Adossé à l'immense baie vitrée du château, Grindelwald ferma les yeux. Parcourir du regard les montagnes autrichiennes ne lui apportait pas l’apaisement qu’il recherchait.
Le Mage noir n'était en soi, guère fatigué, que ce soit mentalement ou physiquement.
Il était en ce qu'on pourrait nommer une grande forme. Il avait bien récupéré depuis son séjour à New-York.
Ses plans se déroulaient suivant ses ordres ; enfin, pour la plupart.
Le cas Credence le préoccupait, mais il n'y avait de difficultés qui lui résisteraient. De plus, la jeune Goldstein lui permettait d'avancer bien plus vite qu'il ne l'aurait cru, sur ce cas épineux. Il avait bien fait de l'enrôler.
Et puis, cela avait quelque peu affaiblit le champion de Dumbledore.
Grindelwald rouvrit subitement les yeux, qui se braquèrent au loin, incendiaires. La rage s'emparait de lui, encore et encore, lorsqu'il repensait à ce meeting.
C'était là.
C'était là qu'il avait perdu la clef. Il en était persuadé, tout comme il était persuadé que Scamander n'était pas étranger à cette disparition.
Le magizoologiste avait réussi à s'en emparer par on ne sait quel moyen - sûrement des plus pittoresque pour coller avec le personnage.
Sa mâchoire se contracta brièvement et Gellert se détourna du panorama qui s'étendait sous ses yeux.
Il fit quelques pas dans la pièce, indifférent à ce qui l'entourait, puis s'assit à son bureau, croisant les jambes et se laissa aller contre le dossier.
Si Scamander avait bien récupéré la clef, cela représenterait un contretemps pour le moins fâcheux...
Car il n'y avait nul doute sur ce qu'il en ferait. Si tout s'était déroulé selon les suppositions de Grindelwald, Dumbledore était déjà en possession de la clef.
Et connaissant son ancien comparse, le Mage Noir n'était pas rassuré.
Il plissa les yeux.
Même si ce pacte n'était pas sensé pouvoir être rompu, Dumbledore manigancerait quelque chose pour lui mettre des bâtons dans les roues.
L'homme aux cheveux auburn avait recruté Scamander pour affronter Credence, au cas où il ne trouverait un moyen quelconque de briser le Pacte.
Mais s’il y parvenait... Alors Dumbledore serait en mesure de s'attaquer à Grindelwald.
Mais l'autrichien serait aussi en mesure de s'attaquer à l'anglais. Il ne fallait pas négliger la réciproque.
Gellert posa son menton sur ses doigts entremêlés.
Il affronterait alors Dumbledore.
Grindelwald se troubla. Il y avait dans cette idée un je-ne-sais-quoi qui lui laisser un goût doux-amer, et cela, le Mage noir n'y était pas habitué.
La perspective de ce combat, de ce choc des titans, faisait monter en lui une excitation qu'il avait du mal à contrôler.
Mais en même temps, il redoutait la confrontation.
Oui, lui, le Plus Grand Mage Noir de tous les temps, sentait l'appréhension le gagner lorsque la vision de cet affrontement lui parvenait.
Il avait mis du temps pour parvenir à cette conclusion. Il lui avait d'abord fallût comprendre ce qu'était ce sentiment diffus qui se distillait en lui. Puis pour l'accepter.
Il n'avait jamais appréhendé quoi que ce soit avant...
Gellert se redressa, le visage fermé, son regard se durcissant.
Mais il n'avait jamais considéré quelqu'un comme son égal avant de rencontrer Dumbledore. Ni après.
Cet homme était l'exception.
Al...
Non.
Prononcer son prénom serait faire preuve d'une sensiblerie qui ne lui conviendrait pas.
Certes, Grindelwald avait été déçu lorsqu’il l'avait rejeté.
Mais qui ne le serait pas quand le pantin dans lequel vous placiez vos espoirs, lorsque ce que vous pensiez acquis vous échappait?
Gellert s’humecta les lèvres.
Dumbledore se serait montré un allié de choix. C'était un esprit brillant, puissant, et qui savait décoder les autres. Enfin, pas aussi bien que lui, sinon il ne se serait pas laissé prendre au piège.
Cela avait en quelque sorte profondément navré Grindelwald. Dumbledore était finalement un homme comme les autres.
Il s'était laissé berner par ce sentiment vain qu'est l'amour.
Il faut dire que Grindelwald avait manœuvré pour le placer sous son emprise lorsqu'il s'était rendu compte de l'affection que lui portait l'auburn. Mais tout de même...
Ce sentimentalisme était affligeant. C'était cela qui les avait séparés. Au lieu de voir la mort de sa sœur comme une délivrance, Dumbledore s'était mis en tête qu'il s'agissait de quelque chose d'impardonnable, et qu'en plus, tout était de leur faute!
Qu'y pouvaient-ils, si cette gamine ne savait même pas gérer ses pouvoirs, et si ce sort l'avait malencontreusement touchée ?
L'attitude de Dumbledore l'avait définitivement déçu.
Tout comme ce déversement de bons sentiments à l'endroit des moldus, des cracmols et de toutes les autres races de créatures qui leurs étaient inférieures.
Pitoyable.
Dumbledore n'aurait finalement pas été digne de régner avec lui. Il aurait été incapable de mener leur mission à bout.
Mais dans ce cas, pourquoi cette inquiétude?
Tout d'abord, Dumbledore était puissant. L'un des plus grands mages qu'il ait jamais rencontré.
Mais Grindelwald possédait la Baguette de Sureau, la plus puissante jamais créée, et son perfectionnement en Magie Noire dépassait de loin celle de Dumbledore.
Ensuite, il avait derrière lui nombre de gouvernements qui voyaient d'un mauvais œil les agissements du blond...
Gellert haussa un sourcil.
Il n'avait rien à craindre de ces gouvernements. Il avait déjà gagné la quasi-totalité de l'Europe du Nord, et son armée était en mesure de faire front rapidement. De plus, son parti gagnait des fidèles de jour en jour.
Ce n'était donc pas un motif qui pourrait lui inspirer ce sentiment.
Gellert était légèrement décontenancé. Plus il avançait dans sa liste d'arguments, plus ceux-ci lui paraissaient futiles et faciles à réfuter...
D'où lui venait donc cette impression étrange à l'idée de la confrontation dans ce cas?
Cela restait un mystère à ses yeux.
Dumbledore restait un mystère.
Malgré les sensibleries dont l'auburn avait fait preuve, Grindelwald continuait de l'estimer. De le considérer comme... son égal. Et il y avait là quelque chose de terriblement frustrant.
Comment lui, Grindelwald, pouvait-il se considérer comme l'égal d'un homme qu'il venait à peine de qualifier de banal?
Il y avait donc un détail, une partie de la personnalité de Dumbledore que son inconscient avait pris en compte pour arriver à ce jugement, mais qu'il n'arrivait pas à définir consciemment.
Gellert se leva et s'avança dans la pièce, jouant avec sa baguette, réfléchissant à ce qu'il avait bien pu manquer.
Il ne pouvait rester sans réponse.
Il avait la nette sensation qu'une fois cette information en main, la situation deviendrait subitement plus claire.
Mais d'ici là, restait à trouver ce qui rendait Albus Dumbledore spécial.