Jeffrey enfourna une autre fourchette de blanquette de veau dans sa bouche. Il n'avait jamais rien cuisiné de meilleur, bien que cela fasse partie du pack de compétences utiles d'un jeune homme célibataire. Maman était vraiment un chef extraordinaire. Tout le monde était à table et mangeait calmement, mon père, ma mère, Léa, moi, et Jeffrey.
Ce dernier ne disait pas grand-chose, en fait, cela se voyait qu'il était mal à l'aise d'être ici ce soir. Comme toute ma famille, je ne pris cela que pour de la timidité, je ne compris exactement pourquoi que des années plus tard.
— Dis-moi, Jeffrey c'est bien cela ? J'imagine que tu étais à l'allocution publique de notre maire. Qu'en as-tu pensé ? questionna mon père.
Celui-ci tritura son assiette de la fourchette avant de répondre.
— Je trouve que vous y avez été très éloquent monsieur. Notre maire aussi a une certaine prestance dans ses discours.
— Certes, répondit mon commissaire de père en riant, mais ce n'est pas ce que je te demande. Que penses-tu de toute cette affaire, je veux dire ? De cet inconnu qui agit de lui-même ?
— Et je te conseille de ne pas répondre à côté, fis-je d'un ton hilare.
— Marcus, s'il te plaît, intervint ma grande sœur.
— Oui fils, nous reviendrons à ton cas juste après.
— Monsieur, commença Jeffrey, je pense que vous et la police de Lakeland faites un travail remarquable, mais qu'il y a des choses que vous ne pouvez pas forcément gérer. Vous ne pouvez être partout en même temps et je trouve donc plus que souhaitable que quelqu'un puisse faire ce qu'il fait.
— Au mépris des lois ? De blesser, de tuer, dernièrement, sans avoir de comptes à rendre ? répondit calmement mon paternel.
Ses traits se durcirent, accentuant ses rides naissantes, et il scrutait maintenant notre invité d'un regard inquisiteur. Connaissant mon père, je peux vous assurer que je comprends tout à fait pourquoi il lui était très facile d'incommoder ses interlocuteurs.
— Je le déplore monsieur. Je veux juste croire que ses intentions sont louables.
— L'enfer est pavé de bonnes intentions, je te le rappelle jeune homme. J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte à plus d'un égard lors de mes nombreuses années de service.
— C'est bon papa, fit Léa, laisse le tranquille. Il a sauvé Marcus, ne le teste pas avec tes questions-pièges.
— En parlant de cela, il serait temps que tu apprennes à te défendre toi. Tu n'auras pas toujours quelqu'un pour te sauver la mise.
Je haussai les épaules en soupirant.
— Merci de t'y intéresser papa, mais tu n'as jamais le temps de m'apprendre quoique ce soit. Je ne demande pas mieux pourtant...
Jeffrey vit là une occasion à saisir.
— Je pourrais lui apprendre moi, monsieur Vermont. J'ai fait des arts martiaux, je pourrais lui apprendre deux ou trois choses... Comme vous le voyez, cela me sert plutôt bien.
— C'est une excellente idée Hector, réagit ma mère. Ce jeune homme a l'air très intègre, et ne pourra pas aider notre fils tout le temps !
— Est-ce ma faute si je préfère éviter les problèmes plutôt que de leur rentrer dedans ? répondis-je.
— C'est une attitude de trouillard donc oui, effectivement c'est de ta faute, souligna Léa.
Je repoussai mon assiette en soufflant. Que ces repas de famille du soir pouvaient m'ennuyer ! L'idée de pouvoir apprendre à me battre avec Jeffrey était la seule chose qui m'enchantait, c'était un mec sympa.
Une fois le repas fini, Jeffrey se prépara à s'en aller. Je vis Léa lui parler dans le hall:
— Ne t'inquiète pas pour papa, il a l'air un peu dur quand on le voit comme ça, mais son métier le suit jusque chez lui.
— Sa fille a de qui tenir, toi aussi tu es une mordue de travail.
Ma sœur rougit en souriant et s'éloigna alors que Jeffrey enfila son manteau.
— Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu portes un blouson en plein été, fis-je d'un ton sarcastique.
— Tu sous-estimes l'importance d'avoir des poches, me rétorqua-t-il en faisant un clin d'œil, mais ça, ce sera l'objet d'une prochaine leçon.
