Révélation

Par Keina

“ Voici le lieu du monde où tout rentre et se tait. ”

Charles Péguy

 

Élévation.

Dans l’air feutré de l’église se déversait une douce mélodie aux accents veloutés. La petite fille ferma les yeux et laissa la musique parcourir son âme. Elle était jolie, cette petite fille. Un peu sotte, un peu simplette, répétaient sans cesse ses quatre frères, mais elle s’en moquait – se moquait de bien des choses. Seule sur ce navire qui la berçait et l’emportait là-haut, si haut par-delà l’univers, dans son univers à elle, seule, elle se moquait des hommes et des femmes et des filles comme elle, là-haut dans le sein de Marie...

Comment aurait-elle pu imaginer cela auparavant ? La mélodie s’amplifia, se ramifia comme un écheveau que l’on file, dévidant sa mesure le long du transept, à travers la nef, jusqu’aux vitraux dont l’éclat chatoyait dans l’ombre.

La petite fille était venue ici sans but, sans dessein. Elle était arrivée, essoufflée par la longue course qu’elle avait dû accomplir pour échapper à la dureté de ses frères, les yeux rougis par les larmes et le froid, sur cette grande place grise au cœur de la ville ; et s’était trouvée devant l’église.

Consolation...

Elle avait hésité néanmoins – oh ! pas longtemps ! – sur les marches du parvis, petite fille de rien du tout face au géant de pierre, noyée par le vide austère de la nef qui se devinait derrière le porche ; puis elle avait compris – conscience de Dieu ? – , le géant s’était mué en fée, le vide s’était empli d’une présence divine. Elle avait compris, et sa vie désormais ne serait plus la même. Son cœur gonflé d’amour déversait son trop-plein le long de ses joues. Elle pleurait – mais c’étaient des larmes de joie.

Elle portait Dieu en son cœur.

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Vylma
Posté le 23/01/2020
Un très joli texte ; encore une fois avec de belles images et métaphores. On visualise très bien la scène.
Par ailleurs, le contexte de l'écriture que tu indique en description de l'histoire est vraiment très mignon <3
Keina
Posté le 25/01/2020
Je te remercie Vylma ! Oui, c'est un contexte particulier. :) Je n'écris pas du "mystique" d'ordinaire, là c'était vraiment exceptionnel. ^^
Seja Administratrice
Posté le 22/04/2009
Je n'avais eu l'occasion de te lire ailleurs que dans (une Silfine) et j'ai été charmée par ces petits textes. C'est simple, mais chaque mot est à sa place. On sent que c'est écrit avec le coeur. Le premier texte m'a peut-être moins parlé que le second, j'ai toujours été assez éloignée de la religion, sûrement l'enfance dans un pays qui la prohibait qui veut ça. Le second en revanche m'a mis des étoiles plein les yeux. Les vieilles pierres, le temps qui passe, cette pointe de folklore... Et puis la rythmique qui m'a davantage fait penser à un poème.
Keina
Posté le 22/04/2009
Argh, encore une review vieille comme Mathusalem à laquelle j'ai oublié de répondre... Ben merci en tout cas ! Les deux textes ont été conçus comme des poèmes en prose, mais c'est vrai que le second reprend plus les codes de la poésie. Le premier vient effectivement plus de mon éducation religieuse... Mais il exprime aussi le ressenti tout à fait païen que j'ai quand je rentre dans une église. L'impression de grandeur et de paix... Impression que me donne aussi les phares, d'ailleurs, comme quoi les thématiques de l'un et de l'autre ne sont pas si éloignés que ça... ^^
Sunny
Posté le 17/04/2009
Je suis profondément touchée par ce texte. Il rejoint très exactement ce que je ressens face aux vieilles églises. (Dieu mis à part, parce que j'ai beau être baptisée et tout et tout, je n'ai jamais réussi à croire vraiment en Dieu... à part une période peu glorieuse et assez comique aux alentours de mes dix ans, mais, bref, je sens que je m'éloigne du sujet xD) Enfin, pour conclure, je dirais que c'est un joli petit bijou. =)<br />
Keina
Posté le 17/04/2009
Ah, enfin une personne qui est touchée par ce que j'ai voulu transmettre dans ce texte ! ^^ J'ai moi-même un rapport très conflictuel avec la religion de mes grands-parents (et pourtant j'ai été élevée dedans aussi), mais j'ai toujours été fascinée par les églises, et en général par les édifices religieux quels qu'ils soient. En écrivant ce texte je me souviens aussi avoir pensé à une anecdote qu'on m'avait apprise en fac : l'écrivain Paul Claudel s'est converti au catholicisme après être passé à côté d'une cathédrale un soir de Noël, en rentrant d'une fête. Il a entendu les chants, intrigué, est entré et a été littéralement touché par le divin à l'intérieur de cet immense édifice qui répercutait les voix des chanteurs... Bref, je m'en suis inspirée pour ce texte. :)
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