Rapprochements

Elle a donc un frère ?

Les questions de Jeffrey s'organisaient lentement en un gigantesque calcul mathématique, qu'il n'aurait de toute évidence pas le temps de résoudre. Il devrait improviser et il avait horreur de cela. Lui et ce petit bout d'homme arriveraient  chez la famille Vermont d'une minute à l'autre et Jeffrey appréhendait beaucoup la réaction du maître des lieux, à fortiori si celui-ci était un commissaire de police qui avait l'arrestation de son alter-ego en ligne de mire.

Comment se fait-il que je ne l'ai jamais su ? Non, en fait c'est parfaitement logique...

L'esprit du jeune homme surchauffait telle une obsolète machine peinant à mettre en branle ses imposants rouages. Après tout, il ne lui avait jamais vraiment adressée la parole et Marcus était trop jeune pour fréquenter les mêmes milieux scolaires que lui. Qu'il n'ait jamais entendu parler du frère de l'objet de sa convoitise  n'était donc guère étonnant. Il n'était juste pas habitué à ignorer une variable de l'équation.

Lorsqu'ils arrivèrent chez les Vermont, Jeffrey analysa avec minutie les lieux : une grande cour ouverte, comprenant un jardin composé d'herbes hautes, de lys, de roses et d'un bassin en plein sol où coulait une petite cascade artificielle. La maison en elle-même était une imposante bâtisse toute de briques et de ciment. Deux étages pouvaient se deviner aux fenêtres, dans un style assez classique mais aisé. Tout indiquait que les résidents étaient issus d'un milieu plutôt bourgeois, sans pour autant être dans les plus hautes strates de richesse de la ville.

Bonsoir ! Je vous ramène votre fils qui a eu quelques échauffourées mais rien de dramatique, ne me remerciez pas, bonne soirée, au revoir ! Et c'est plié, voilà ce que je vais faire.

Marcus sonna pour que l'on vienne ouvrir et vit Jeffrey prendre une profonde inspiration, comme pour se préparer à réciter un poème. Son souffle fut littéralement étouffé dans sa gorge lorsque Léa Vermont entrouvrit la porte.

— Marcus ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ? fit-elle en voyant la mine plutôt mal en point de son cadet. Oh ! Bonsoir, adressa-t-elle ensuite à Jeffrey.

Celui-ci vit tout son château de carte s'effondrer et se contenta de rester la bouche entrouverte.

— Tu me connais sœurette, j'attire les ennuis malgré moi, répondit Marcus en haussant les épaules, ça aurait pu mal tourner si Jeffrey n'était pas intervenu.

— Ah bon ?! Mon dieu... Et tu n'es pas blessé au moins ?

— Non Léa, je crois même que je suis plus beau qu'avant, rétorqua-t-il en riant.

— Très drôle, rentrez donc tous les deux, Papa voudra vous remercier en personne quand il rentrera du travail.

— Heu...Merci Léa, mais ce n'est pas nécess...commença à articuler Jeffrey, avant que la jeune femme ne lui attrape le bras pour l'entraîner à l'intérieur.

— Ha sisisi, tu rentres et puis c'est tout, coupa-t-elle d'un ton autoritaire.

Bon d'accord, ça ne se refuse pas.

Elle était aussi belle que d'habitude. En dehors des cours, elle avait un style à mi-chemin entre le bourgeois et le lolita qui ne laissait pas indifférent. Ses cheveux étaient toujours à moitié-frisés à leurs extrémités qui passaient des heures sous le lisseur. Elle portait une chemise blanche que recouvrait un corset noir de jais, la tenue parfaite pour aller avec sa peau et ses yeux.

L'intérieur de l'habitation était à l'image de l'extérieur, des murs blancs impeccables, un grand salon avec des tapisseries et une immense bibliothèque en bois, une salle à manger elle-même pourvue d'une large table boisée également, reliée à la cuisine par une ouverture en verre indiquant qu'une porte avait été là par le passé. Directement au bout du vestibulaire s'élevait un grand escalier de pierre blanche obliquant vers l'étage supérieur.

Léa attabla les deux garçons dans la salle à manger et se dirigea vers la cuisine.

— Vous prendrez bien un thé tous les deux, dit-elle.

Cela ne ressemblait pas à une question.

Je bois une tasse et je me sauve.

Elle revint cinq minutes plus tard avec deux tasses en porcelaine brulantes en main, puis apporta la théière sur un plateau.

— Merci, fit Jeffrey.

