Et le premier jour du mois d’Abathi, cent cycles après l’arrivée des derniers nés de Nunn, la trêve séculaire prend fin. Pour officialiser la reprise des combats, Nunn colore le soleil en rouge, prémonition du sang qui va de nouveau couler pour la plus grande gloire des Sept.
« La fin de la trêve séculaire »
extrait de La bible des servants dragons d’Abath-Khal
Le soleil de sang montait dans le ciel. Enfin, après cent années d’attente interminable, Gal l’oniromancien arrivait dans l’instant qu’Abath-Khal, le dieu de la guerre lui envoyait en songe. Une nouvelle page des guerres lemniscates s’ouvrait. Ses rêves se faisaient plus présents chaque nuit et le colonel pourpre souffrait de son mauvais sommeil. Pour lui, la réalité semblait altérée et il doutait de sa perception et même de ses actions. Il luttait chaque jour un peu plus durement pour accomplir la volonté du maître.
Heureusement, il avait convaincu le roi Orokko de la nécessité de reprendre la passe des montagnes noires. La cité des sept chemins nichait au cœur de la vallée. Le nom de la ville provenait de sa situation géographique. Ce corridor se situait à la croisée des mondes. Encastré entre les montagnes orcs, il reliait l’empire elfe à au territoire dryade de la baie d’Anulune en passant par la vallée de la Pyrbe contrôlée par les gnomes. Au bord de la route, au Nord-Ouest, un monolithe géant indiquait l’une des sept grandes entrées de l’inframonde. La forêt satyre de Connacht, au Sud-Est et les marais des fées libellules au Sud s’orientaient également depuis toujours ce carrefour des sept bannières. Celui qui contrôlait ce territoire contrôlait le bouclier-monde. C’était pourquoi Abath-Khal, le dieu de la guerre désirait plus que tout refermer l’Orcania. Elle formerait ainsi la couronne officialisant le retour de l’hégémonie du dieu de la guerre.
Aucune muraille ne défendait la cité des sept chemins, pourtant cette place se révélait difficile à prendre. Les elfes avaient bâti de part et d’autre du couloir stratégique une ceinture de forteresses qui s’hérissaient à flanc de montagne. En cette matinée, alors que le soleil de sang commençait son périple, les ombres cyclopéennes des tours s’étalaient dans la vallée et léchaient les faubourgs de la ville carrefour.
Sur les lignes de crêtes, la horde contemplait sa proie. Prudemment, Gal cachait toujours la réalité de ses forces. Il taisait son arsenal d’armes en acier forgées par la plus fameuse famille naine.Les semi-orcs restaient cachés et gardaient Udgog sous les ordres de Broar. C’était également le cas des mercenaires des peuples alliés et de la moitié des bons soldats du village. Le colonel pourpre connaissait déjà le déroulement du combat. Le maître le lui avait révélé en songes. Aujourd’hui serait le jour du basculement pour l’Orcania. Des cris montèrent progressivement des troupes impatientes d’en découdre. Gal échangea un regard complice avec Borg avant d’entrechoquer son épée avec la lame de Vlad. Le plan d’attaque était basique. Les soldats devaient charger la ville, la piller et l’occuper pour obliger les troupes des fortins à sortir. Une fois à terrain découvert, la supériorité du nombre devrait faire la différence.
Sur la crête de la montagne d’en face, le roi Orokko souffla dans la trompe de guerre pour annoncer la charge. La horde déferla dans un désordre assourdissant. Des escadrons de harpies survolèrent les tours de défenses et larguèrent dessus des cruches de feu grégeois. Rapidement, le feu se propagea dans les bâtiments militaires ciblés. Les guerriers s’engouffrèrent dans la brèche percée dans la ceinture défensive. Feu, sang et mort se répandirent rapidement dans la cité des sept chemins. Le porte-étendard hissa le pavillon au croissant de lune. L’Orcania avait pris la place en un temps record. Déjà, les trolls abattaient les maisons de la lisière pour créer une muraille de fortune.
Décontenancés par cette attaque éclair, le commandement elfe tenta de reprendre le contrôle du champ de bataille. Les soldats humains des fortins se réunirent en bataillons. Devant leur masse innombrable, Gal douta. Les seules légions de derniers nés de Nunn présentes ici représentaient quasiment la population totale de l’Orcania ! Le colonel pourpre connaissait la fertilité galopante de ces sous-créatures. Couper une tête et il en repousserait deux ! Quelle grande nation pourrait ne pas plier face à cette source intarissable de troupes ? D’ailleurs, les dirigeant elfes ne s’y trompaient pas. Ils engagèrent sans retenue toutes leurs forces dans la bataille en ordonnant la charge en deux points opposés de la cité. Les elfes restaient en retrait et lançaient une pluie de flèches pour protéger la progression des derniers nés de Nunn. L’attaque s’effectuait dans un désordre barbare. Un orc valant dix homes en termes de puissance, les guerriers d’Orokko commencèrent à exterminer méthodiquement les assaillants. Les masses couronnées d’obsidiennes fracassaient les chétifs boucliers de bois et les crânes cachés sus des casques devenus de futiles protections.
