. Elle bafouillait, complètement incapable de rendre à l'humaine le geste affectif qu'elle désirait.
- Ça va aller, ça va aller..., balbutia la pauvre bête en lui tapotant brièvement l'épaule.
Annie finit par se détacher d'elle, comprenant l'embarras que lui inspirait Kadambini. Et comprenant aussi qu'est-ce qui, par la fenêtre, volait à une vitesse prodigieuse jusqu'à eux. Ses yeux s’arrondirent de surprise et de merveille. Aussitôt, tous ses doutes furent balayés, ou rendus poussiéreux.
Ambud et Hauata venaient à elles.
En deux et dynamiques coups d'aile, les pégases avalèrent le peu de distance qui les séparait du balcon, sur lequel ils atterrirent, dans un formidable fatras de plumes, de poils et d'énormes brouhahas.
Si elle grimaça d'abord à l'entente de ce boucan, Annie s'empressa ensuite de déverrouiller sa fenêtre pour échoir à leur rencontre. Ambud et sa majesté. Hauata et sa suavité. Xia et son extravagance. Ophel et son coquin sérieux. Son cœur chaotique était sur le point d'exploser de joie.
- Nous sommes poursuivis, lança Ambud alors qu'elle se précipitait sur eux pour les étreindre. Des Rosenoirs. Alors qu'on pénétrait en zone schyamatesque, du haut de leurs tours, ils se sont mis à nous jeter tout sorte de projectiles. Le sifflement des balles magiques nous accompagnèrent jusqu'à ton balcon. Là, ils nous ont perdus de vue. Toutefois, à l'heure qu'il est, Schyama doit sûrement être au courant de tout ce remue-ménage – ou alors ça ne devrait plus tarder. Ramènes vite tes affaires, nous devons partir le plus tôt possible.
- Oui, bien sûr, répondit Annie en se pinçant les lèvres.
Malgré toute l'urgence du moment, elle se serrait attendue à des retrouvailles plus réjouissantes. Malheureusement, Ambud souffla de toute la puissance de ses impressionnants naseaux, et elle déguerpit aussi vite qu'elle fût venue. Pourtant, il semblait que toute pression l'eut relâché. Annie réunit mollement ses affaires, les enfourna plus péniblement encore dans poches ou valisettes dégotées ça-et-là et rejoint la troupe, la mine sombre. Ses lourdes mèches lui colmataient la vue, mais la jeune fille ne prit pas le temps de se dégager le visage. Elle devait exposer la situation à ses compagnons, et vite :
- Le Miroir des Univers, le passage magique qui me permettra de retourner sur Terre, se trouve exactement dans cette Antre, c'est pourquoi je veux encore rester. Mais je ne pourrais jamais l'atteindre sans votre aide, c'est pourquoi je vous demande de me couvrir en neutralisant le plus d'ennemis possible sur mon passage. Dès le Miroir franchi, le poids de la situation apocalyptique du Monde des Nuages sera ôtée. Je dois le retrouver.
Un long silence accueillit cette explication. Pas le genre de silence soyeux qui vous caressât, enjôleur, les oreilles – non – un silence brutal, grave, court et pourtant infini. Comme l'intérieur d'une trompette. Annie, noyée dans cet abrupt inconfort, se contenta d'attendre, se dandinant d'un pied sur l'autre, le front emperlé de sueur et ses affaires collées contre le cœur. Elle ne pinçait plus les lèvres, à présent : elle se les mordait farouchement.
- Ce n'est pas dans les ordres de la prophétie, déclara enfin Ambud, dont les oreilles s'étaient rabattues en arrière.
- Es-tu vraiment sûre de ce que tu avances ? renchérit Hauata.
Tout ses membres se crispèrent à l'unisson. Pour dire vrai, Annie n'avait jamais été aussi persuadé de quelque chose. Elle avança les mâchoires, assez exaspérée. Elle savait, à présent, que se qui intéressait prioritairement les pégases n'était pas ses désirs, mais plutôt ceux que divulguaient la prophétie. Annie soutint le regard majestueux d'Ambud comme elle fixerait celui, perçant, d'un professeur exigeant à travers les rectangles sombres de leurs lunettes. Avec une forme d'insolence. De fatigue.
