Samedi 03 Octobre 1818 - Lilting Banshee

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Musique de référence : https://www.youtube.com/watch?v=whLJXvD5pIw

L’Irlande est vraiment le plus beau pays du monde. Dieu, faites que je puisse en profiter le plus longuement possible… Je n’ai jamais eu aussi peur pour ma vie qu’en cet instant précis. Jusque là, j’ai voyagé imprudemment, comme si la mort ne pouvait pas m’attendre au tournant. Et maintenant ? Que vais-je faire ? Je crois qu’il va me falloir un peu de temps avant de pouvoir écrire ce qui m’est arrivé. Et d’un bon remontant.

 

 

Enfin, si je meurs, je pourrais dire que Killarney est l’une des plus belles villes du plus beau pays du monde ! Ici on vit proche de la terre et même la bière sent la vase. Qu’est-ce que ça fait du bien de voir à nouveau des vrais êtres humains qui sont aussi ignorant et ivre que moi ! Je n’en pouvais plus de rester à sec. A bas l’eau des lacs et que vive le whisky d’Irlande !

 

Samedi 03 Octobre 1818 – Lilting Banshee

 

Bon, il va bien falloir que j’écrive l’histoire qui m’est arrivée l’autre jour. Après tout un dieu légendaire m’a fait don d’un livre infini, il va bien falloir que je l’use… Avec un peu de chance, j’arriverai à arriver au bout avant la fin de ma vie et je pourrais sauver mon âme ainsi. Par pitié, Dieu, faites moi vivre assez longtemps que je puisse user le maléfice, je promet sola… solennement que je suis un honnête homme et que les Fées s’amusent de moi seulement par malchance ! Je dois avoir une tête qui ne leur revient pas. Ma parole, j’en attire plus que femmes. J’ai besoin d’un peu plus de paix et de tranquilité…

 

Vais-je réussir à l’écrire, cette rencontre ? Je pense que le dieu, là, il a raté son tour de magie, les pages se dédouble alors même que j’écris. Soyez moins pressées de vous faire écrire, vous donc ! J’ai une histoire à raconter avant ma mort. Et elle risque d’être plus tôt que prévue, sauf si les banshees elles-mêmes ont décidé de se moquer de moi.

 

Allez, je commence. Je vais y arriver. Après avoir… rencontré ? Ce fameux Dieu de l’eau qui m’a sorti de la mouise, j’ai continué à marché autour des rives du lac. Ca manquait de chemin balisé, et je ne savais pas où m’avait posé ce foutu Lir ! Après plusieurs jours à coller la rive et manger du poisson, j’ai aperçu à l’horizon un château. Pauvre de moi, je croyais qu’il allait seulement m’indiquer la route jusqu’à Killarney… Si j’avais su, je ne me serais pas tant pressé. Avant de le voir, comme la nuit tombait, je pensais simplement m’arrêter là pour la journée, mais j’étais si heureux de découvrir enfin une construction humaine qui ne soit pas cette maudite ruine d’Innisfallen ! J’en ai même courru, quand j’y pense, j’ai courru pour ça !

 

La nuit était tombée quand je me suis trouvé enfin au pied de cet immense château médiéval. On m’a dit plus tard que c’était le château de Ross, qui avait appartenu pendant longtemps au clan O’Donoghe, comme l’autre espece de fantôme qui naviguait sur le lac avec son foutu canasson il y a quelques semaines. Quand je pense que tout ça ne me serait jamais arrivé si j’avais pas été aussi idiot pour monter sur une créature fantastique, je suis hors de moi, contre moi-même ! Je dis que les Voisins se moquent de moi, mais je creuse ma propre tombe et en plus j’en redemande.

 

Mais, voilà, le château. Je suis pas historien, mais sans être une autre ruine, il avait l’air sacrément vieux. Au pub, on m’a expliqué qu’il avait été réputé imprenable, et qu’il avait donné du fil a retordre au maudit Cromwell pendant la guerre de 11 ans. Seulement, une prophétie disait que le château tomberait s’il était pris par le lac, et quand les anglais tentèrent de cette manière, la garnison entière s’est rendue sans même essayer de combattre. Tu parles du prestige irlandais ! Faut croire que la passion des fées et des prophécies est de nous faire mourir dans l’humiliation.

 

Ah aussi, des gars du pub m’ont raconté une autre histoire sur O’Donoghue. Pas de fille ni de puit enchanté, non ! Mais un seigneur ivre qui serait tombé de sa chambre directement dans le lac avec son cheval, sa table et sa bibliothèque et que la mort elle-même a trouvé ça tellement ridicule qu’elle n’a pas pris la peine d’aller le pêcher au fond du lac. Il y aurait fondé un palais, depuis. Grand-père aussi devait aimer se moquer de moi…

 

Mais le château de Ross ! Grand dieu, rien que de l’écrire… Un vieux château comme ça, je me doutais bien qu’il serait inhabité. Et à cette heure, je ne pensais encore moins croiser qui que ce soit. Pourtant, j’y ai vu une lueur. Comme flottante au-dessus de ma tête, comme si elle se baladait sur les remparts. Idiot que je suis, j’ai voulu aller voir de plus près et… Le temps que je comprenne, il était trop tard, elle avait commencé à chanter.

 

Pourtant, dès que j’ai pu discerner sa sillhouette, je l’ai de suite reconnue. Une grande robe de noble d’époque, et le visage d’une paleure si prononcée qu’elle était la lueur qu’il m’avait semblé voir. Ses cheveux raides et plus long qu’elle couvrait ses mains alors qu’elle avançait lentement. Elle respirait la torpeur et pourtant son chant semblait vif et joyeux. Une mélodie entêtante que je pourrais facilement retranscrire, et qui m’aurait incité à payer une tournée si je l’avais entendue dans un pub. Mais on était dehors, de nuit, proche d’une ruine et près d’un lac, et le chant de la Banshee annonce la mort à celui qui l’entend.

 

Mon grand-père m’a souvent mis en garde du chant de cette créature. Il nous disait souvent qu’elle était la plus terrifiante des créatures de l’Autre Monde. Elle annonçait un destin ineluctable, une fin absolue. Et plus j’entendais son chant, plus il me semblait mélancolique et surtout… inquiétant. En réalisant, j’ai senti mes jambes me lacher sur le chemin, et je crus vraiment que c’était fini de moi. Mais le temps que j’écrive quelques lignes, et la mélodie s’était arrêtée. Une chouette effraie passa devant moi, et même en plissant les yeux, il n’y avait plus moyen de voir une quelconque lueur, et encore moins une femme, se promenant sur le rempart.

 

Depuis, l’angoisse me tord le ventre plus que l’alcool que je m’injecte pour vivre. Je vis chaque jour comme si c’était le dernier, et je crains de fermer l’œil de peur que je ne puisse plus jamais les ouvrir. Je suis jeune et en bonne santé… Pourquoi fallait-il qu’une banshee chante ma mort ? Ca me parait tellement injuste. Je voulais voir tant du monde, de l’Irlande. Je ne veux pas mourir. Dieu, ayez pitié !

 

Je vais me resservir un verre. Si seulement je pouvais oublier son chant, si seulement son visage macabre pouvait s’effacer de ma mémoire…

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