— Non merci à toi, rétorqua-t-elle, sans toi mon petit frère se faisait refaire le portrait. Mais bon, s'il avait appris à éviter les problèmes...

— Je vais très bien, merci chère sœur ! Quand tu auras fini d'essayer de m'empoisonner avec ton thé, j'irai me laver et me refaire une beauté, souffla-t-il.

Sans attendre de réponses, il se leva et disparut à l'étage.

Ne me laisse pas tout seul pour l'amour de Dieu...

Jeffrey triturait sa tasse désormais vidée de son contenu en évitant soigneusement de regarder la jeune femme dans les yeux. Il n'en fallut pas longtemps pour qu'elle brise le silence :

— C'est très courageux ce que tu as fait pour mon frère. Beaucoup ici ne l'aurait pas fait. Sais-tu qui l'a agressé ?

— Joseph Marlow, répondit-il machinalement.

— Le petit enfoiré. Et il voulait que je sorte avec lui en plus... Il va voir celui-là...

— Ce n'est qu'un crétin de base. Il n'y a pas grand-chose à attendre de lui.

— C'est drôle, on dirait que tu as plus d'assurance que la dernière fois ! s'étonna-t-elle.

Pour une fois, Jeffrey releva la tête et soutint son regard.

— Quelle dernière fois ?

Léa Vermont, interloquée par ce changement d'attitude, laissa s'écouler quelques secondes avant de comprendre son erreur.

— Ha... En parlant de ça, je suis vraiment désolée. Je n'aurai pas dû faire preuve de tant de rudesse, quand on impacte sur mon travail, je ne me retiens plus.

Elle sourit de ses dents blanches. Jeffrey lui rendit une risette plus discrète.

Elle est jolie. Elle est faite pour moi.

— Je pense qu'on devrait... se voir plus souvent, enfin, si tu n'as pas trop de boulot bien sûr hein, je veux dire par là que...

— Connaissant mon frère, il va plus te lâcher, donc oui, on se verra souvent, dit-elle en souriant.

— Super, heu... Ecoute, merci pour la tasse de thé, je vais devoir filer, plein de choses à faire, tu sais, bisous à Marcus de ma part !

Il attrapa prestement sa veste et se dirigea vers la porte d'entrée. Au moment où il allait attraper la poignée, celle-ci pivota pour laisser apercevoir la silhouette forte et sévère du commissaire Vermont.

...

— Bonsoir Papa, ta journée s'est bien passée ? questionna la voix de Léa, tu ne devineras jamais qui a tiré notre cher Marcus de pas mal d'ennuis aujourd'hui !

— Tiens donc. Eh bien, je pense que nous devrions l'inviter à dîner ! répondit le commissaire en souriant.

— Mais je... tenta d'objecter l'intéressé.

— Haha, pas de discussion possible ou bien je vous arrête, coupa-t-il en le reconduisant à l'intérieur.

Haha... Et merde...

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robruelle
Posté le 10/10/2020
Hello !
Haha il est bien ce chapitre
Dans la gueule du loup !

Avant que j'oublie en causant du reste : j'ai un doute sur le mot "vestibulaire"
c'est pas plutôt vestibule ? vestibulaire, ca a l'air d'être un truc dans l'oreille apparemment (oui je fais ca sérieusement, je me suis renseigné ^^)

Sinon ben j'ai bien aimé l'ambivalence - entre envie d'être auprès de la fille, et l'envie encore plus grande de se tirer en courant - qu'il ressent. tu l'as bien retranscrit je trouve
Maintenant, ben j'attend de voir comment ca va évoluer tout ca, car on sent clairement que les lignes sont en train de bouger entre Léa, Marlow, Jeffrey et ... Victoria (si je me rappelle bien ... aucune mémoire des prénoms) parce que bon, y a un espèce de triangle, voir de carré amoureux en train de se dessiner et on se demande à quel point ca va faire évoluer l'intrigue, et ajouter une pincée de bazar là où il y en avait déjà pas mal

C'est chouette en tout cas !
A bientôt !
Kara Warren
Posté le 10/10/2020
Hello!

Ben oui effectivement, vestibulaire..
Je sais pas à quoi je pensais.

Sinon, toi je sens que la suite va te plaire haha. Après, sans trop spoil, l'amour n'est pas vraiment l'intrigue principale, je m'en sers plus pour poser des enjeux^^.

Merci pour ton commentaire, très encourageant comme d'habitude !
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