Oui, Annie scrutait laborieusement les pupilles d'Ambud tour-à-tour, avec un tel complexe qu'on aurait dit qu'elle en mesurait la dilatation, qu'elle en comptait le nombre de cillements par instants. En revanche, la jeune fille ne faisait rien de cela. Elle essayait de comprendre, fastidieusement, comment le pégase était arrivé à un point aussi élevé de son orgueil, de sa détermination. Elle en aurait même voulu entreprendre le méticuleux dépoussiérage de son être, rien que pour savoir se qu'il pouvait se cacher sous ses couches de plumes, de poil, de beauté et d'assurance. Elle voudrait appuyer le poids de son regard jusqu'à ce que le sien s'agenouillât dans l'embarras.
Oh, pour rien au monde Annie n'aurait déprécier Ambud. L'idée qu'elle se faisait de lui n'en était pas pour autant méprisante, une forme d'admiration brillait tout de même à l’entrebâillement de ses cils.
Or cette flamme demeurait incertaine.
En vérité, jamais auparavant Annie n'aurait pensé avoir l'audace de dévisager ainsi une telle créature. Amubud, avec son fluctuant crin d'argent, son enrobé de neige, ses soupirs gracieux, son œillade d'obsidienne et son énorme carcasse étincelante, évoquait en tout point de la poussière d'étoiles remodelée en cheval. C'était très impressionnant.
- Oui, je suis plus que certaine qu'il s'agit de la bonne solution. D'ailleurs, (reprit-t-elle alors que le pégase rouvrait venimeusement la bouche :) Je ne comprends pas pourquoi nous sommes encore ici, exposés au danger et barbotant comme une bande d'oies réjouies ! Nous devons passer à l'action, et avant cela, rentrez tous à l'intérieur, s'il vous plaît. Ainsi à l'abri, nous pourrons établir un plan.
Personne ne bougea, d'abord. Puis timidement, Xia rebouta une bouclette derrière son épaule, dans un infime cliquetis de breloques et pourtant infâme à l'oreille. Puis Ophel se laissa glisser de son perchoir – qui était Hauata – et vint se ranger derrière Annie avec une telle maladresse que la jeune fille lui en fut presque reconnaissante. Il fut aussitôt escorté par Kadmabini et sa démarche gauche, bancale, puis de Xia qui tintinnabulait toujours en passant sous le nez d'Annie.
Ne restait plus que les deux pégases.
Ils semblaient tellement immobiles que l'humaine en vint à se demander si un effondrement de bibliothèque, une explosion de lampe à pétrole ou une avalanche de tuiles les aurait fait remué le petit doigt.
Cela, elle ne le sut jamais. Ce qu'elle sût en revanche fût que le sifflement d'une balle magique avait ce pouvoir réclamé.
Le résultat fut immédiat.
Les chevaux ailés, dans un tonnerre de claquements de sabots et un déluge de froissements d'ailes, se précipitèrent si bien à l'intérieur de la chambre qu'ils manquèrent d'écraser Annie au passage. Annie, essoufflée, rentra un cheveu plus tard qu'eux et tira aussitôt les rideaux, de la sueur ruisselant sur le front. Un goût métallique, aussi fade que puissant et aromatique, se promenait sur sa langue quand elle se retourna vers ses compagnons. Le goût de la résignation.
Il était trop tard pour avancer cacher, désormais.
Ils devraient se battre.
Sans maquillage.
Coûte que coûte.
A tâtons.
Saisie de vertige, la jeune fille enfonça son béret sur son crâne, déroba la première paire de cisailles qui eût le malheur de reposer sur le secrétaire. L'heure était venue de livrer bataille à Schyama. Ce jour-là aurait bien dû arriver.
Attention à des moments, tu as tendance à employer des tournures un peu lourdes, je pense que tu gagnerais beaucoup à prendre une chtite paire de ciseaux et découper les petits mots superflus qui ralentissent la lecture
A bientôt pour la suiiite !