— On se dit à la semaine prochaine alors ?
— Va pour la semaine prochaine.
Jeffrey Slart referma la lourde porte. Léa était restée le regard rivé, intriguée, sur l'espace qu'il avait laissé vide derrière lui, et ceci à mon plus grand amusement.
— Il est pas mal, tu vas sortir avec lui ? la questionnai-je en souriant.
Elle me regarda et se contenta de me répondre avec un haussement d'épaules et son « tssss » caractéristique, avant de gravir les escaliers qui la menait à sa chambre. Je connaissais trop bien ma sœur pour savoir qu'elle avait quelque chose derrière la tête.
Décidément, cela me plaisait de plus en plus.
***
Joseph Marlow entra avec fracas dans la résidence familiale. Il avait le visage comme une œuvre d'art contemporaine et il en souffrait encore. Mais ce qui le blessait encore plus, c'était son ego. Lui qui avait toujours illustré la loi du plus fort, il se retrouvait mis à bas de la plus honteuse des manières, par une de ces victimes passées qui plus est.
Et cela faisait mal.
Il avait néanmoins hérité d'une partie de l'intelligence mauvaise de son père et il allait l'utiliser. Il savait comment se venger.
Il arriva devant le bureau de son père, frappa à la porte, et entra sans attendre de réponse.
Derek Marlow se trouvait derrière son énorme plan de travail, le nez dans ses papiers.
— Je croyais t'avoir dit de ne pas me déranger pendant que je travaille, déclara Derek sans même lever le regard de ses documents.
— Quand arrêteras-tu de me traiter comme un moins que rien ?
— Quand tu arrêteras d'en être un. Et qu'est ce qui me vaut le dérangement ? Tu t'es enfin fait refaire le portrait par quelqu'un d'autre que moi et ça t'a fait mal à la fierté ?
Derek Marlow releva enfin les yeux pour croiser ceux de son seul et unique fils. Il n'avait aucune affection pour lui. Il avait perdu sa femme pour que lui puisse vivre et il ne se passait pas un seul jour sans qu'il le regrette amèrement.
Joseph Marlow soutint pour une fois le regard de son père.
— Je pense savoir qui est l'homme que tu recherches.
Alors, chapitre en deux parties.
Pour la première partie, tu emploies le 'je' donc comme tu l'explique dans le préambule. Effectivement, aucun soucis, on sait parfaitement de qui il s'agit.
Pour ce qui est du choix de garder la première personne ici, je te fais confiance, c'est le choix de l'artiste
Juste je m'interroge sur, disons ... enfin ce que je veux dire c'est que PA est pratique pour ca, et permet d'avertir le lecteur avec des explications préliminaires, mais je m'imagine si j'avais eu un format 'papier' entre les mains; je me demande si je n'aurais pas été perdu. Bon ! je suis d'accord, c'est dans l'hypothèse où ...et avec des si, on mettrait Lutèce en amphore :) mais je voulais quand même t'en parler.
Pour ce qui est du dîner, il est chouette, on cerne un peu mieux le flic intègre et droit comme un I. Je me représente les vieux films policier sous la prohibition quand je me l'imagine.(Humphrey Bogart, les incorruptibles etc.)
Ca, au milieu de Léa (qui commence à en pincer ? ) et du jeune un peu insouciant. C'est chouette.
Juste, je n'ai pas bien compris le tout premier paragraphe
Ca parle de Jeffrey, puis de "maman". Au final, je n'ai pas bien compris qui avait cuisiné. C'est un détail mais bon, on est là pour ca :)
La deuxième partie est très bien. Elle se suffit à elle même et ouvre une voie royale pour la suite que j'attend désormais :)
A bientôt !!
Pour lever le voile, je voulais, à la base, que ce soit Marcus qui raconte littéralement l'histoire de ce premier arc, en tant que narrateur incertain. Idée que j'ai finalement abandonné parce que j'avais besoin que ces événements soient fiables, pour pouvoir m'y appuyer ensuite. Et aussi parce que c'était pas évident à mettre en place ^^'. Mais voilà qui explique ces réminiscences de cette première personne... Je vais à terme, l' enlever.
Sinon je suis ravi que ça t'ai plu ! Merci pour ton commentaire ! :)