— Dis, Zig... Tu crois qu'on retrouvera un jour une vie ordinaire ?
La voix chuchotait dans le noir, portée par un long vent tranquille. Elle avait des intonations tantôt fluettes, tantôt de trompette, comme toutes les voix qui hésitent à muer. Elle était douce et elle appartenait à Louison. Louison aussi, c’était un doux mot.
— Zig… murmura-t-il encore, et son souffle se perdit dans l'air éteint de la chaumière.
Des miettes lumineuses tachaient le volet craquelé. Louison remua entre ses draps mais trop tard : tiède et brillant, le rayon de soleil jouait déjà sur son visage ensommeillé.
Il grommela, se hissa péniblement sur les genoux et frotta ses yeux chiffonnés. Louison n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. Ni Morve, ni Brunelle, ni Bleu ou Jo ne dormaient encore dans la pièce – il aurait reconnu le bruit de leur respiration.
Louison bailla.
Louison s'épousseta.
Une marée de velours flétri flanchait sur son crâne : un béret trop large, qui lui descendait plus bas que les oreilles. Louison ne le redressait jamais qu'au moment où il lui avalait les cils. Emmaillotant son corps mal grandi, un immense pantalon qui lui descendait plus bas que les talons ; Louison le raccourcissait chaque jour par une demi-douzaine d'ourlets. Une bretelle au tressage rouge, ou deux lors des beaux jours, rattachait le froc aux frêles épaules du gamin, saillantes déjà d'une musculature irrégulière.
Louison se leva en dépliant les froissures de ses pauvres tissus. Encore étourdi, il chercha à tâtons de quoi se mettre sous la dent. Il lui faudrait des forces, afin d'affronter cette journée ; la veille, il avait dérobé la brioche d'un enfant et la bourse d'un monsieur, mais plus aucune trace du butin. Ses compagnons auraient-ils déjà tout dévoré, tout dépensé ?
Il marmonna de toute cette gluante salive empâtée dans sa bouche durant le sommeil. Il entrouvrit prudemment le volet pour que la lumière entre davantage. Un vaste rayon curieux se faufila aussitôt dans la chaumière, se précipita sur la paille froissée, rebondit sur la surface lisse d'une table bancale, se cogna contre la dure noirceur du poêle endormi.
C'était à peu près tout ce que cet endroit contenait : de la paille, une table, un poêle. On trouvait également quelques tricots d'araignées au plafond, une courtepointe à la laine grossière traînant parmi le foin, et un petit, un tout petit portemanteau sur lequel s'ameutaient des chapeaux multicolores, des redingotes trop grandes et des lacets courts.
De la poussière et des soupirs s'échouaient au sol – le plancher se couvrait d'un épais tapis gris.
— Zig, tu es réveillé ?
Louison se débarbouillait à l'aide du contenu d'une cruche.
— Eh, Zig !
A ne jamais répondre, Zig l'inquiétait parfois.
Un chatouillis humide dans son cou le fit sursauter. Le rayon de soleil lui dévoila alors l'embout d'un museau rose et les deux jets gracieux d'une moustache près de sa joue. Zig était un raton. Un long raton au poil doux et dru, clairsemé et accessoirement le meilleur ami de Louison. Derrière ses yeux d'ambre, sous cette fine couche de cils, se cachaient tous les secrets qu'il ne lui ait jamais confiés.
Louison était gonflé de secrets. Il en avait jusque dans les poches et les ourlets. Pourtant, ses sourires de travers suffisaient à chasser la curiosité d’autrui. Les sourires, même ratés, avaient toujours cet enveloppant don de rassurer.
Une main plongée dans la fourrure de Zig, le jeune garçon attrapa de l'autre le bout de brioche qu’il venait de retrouver. Il mordit dans la chair farineuse de bon appétit.
« Oui », se murmurait-il. « Parfois, il ne s'agit que de sourire... parfois. Autrement, il faut employer les grands moyens : se retrousser les manches et hop ! colorer le monde en bonne et due forme. »
J'aime beaucoup l'ambiance mystérieuse, un peu pesante et à la fois merveilleuse qui s'en dégage. Je suis assez curieuse de ton univers : pourquoi cette apologie du manque de couleur et de la tristesse ? Pourquoi ces enfants joyeux sont-ils si décriés ? Beaucoup de questions qui je n'en doute pas trouveront réponse plus tard ^^
J'aime beaucoup ta plume également, très jolie, beaucoup sur les sensations, les sens et le visuel ! Elle est simple et fouillée en même temps, ça la rend très agréable et satisfaisante à suivre :)
A bientôt pour la suite j'espère ;)
Oh, je m'excuse de ne pas t'avoir répondu plus tôt ! Ton commentaire me fait très très plaisir <3 Merci infiniment à toi !
A bientôt pour la suite :)
Pluma.
Dans ce chapitre en particulier, j'ai aimé le maîtrise de la confusion : Louison a un prénom estampillé (je dis bien estampillé) féminin mais nous est présenté au masculin, Zig est un petit animal... Le fonds et la forme se confondent, et il est toujours aussi agréable de naviguer dans cette ambiance.
J'espère du fond du cœur que la suite te plaira !
Pluma.
Louison est plutôt mystérieux, le texte cultive un certain brouillard semblable à son réveil - bien rendu au passage - et ouch j'ai eu mal pour lui à la fin avec Zig x)
Toujours un plaisir de lecture ! J'espère que tes projets avancent comme tu veux,
Au plaisir !
Ravie de te revoir dans les parages ! La description de la voix qui mue, j'avoue avoir hésité à la faire, mais maintenant je ne regrette pas ! Bien contente d'avoir eue cette "audace" :) Bien contente aussi que la lecture te plaise ^^
De mon côté, je vais essayer de me consacrer davantage aux Etonnants Chemins. Désolée (vraiment) pour l'irrégularité de ma lecture... Du mieux que je puisse je vais tenter d'y remédier.
Confiture d'inspiration,
Pluma.
A bientôt donc dans ta Confiture ou sur nos Chemins =)
Pour moi, la description du corps, particulièrement en plein réveil, est très juste, et la pièce ainsi que les tissus forment un tableau haut en couleur.
Je lirai la suite avec plaisir et te souhaite le courage et l’inspiration pour les prochaines pages.
Beaucoup d'étoiles et d'inspiration pour cette fin de semaine,
Pluma.
La façon dotn tu écris et ce que tu dis est très doux et soyeux. On se laissae porté avec facilité par tes mots pour découvrire une jolies histoire.
L'univers est intriguant, les enfants attachant et virgule captivante. En quatre chapitre je suis totalement conquise.
Je te souhaite une bonne continuation et te remercie pour cette agréable lecture.
Bonnes inspirations à toi !
Pluma.