Pluma.
Le démarrage est très bien, la solitude d'Annie, ses tentatives désespérées de fuir et l'image dégradée qu'elle a d'elle-même, se trouvant lâche, tout cela est bien mené.
Ensuite, comme le dit Annie, c'est trop facile. Même ton personnage s'en étonne, tu aurais dû l'écouter!
Autant le moment où Annie jauge Ambud est intéressant, autant il casse la dynamique car les Pégases arrivent dans un moment d'urgence, poursuivis par des tirs, au cœur de la Cité Noire, en opposition complète à Schyama dont les pouvoirs sont grands. Il me semble que la deuxième partie du chapitre devrait retrouver le palpitant de la visite des archives par exemple, les événements se précipitent, place à l'action et non à la réflexion.
Par conter très bien l'idée qu'Annie s'oppose à une évacuation en insistant pour rechercher le Miroir ici.
Tout ça, devrait se faire dans le tumulte le plus complet, arrivée fracassante des Pégases, pas le temps pour la joie, les tirs fusent, les vitres peuvent voler en éclat. Annie qui crie son désir de rester et qui toise une fraction de seconde les Pégases, le moment peut être décrit comme une seconde qui s'éternise, mais tout doit aller vite.
Bon... Tout ce que je viens de dire, tu en fais bien ce que tu veux ! C'est toi le chef de l'histoire.
Et une bonne année à toi, pleine de réussite et de beaux chapitres!
Je pense réécrire entièrement ce chapitre, en fait, sans la pression et l'excitation dues à la fin toujours plus proche de l'histoire... ^^
Merci beaucoup pour toutes ces précisions en tout cas, je file lire les messages suivants !
Ta plume est toujours aussi envoutante et immersive !
J'ai plusieurs remarques de fond. Ce que je vais dire ci-dessous est purement subjectif !!!! ;-)
J'ai trouvé un peu étrange qu'ils se retrouvent tous ici, chez Schyama. Ça m'a donné l'impression qu'Annie avait disparu depuis longtemps et que le livre se basait justement sur une quête visant à la retrouver, car on assiste à de "grandes" retrouvailles. C'est assez déroutant.
En revanche, le personnage de Kadambini est un régal. Je l'adore et je trouve super qu'on l'approfondisse ici.
Autrement, les réactions d'Annie me paraissent parfois aller à "contre-sens' avec le courant de l'intrigue. Si elle ne peut pas s'échapper, pourquoi n'essaie-t-elle pas d'obtenir des réponses ? Dans notre tête de lecteur, il y a des pourquoi partout, et je pense que nous donner quelques réponses "brutes" serait gratifiant. Le mystère est intéressant au début mais à la fin, les révélations sont trèèèès importantes pour amener le suspense.
Bon, ça fait beaucoup de remarques "négatives" à première vue, mais je voulais avant tout "t'aider" et te donner quelques pistes de réécriture. ^^ Malgré tout, j'ai pris un énorme PLAISIR à lire ce chapitre ! (et te faire part de tous les points positifs ne tiendrait pas en un commentaire, hum, hum =-))
En effet, Annie a disparu depuis tout de monde longtemps, je n'ai pas dû le préciser assez clairement...
Je saute sur tes prochains commentaires <3
Pluma.
J'ai trouvé la situation un peu trop facile pour Annie, je pense que tu devrais revoir les difficultés que tu as amenées pour éviter qu'elle ne s'échappe. Même si c'est sympa de voir tout le monde réuni. La fin nous donne envie de connaître l'issue de cette histoire, en tout cas ! Il y a des choses très intrigantes dans ce chapitre.
A bientôt :3
Merci beaucoup, comme d'habitude, pour ton passage ! :) J'avoue seulement ne pas trop comprendre ta remarque. Je devrais renforcer la difficulté d'évasion, c'est bien ça ? (genre rajouter des gardes et fermer des portes à double tour ?) Merci d'avance pour ta réponse et à bientôt pour la suiiiiiite ! <3
Pluma.
Voilà :)