Samedi 07 Février 1801 - Give me your hand

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Musique de référence :
https://www.youtube.com/watch?v=tfjYda24kvg

Enfin ! Enfin, le soleil sort du ciel pour éclairer cette bonne vieille Irlande. Et dans cet hôpital, où les cris accompagnent la musique et les airs enjoués, il me semble le voir comme pour la première fois.

 

C’est un garçon, que ça crie. Il s’appellera Pádraig, murmure la mère. Il jouera du violon, assure le père. Des toutes petites mains, comme ça, déjà roses et crispées et qui cherchent le sein, on pense déjà à les mettre sur le manche d’un fiddle. Et il braille ! J’aurais été tavernier, je l’aurais mis dehors en le pensant déjà soulard. Dans la famille, il y en a qui ont sorti les Uilleann pipes pour lui faire concurrence, comme si ses cris étaient déjà un chant à boire. En voyant la tête de la maman, en sueur et en larmes, on sent que ça ne lui convient guère. Je réalise que l’accouchement a du être bien difficile, car elle ne les a pas encore foutu dehors. Je la connais bien, ma fille ; je leur donne cinq minutes avant que tout ce beau monde soit viré à coup de pied. C’est une lionne, ma fille.

 

Quel dommage que ce petit bout doit porter le nom de son imbécile de père ! Ce n’est déjà plus son bébé qu’il regarde, mais un futur fantasmé. Il l’imagine déjà député, poète, musicien, révolutionnaire… Alors qu’on la connaît la famille. Ce petit a bien plus de chance de devenir un bon a rien alcoolique comme tous les autres de la ville. Ah ça non, même si elle n’a pu garder mon nom, je ne regrette pas d’avoir eu une fille. On peut en être certain, elles ne finissent pas aussi mal que nous autres.

 

Pádraig Orson. Paddy Orson. Un si grand nom, à porter sous l’Union Jack, pour un si petit bonhomme… A croire que cet idiot de gendre veut le voir en martyr, en plus de tout le reste. Quelle triste époque, pour naître sur notre vieille Irlande. Malgré les rires, la musique et la joie qui entoure cette naissance, malgré toutes ces pitreries et plaisanteries… Comment avoir de l’espoir ? Comment être, dans ce pays où on ne peut qu’être, sans avoir ? Alors que nos richesses sont spoliées, nos emplois retirés…

 

Mais ma Lily, elle a réponse à tout. Elle me dit d’arrêter d’écrire et de le regarder dans les yeux. Elle me dit de poser le stylo, d’oublier de réfléchir, et que la réponse se trouve en lui. Elle m’a dit que l’on pouvait voir dans ses yeux la frontière de l’Autre Monde, et sur ses joues rouge le baiser des Voisines. Je vais donc essayer…

 

Dieu sait qu’il faut toujours écouter les femmes. Ils n’étaient pas si idiots que ça, les autres avec leurs uilleann pipes. Quand on le regarde brailler, celui-là, on entend des choses. Dans ses yeux, on voit le bleu des mers d’Irlande. J’ai touché sa main, et… Pardon ma fille, mais j’ai repris le stylo. Mais cette fois-ci, j’ai l’inspiration.

 

A mon petit-fils, Pádraig Orson. Je n’écrirais pas plus dans ce cahier, je t’en ferai le cadeau quand l’heure viendra. Mais dans le temps qu’il me reste, je souhaite t’écrire ce que j’ai entendu de toi ce jour-là. En espérant que bientôt, ces pages seront remplies de tout ce que tu auras à offrir. Ta mère a raison, il y a du avoir une petite fée invisible qui a posée sa main sur son ventre et qui t’a offert un don. Je pense que tu auras la possibilité de voir ce que nous autres avons perdus, oublié dans nos rues crasses. Et que ces pages vides te seront bien plus utiles qu’à moi !

 

 

Just give me your hand and come along with me

Just give me Will you give me your hand and the world it can see

That we can be free in peace and harmony

From the north to the south, from the east to the west

Every mountain, every valley, every bush and bird's nest

 

Will you give me your hand? Is tabhair dom do lámh

Just give your hand and I'll walk with you

Through the streets of our land, through the mountains so grand

Just gi If you give me your hand

 

By day and night throughout struggle and strife

I'm beside you to guide you forever my love

For god love's not for one but for both of us to share

For this country so fair, for our world and what's there

 

 

Tim Finnegan. 

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Le Perce Val
Posté le 16/07/2025
Hello!
Déjà je me suis fait happer par le titre, je trouve que ça annonce déjà un.certain ton « je vais vous raconter une histoire qui vaut la peine ».
La voix du grand père est géniale, entre affection et ironie douce. On sent aussi la défiance envers les « méchants » britanniques, sans en faire trop.
L’idée d’une transmission de cahiers vaut vraiment la peine, je trouve. Les années où tu as situé ton histoire nous promettent de nombreuses péripéties…
Et un dernier truc: la chanson corrigée, soulignée, travaillée ça apporte vraiment beaucoup, on comprends presque intimement le personnage, ses hésitations, ses choix… Bref ça représente parfaitement le boulot d’écriture!
J’ai un peu buté sur la phrase: « Comment être, dans ce pays où… » et j’ai compris après être repassé trois fois. Elle est très belle mais peut-être qu’elle mérite d’être un peu éclaircie syntaxiquement, pour qu’on la saisisse plus facilement (juste une suggestion comme ça)
Sinon c’est franchement un super texte! Je recommanderais chaudement!
Hâte de lire la suite!
Pouiny
Posté le 17/07/2025
Bonjour ! Merci beaucoup pour ce retour détaillé, ça va beaucoup m'aider pour la suite ! Pour l'instant je suis en phase d'écriture "premier jet" donc a la relecture je suis d'accord que la phrase est pas très évidente. Une fois que j'aurais fini la fin de mon "arc", je vais passer en phase de réécriture ou je vais corriger toutes les formulations hasardeuses, les fautes d'orthographes, etc.

