« Je erre, lui avait-elle soufflé à l’oreille. Je me perds dans un bruyant chaos et meurs en marchant. J’ai parfois peur de disparaître tout à fait. Personne ne le verrait, personne ne le saurait. Dis-moi... Pourquoi ai-je mal?... J’ai si peur.»
Il la regardait pleurer dans ses bras. Son maquillage avait coulé en longues trainées sur ses joues. Il habillait son regard de lambeaux noirs, comme une douloureuse déchirure qu’aucun ne comprendrait jamais. Elle se vidait, doucement, en silence, laissant sa douleur suinter de ses yeux meurtris et rougis. Alaric la gardait dans ses bras, près de son corps, comme si cela pouvait la protéger de sa souffrance.
Il ouvrit un livre, et comme quand petit, un chagrin insoutenable le terrassait, il lut. Il lut pour elle, pour lui, à haute voix, doucement. Arrivé au bout de la page il lui dit : « Lulla, tourne la page s’il-te-plaît. » Elle sortit la tête de ses bras et effeuilla le livre. Caresse du papier sur ses doigts glacés, caresse des mots sur ses maux. Elle ferma les yeux et tourna la page. Il continua sa lecture. Elle avait cessé de pleurer et se laissait bercer par la voix d’Alaric. Elle apaisait sa propre voix, qui geignait dans son crâne. Une mélodie sur une autre, des paroles comme une ataraxie inventée. Lulla s’oubliait, elle fermait les yeux, se taisait. C’était fini.
« C’est fini. »
Alaric releva les yeux du livre, surpris. Elle avait parlé. Il se tut. Attendant la suite. Lulla le regardait et dans ses yeux, deux soleils éteints semblaient s’être réveillés. Elle prit ses mains et sourit.