Samedi 11 Avril 1818 - Carolan's Draught

Par Pouiny
Notes de l’auteur : Musique de référence : https://www.youtube.com/watch?v=OfGeqF_7p9M

Je viens enfin d’arriver à Wicklow. Je n’aurais jamais cru que les cris de bagarre dans un pub pourraient autant me manquer… Il me semble bien avoir écrit que je me laisserai guider par les Voisins, mais si pour au moins quelques heures ils pouvaient me laisser en paix j’en serai très reconnaissant ! For feck’s sake, si j’avais su que je vivrais plus de tourment en deux semaines que de toute ma vie…

 

Ça ne partait pas si mal pourtant. J’étais passé par Glendalough où j’ai profité de la cathédrale pour prier, bien que la pluie fine et le manque de toit sur ma tête m’est quelque peu compliqué la tâche. Je n’étais plus qu’à quinze miles de Wicklow, et après avoir admiré l’eau, les rochers et les tombes, j’ai repris ma route. Et alors que je descendai la montagne, avant Ashford… J’ai entendu un air de harpe. Encore ?! Je crois que je n’ai jamais eu autant envie d’haïr la harpe qu’à cet instant. Mais heureusement, c’est passé bien vite… Car l’air était tout bonnement divin. C’est bien simple, je n’avais jamais entendu de ma vie quelqu’un tirer un son aussi pur d’un instrument. Et la mélodie, complexe, semblait comme faire frémir les feuilles des arbres… A défaut de reconnaître le musicien, qui était tout simplement invisible, j’ai reconnu l’air. C’était un courant d’air de Carolan, aussi fines et étudiées que ses notes pouvaient l’être.

 

Je suis resté immobile, subjugué par cet air. J’avais l’impression d’entendre de la harpe pour la première fois, et pendant un instant j’ai presque regretté de m’être plutôt consacré à la whistle qui ne pourrait jamais rendre à merveille la magnificience de cet instrument royal. Je n’avais même pas envie de chercher d’où pouvait provenir le son de cette harpe. Non, malgré tout le bonheur que je ressentais d’avoir le droit d’entendre une telle virtuosité, je n’avais pas hâte de déranger une nouvelle fois une Voisine qui pourrait me faire Dieu sait quoi en se rendant compte que je l’avais surprise… Oui, une telle beauté, ça ne pouvait être qu’une fée, bien sûr !

 

Puis, après quelques minutes, la harpe s’est arrêté de jouer. Le vent a fait bruisser les arbres et en quelques secondes j’ai déjà regretté de ne plus entendre l’air divin. Même ma mémoire ne reproduire fidèlement à quel point il était somptueux… C’est comme si cela dépassait toute compréhension humaine ! Et désormais que le silence se faisait, le bois semblait sombre, menaçant. J’ai alors vu passer devant moi une chèvre noire. Un très grande chèvre, aux cornes torsadée et à l’œil moqueur, qui s’est arrêtée pour me regarder, et qui a immédiatement disparu sans un bruit dans les buissons. En un instant, je me suis rappelé les légendes de grand-père et j’ai commencé à courrir sur le sentier pour sortir du bois… Mais c’était trop tard, évidemement ! J’ai presque entendu un rire derrière moi, alors que j’essayais de m’échapper en vain du sortilège qui m’avait frappé…

 

Heureusement que les Púca sont juste méchant mais pas criminels. Il m’a laissé tourner en rond, m’observant probablement depuis les arbres, pendant près d’une semaine. J’imagine que j’ai du lui offrir un des spectacles les plus drôles qu’il ait pu voir ! Les Púcas adorent perdrent magiquement les voyageurs en transformant leurs forêts en labyrinthe. Quand il a compris que j’allais mourir de faim et de soif et que je n’allais plus me débattre dans sa toile, il a levé le sort et enfin j’ai vu devant moi les portes de Wicklow…

 

Le tavernier a pris ma commande avec le sourire qui s’élargissait au fur et à mesure que je nommais les plats. J’en paierai une partie en jouant ce soir. Mais tout d’abord, il fallait que j’écrive cette rencontre qui fut simultanément la pire… et la meilleure. Qui d’autre peut se vanter, sans mourir, d’avoir pu approcher la musique des dieux ? Allez, une deuxième pinte pour oublier le vide qui résonne dans mes oreilles après avoir entendu cette harpe magique !

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Dédé
Posté le 20/04/2025
Aha ! Je ne pensais pas que l'arrivée à Wicklow se ferait maintenant. Bonne nouvelle, cela dit !

Suis-je sadique si je dis bien aimer les Púca ? Ca explique l'ellipse de deux semaines entre les deux chapitres. C'est sûr que quand on est coincé près d'une semaine dans un labyrinthe, ça donne moyen envie de s'épancher sur son carnet. Mais en même temps, une semaine en étant perdu, ça en fait du temps à tuer. A condition de se résigner.

Je remarque que Paddy a la descente un peu facile. Mais, il a raison sur un point. Il y a de quoi se vanter d'avoir survécu ! Mine de rien, il vit des petites aventures assez folles. C'est ce qui fait le charme de l'histoire.

A bientôt pour la suite !
Pouiny
Posté le 21/04/2025
En soit il n'y a que 50km entre Dublin et Wicklow, ce qui pourrait se faire en environ 2/3 jours... donc en soit oui il n'aurait pas du traîner autant ! x)

La plupart des irlandais de l'époque buvaient énormément , on parle d'une culture de l'alcoolisme notamment parce que l'alcool était souvent moins cher et moins toxique que l'eau.

Et ils est gentil le Pùca en vrai ! Une semaine dans les bois pour profiter du son magnifique d'une harpe divinement jouée c'est pas si cher payé x)
Alphajuliett
Posté le 19/04/2025
Je continue ma lecture, j'ai presque l'impression de me promener avec Paddy tant l'immersion est bien maitrisée. et moi aussi j'ai envie de jouer de la harpe maintenant ! :)
Pouiny
Posté le 19/04/2025
C'est intéressant pour moi que le mot "immersion" revienne de ta part et aussi d'autres commentaires. C'était mon objectif principal, je suis tellement heureux qu'il semble ressortir à ce point !

Et c'est vrai que la harpe celtique c'est très chouette, on a une harpiste dans mon groupe irlandais et faut dire que ça fascine très fort, surtout quand elle joue pendant que je raconte ces histoires de Paddy Orson... mais c'est pas l'instrument le plus facile que l'on peut trouver en irlande ! x)
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