Jeanine pris soin de lui livrer sa vision de la vie de Sally.
Elle lui expliqua qu’elle était arrivée il y avait 5 ans de cela. étudiante médiocre mais douée de talent artistique, elle n’en n’avait pas eu suffisamment aux yeux du système pour se faire connaître et vivre de ses créations.
Timide de prime abord, elle prenait rapidement ses marques avec ses interlocuteurs. Franche et spontanée, elle détestait rarement les gens et se remettait éternellement en question. Poussée par un positivisme étrange, elle arrivait à transmettre son énergie aux gens qui l’entouraient.
C’est d’ailleurs lors de la disparition de M. Ledoux, que Jeanine et Sally avait appris à se connaître et à se construire une solide amitié.
Issue d’une famille modeste, elle avait appris le goût du labeur et cherchait constamment à se stimuler par de nouvelles connaissances. Après les arts, elle avait choisi de s’orienter vers les langues.
Sous sa mine antipathique, M. Lockheart était un gentilhomme tout ce qu’il y avait de plus honnête. Ni riche, ni pauvre, il travaillait honnêtement en tant que procureur.
Malgré la mauvaise image de M. Lockheart, Sally avait souhaité faire sa connaissance. Son air guindé, hautain et dédaigneux avait réussi à repousser la plupart des gens. Il faut dire que sa taille immense ne l’aidait en rien à rassurer les gens.
Sally était la seule personne à avoir réussi à lui délier la langue. Du moins en théorie. Car M. Lockheart ne faisait pas de démonstration publique de cette expression de faveur.
Ainsi, ils s’étaient liés d’amitié avant de nourrir une romance.
Un miracle, selon Jeanine. Car M. Lockheart ne la méritait vraiment pas.
Bien entendu, Sally refusait mordicus de vivre aux crochets de qui que ce soit, à fortiori de son mari. C’est pourquoi, en quittant sa famille, elle était devenue une femme de chambre indépendante.
Elle aidait à remonter le moral des patients de l'hôpital à ses heures perdues sous le regard désapprobateur mais néanmoins bienveillant de son mari.
Au fond d’elle-même, elle rêvait toujours de prendre son envol pour des activités plus créatives… mais la chance ne lui avait jamais souri jusque là.
Pour le reste, elle profitait de la vie simplement.
Lucy était née de leur union un an plus tard.
Jeanine interrompit son récit pour aller rendre visite à un autre patient qui réclamait des soins. Sally lui indiqua qu’elle ferait, en attendant, quelques pas jusqu'à la chambre de Lucy.
Elle veilla à son chevet silencieusement.
Un mouvement dans la pièce attira son regard : il s’agissait de son propre reflet dans une glace disposée sur la porte d’une armoire en bois.
Elle s’approcha du miroir et s’observa stupéfaite. Son visage enlaidi par les brûlures ne méritait pas que l’on s’attarde dessus. Mais Sally fit face à son reflet sans ciller. Elle se regarda longuement en essayant de se rappeler qui elle était. Mais elle reconnaissait à peine le visage qui figurait sur la première page du journal.
Elle était absorbée par son image lorsqu’une brume bleue fit son apparition depuis la fenêtre. Au cœur de cette brume, il y avait un petit courant qui ne cessait de bouger et qui gravitait autour d’un cristal revêtant la forme d’un flocon. Stupéfiée, Sally observa ce nuage qui semblait se mouvoir comme un être vivant.
La silhouette semblait danser de joie, comme un petit animal et lui lécha sa joue brûlée. Il lui semblait aller un peu mieux. Le "renardeau" repris son chemin et s’insinua dans les blessures de Lucy sans qu’elle y puisse faire quoique ce soit. Et celle-ci s’anima sous ses yeux.
Surprise, mais sans crainte, Sally se surpris à recouvrir une sensation de déjà-vu.
La brume qui habitait Lucy émit un petit couïnement plaintif avant de s’échapper à nouveau de son corps. Elle n'avait pas l'air de supporter la douleur des brûlures. Alors, elle se logea autour de son cou pour prendre un peu de repos.
Cette sensation lui était familière. Si sa mémoire lui faisait défaut, Sally reconnaissait instinctivement la créature comme étant un être cher. Elle carressa tendrement la Brume.Jeannine fit joyeusement irruption dans la pièce et le temps que chemine une idée dans son esprit, elle se mit à prendre en chasse la Brume qui s’échappa par l’endroit d’où elle était venue.
“Sally ! Vous êtes folle ? Que faisiez-vous avec ce nuage malicieux ?”
“Comment ça malicieux ? Je ne comprends pas… Il m’a semblé innofensif, au contraire !”
“Ne vous fiez pas aux apparences, cette chose est l’œuvre du mal ! J’espère qu’elle n’a pas attiré le malheur sur vous…”.Sally ne dit plus rien. Elle était furieuse d’avoir été interrompue dans ses “retrouvailles”, mais garda ses pensées pour elle. Cette "créature" s’était également enfuie lorsque Jeanine est arrivée la première fois. Devait-elle réellement lui faire confiance ?