Je suis vraiment content que cette idée de "ratures" fonctionne ! Je n'ai malheureusement pas eu le talent nécessaire de le faire sur l'instant pour les chapitres suivant, parce que n'étant pas complètement bilingue anglais c'est pas un exercice facile. Mais ça va m'encourager à travailler là dessus en réécriture !

D'ailleurs c'est justement pour me permettre énormément de Samedis, tout en ayant des archives plutôt faciles d'accès, que j'ai choisi le 19e siècle pour Paddy Orson. J'espère que la suite te plaira et merci encore pour le commentaire ! :)
Neptoposide
Posté le 15/07/2025
Très fort, plein de personnalité, d’humour et de tendresse mordante. Le ton est caustique, drôle, attachant, avec ce mélange typiquement irlandais de tendresse et de lucidité rugueuse. On sent que le narrateur a de la bouteille — sans mauvais jeu de mots — et qu’il parle avec un mélange d’amour et de fatalisme envers sa famille et son pays. C’est extrêmement vivant. Le texte commence joyeusement, puis glisse vers une ironie douce-amère. Le père fantasme déjà un destin glorieux pour son fils, alors que le narrateur tempère avec une lucidité résignée : « on la connaît, la famille ». Cette nuance entre espérance et lucidité est très réussie.
Pouiny
Posté le 15/07/2025
Merci beaucoup ! Je suis vraiment heureux de lire ton commentaire et me dire que ce que j'avais envie de véhiculer avec Paddy Orson fonctionne. J'espère que le reste te plaira tout autant si tu souhaites t'y aventurer !
Dédé
Posté le 16/04/2025
Depuis quelques temps, Paddy Orson me faisait de l'œil et me voilà !

J'aime énormément ce point de départ. La grand-mère qui lui donne ses carnets pour qu'il raconte son histoire. Cette transmission, je l'ai trouvée touchante.

Ce que j'ai adoré aussi, c'est écouter la musique qui t'a inspiré ce morceau d'histoire. J'étais vraiment dans une ambiance irlandaise et j'ai adoré ce double voyage : par la musique, et par la présentation de l'univers de ton histoire.

J'ai hâte d'en savoir plus sur ce Paddy Orson (et l'obsession pour les samedi ? xD) ! Est-ce qu'on se focalise sur le samedi car c'est son jour de naissance ? Est-ce qu'il y a une autre raison ? Pas de raison du tout ?

J'ai bon espoir que la vie de Paddy va valoir le coup. C'est pour cela que tu me reverras très bientôt, Pouiny !
Pouiny
Posté le 16/04/2025
Merci beaucoup le retour aussi détaillé me touche énormément ! ❤️ Bon c'est un grand père et pas une grand mère mais c'est pas grave (c'est rigolo mais j'ai pas mal hésité avant de choisir d'en faire un homme pour des raisons de chanson pour les chapitres d'après x) )

Pour le samedi je peux te donner la raison ; c'est le nom de mon groupe, sweet Saturday (qui était un nom choisi parce qu'on repétait le samedi après midi x) ) pour l'instant je n'ai pas d'explication intérieure a l'histoire, mais... Ça viendra peut être !

Je suis heureux que cette idée d'avoir à chaque fois une musique marche , même quand ce n'est pas joué sur scène ! Merci encore, j'espère que la suite te plaira :3
Dédé
Posté le 16/04/2025
C'est une chouette explication pour le samedi !

Je suis désolé pour le mélange grand-mère/grand-père, en relisant, j'ai repéré qu'on identifiait bien un grand-père dans le chapitre. Je crois que je me suis laissé trop emporter et j'ai laissé mon propre vécu prendre le dessus.

Merci à toi pour nous partager tout ça ! :)
Rouky
Posté le 27/03/2025
Bonjour !

Les chapitres courts, j'aime beaucoup ! J'aime le style du journal, avec les dates pour titres, les chansons, l'impression de vraiment lire le journal de quelqu'un. J'y trouve même un peu de l'ours de Paddington dans tout cette histoire, mais peut-être que j'ai juste trop regardé de films ! :-)
Pouiny
Posté le 27/03/2025
Merci beaucoup pour le retour ! C'était vraiment l'objectif derrière tout ça donc ça me fait très plaisir 🥰 c'est drôle pour Paddington parce que je suis un fanatique des ours et j'aime beaucoup Paddington mais je n'y pensais pas trop en écrivant ce texte !
Bruno Romain
Posté le 17/03/2025
Votre style d'écriture est remarquable ! La manière dont vous organisé votre texte, les mots, les phrases, vous avez un style qui vous ai unique et on ne peut que vous en féliciter ! Bonne chance pour la suite de votre écriture!
Pouiny
Posté le 24/03/2025
Merci beaucoup ! Après des années que j'ai passé sans écrire, ça fait vraiment reprendre confiance en moi. Je suis ravi que ça vous plaise !
Vermeille
Posté le 14/03/2025
Un texte vibrant et plein d’esprit qui transporte l’Irlande avec une force poétique et un humour incisif. Bravo pour cette plume authentique qui mêle tendresse et émotion !
Pouiny
Posté le 14/03/2025
Merci beaucoup, ça me touche !
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