Parallèlement à cet assaut, les harpies s’emparèrent des tours désertées et une deuxième vague de soldats orcs descendit des montagnes pour encercler les troupes. La cavalerie, montée sur des chevaux-tonnerre donna la charge aux archers elfes dans le vacarme assourdissant du galop des montures qui résonnait comme un tonnerre. L’intensité du combat, que toute l’Orcania attendait depuis cent ans, atteignait son paroxysme. Gal décida que l’instant était propice. Il fit tournoyer son épée au-dessus de sa tête. Borg ramassa une flèche elfe qui trempa dans du poison. Il décocha son trait qui se ficha dans l’œil du roi Orokko. Le colonel pourpre et son fidèle lieutenant, Vlad le colosse, scrutèrent les environ à la recherche d’un témoin malencontreux. A priori, le plan avait réussi sans un accroc. Personne ne se manifesta et bientôt, au commandement du prince héritier Yashan, la garde royale qui entourait son souverain se mit en émoi. Tous ces soldats expérimentés rompirent les rangs pour assouvir leur soif de vengeance en massacrant les derniers survivants qui tentaient de fuir. La victoire fut totale. Contrairement aux doutes de Gal, pas un ennemi ne survécut. Les seules pertes conséquentes se comptaient parmi les héritiers de premier rang, ces sales pleutres incompétents bouffis de luxure. En comptant Yashan, six demeuraient en vie.
Les soldats arrachèrent les cœurs pour le grand partage de la victoire. Pour les servants-dragon, manger cet organe permettait de s’approprier la force du guerrier. Seul le corps Orokko fut épargné. On déposa la dépouille sur un brancard dans l’optique de le mener à Ladin. Autour du catafalque de fortune, les géniteurs de premier et de second rang se réunirent. Gal profita du rassemblement pour affirmer sa proximité avec le prince héritier.
« Rrrr ! Tu t’es bien battu Yashan ! Tu as fait des progrès stupéfiants depuis notre dernière rencontre mon prince ! Rrrr ! Et tu as commandé la garde royale comme un vrai chef de guerre ! »
« Hardi ! C’est grâce à toi mon frère ! L’instruction prodiguée par tes meilleurs lieutenants ont porté leurs fruits ! Moult me tarde ! Ton idée de réaliser des raids était bonne aussi. Elle m’a permis de m’exercer au commandement et a créé un esprit de corps dans la garde royale ! »
Les autres orcs rouges réunis autour du cadavre d’Orokko observèrent cet échange avec intérêt. Il existait une incertitude sur le commandement. Certes, le roi avait désigné le prince Yashan comme héritier, mais il devait défendre ce titre au terme d’un tournoi où il affronterait le plus méritant des autres prétendants. Gal, par sa réputation et sa prestation sur le champ de bataille pouvait être celui-là. Tout le monde craignait le colonel pourpre. Il était riche, il était puissant, ses troupes de mercenaires alliés étaient innombrables. Seuls les inconscients seraient assez fous pour le défier frontalement. Maintenant il exhibait sa proximité avec l’héritier désigné et démontrait que celui-ci bénéficiait du soutien de la garde royale. Les deux compères imposaient sans réellement le dire les bases d’une coalition à même de diriger la destinée de l’Orcania. De toute façon, organiser une succession actuellement paraissait compliquée. Les elfes allaient réagir et organiser une riposte. Fallait-il occuper la place ou bien se retirer dans les montagnes ? L’urgence imposait de décider d’un plan de bataille et du commandement des troupes. Gal profita de son statut d’oniromancien pour exposer sa vision.
« Rrrr ! Depuis toujours, dans les songes qu’il m’envoie, Abath-Khal prévoyait la mort d’Orokko ! Rrrr ! »
« Alors pourquoi n’as-tu rien dit à notre roi ? Il aurait pu éviter ce destin tragique ! » demanda insidieusement Etzril, le grand commandeur de l’ordre des servants-dragon de Ladin.
Gal rugit comme un jaguar. Puis comme un jaguar, il s’approcha de sa proie. Il posa son front contre celui de l’impudent et lui feula son mécontentement tandis que les autres s’écartaient.
« Rrrr ! Pour qui te prends-tu Etzril ? Rrrr ! Depuis quand un moinillon tutoie-t-il un chef de guerre ? Rrrr ! Orokko est mort car tel était la volonté du dieu de la guerre ! Il veut reformer la couronne de l’Orcania ! Rrrr ! Nous devons défendre les Sept Chemins pour contrôler le bouclier-monde ! »
« Dans tes rêves, vois-tu qui doit monter sur le trône ? » renchérit le téméraire prêtre avec néanmoins la gorge nouée. « Ce ne serait pas toi par pure coïncidence ?!!! »
« Rrrr ! Pour l’instant, je ne vois pas plus loin que la fin du conflit ! Rrrr ! Le tournoi de succession désignera le nouveau roi de l’Orcania ! »
« Ce qui est bien pratique de n’avoir que des messages flous ! Ne trouvez-vous pas, vous tous ? » claironna Etzril en faisant volte-face, autant pour prendre à partie l’assistance que pour échapper au défi physique imposé par le colonel pourpre.
Gal poussa le grand commandeur de l’ordre des servants-dragon dans le dos. Celui-ci tomba ventre à terre. L’impitoyable colonel pourpre écrasa de son pied le visage de l’irraisonné. Les membres du clergé des servants-dragon avancèrent d’un pas, comme pour défendre leur guide suprême. Les chefs de guerres et la garde royale portèrent la main au fourreau.
« Rrrr ! Tu oserais remettre en cause la prophétie envoyée par Abath-Khal lui-même, grand commandeur ? Rrrr ! Le maître lui-même m’a désigné comme seul oniromancien de l’Orcania lors de sa dernière venue ! Contente-toi de servir dignement le dieu de la guerre plutôt que de te mêler de choses qui te dépassent ! Rrrr ! Le commandement de la guerre n’est pas ton affaire, moinillon ! »
Des grognements de fauves montèrent des l’assemblée. La tension entre les protagonistes ne demandait qu’à exploser. Sagement, dans un ultime effort de self-control, Gal saisit Etzril par le col et le redressa. Il rajusta les habits du prêtre qui baissait les oreilles en signe de soumission. Les velléités belliqueuses de l’assistance baissèrent d’un cran. Le colonel pourpre désamorça complètement la situation.
« Rrrr ! Le temps n’est pas à la dissension ! Nous devons préparer la défense des territoires conquis ! »
« Hardi ! Voilà qui est parlé, Gal, mon frère d’armes ! Abath-Khal t’a-t-il communiqué la stratégie, oniromancien ? »
« Rrrr ! Non Yashan ! Mais tout bon chef de guerre sait ce qu’il faut faire ! Rrrr ! Il faut mobiliser une armée dans la cité des Sept Chemins, assigner une garnison à chaque forteresse et masser le gros de la horde sur les deux lignes de crête ! »
« Moult me tarde ! Quelqu’un voit-il une autre stratégie possible ? »
Personne ne s’opposa aux vues du colonel pourpre. Au contraire, plusieurs guerriers de renoms saluèrent la clairvoyance de celui-ci. Naturellement, on confia le cor de guerre d’Orokko et le commandement de la horde des crêtes à Yashan. Le prince héritier semblait le seul des six géniteurs de premier rang apte à assumer une telle charge, assisté de la garde royale. On assigna à chacun des cinq autres un quartier de la cité des sept chemins. Pour contrecarrer leur manque d’expérience, ils furent affublés de deux des meilleurs généraux de l’Orcania et géniteurs de second rang. Enfin, les chefs de guerre restant eurent chacun la charge d’un fortin de la ligne défensive construite par les elfes. Curieusement, alors que chaque leader se disputaient toujours les meilleures places fortes, Gal accepta de bon cœur de prendre ses quartiers dans un bâtiment à l’écart. Avec entrain, il montra l’exemple à suivre, ordonnant des travaux de réfection et préparant l’assaut inévitable en rentrant des vivres.
Est-ce que tous les peuples s'y attendaient ? Autant Epiphone, oui, mais ni Ugmar ni Nomrad. Pourtant ils devraient compter les jours non ?
Content que ta dédicace se soit bien passée.
Désolé. En ce moment, je suis un peu la tête dans le guidon parce que je suis admissible à l'oral d'ITPE. Donc je suis focus là-dessus et je délaisse tout le reste. Dans quinze jours je devrais retrouver une vie plus normale.
Tu penses que je devrais plus insister sur l'arrivée de la fin de la trêve? Il y a les élections qui les annoncent bien pourtant. Et le titre du chapitre est assez évocateur.
Attention, à partir de là, tout va s'accélérer.
Je n'avais pas du tout venir les guerres lemniscates. Les peuples ne devraient-ils pas mieux se préparer à la guerre ?
Il y a un truc que je ne comprends pas bien, c'est l'importance des alliances et quelles sont les stratégies de chacun. Les enjeux ne sont pas assez répétés. Est-ce que certains vont s'allier puis se trahir ? D'autres envisagent-ils de gagner ensemble ? Ou d'y aller par pallier ? Car à la fin, il ne doit rester qu'un peuple, n'est-ce pas ?