Souvenir de Naetanaïl - partie 1

Par cirano
Notes de l’auteur : On quitte les marrais fumants pour se diriger vers le froid continent qu'est Nörd ! J'espère qu'il vous plairas

Nörd est le pays le plus au nord du monde, c’est aussi le plus froid. Ce bout de terre immense a une forme de croissant de lune avec, au centre de celui-ci, au milieu de la grande mer de Glace, ce qu’on appelle le Névé. L’endroit où les boussoles ne fonctionnent plus et où seuls les Algides peuvent vivre tant la température y est glacial. Le reste de Nörd est peuplé par des elfes des neiges, qui ne sont pas gênés par le climat hivernal, des nains qui sont venus pour tirer profit des gigantesques monts et montages qui parcourent cette lande, et des Nordiques. Principalement des Nordiques. Ceux-ci sont considérés par l’ensemble du monde comme la race la plus sage et la plus respectable, et la civilisation qu’ils ont construite est vue comme la plus belle et la plus rayonnante de notre histoire. Mais bon, quand je dis « nôtre »…

 

Naetanaïl était un jeune algide qu’on avait retrouvé en revenant d’Arcx, la montagne où le patron était allé se réapprovisionner en métal. C’est moi qui l’ai aperçu, il était seul dans la neige et sa peau d’un bleu léger reflétait la lumière de manière à ce qu’il fût impossible de le manquer. J’ai d’abord cru qu’il était mort, ses grands yeux noirs étaient ouverts et il était couvert de sang, mais en le regardant de plus près j’ai vu qu’il respirait, faiblement, mais il respirait. Le patron avait arrêté la caravane pas très loin de la zone ouvrière du quartier Nord-Ouest de Cyérac et il était parti avec les autres employés vendre son métal. J’ai alors décidé de ramener Naetanaïl dans mon box pour le soigner. C’était la première fois que je voyais un Algide, il était petit comme un enfant et ses traits ne permettaient pas de dire si c’était un garçon ou une fille. Ses yeux étaient toujours écarquillés regardants dans le vide et il tremblait. Je pensais que c’était de froid et je l’ai donc transporté dans le grand wagon de la caravane où il y avait un feu. Il a marché avec mon aide sans rien dire et lorsqu’il était devant les flammes il a arrêté de trembler.

 

Lorsque le patron rentra avec les autres employés, il fut d’abord très surpris de voir un Algide devant la cheminée, car selon lui « ils n’existaient plus », puis il a essayé de lui parler. Le chef était un gros nain du nom de Hardoon, il avait quitté sa montagne pour parcourir Nörd dans le but de se lancer dans le commerce de l’acier. Quand il a commencé à former sa caravane, je fus le premier membre de l’équipage. Il s’est arrêté dans l’orphelinat de Domaïm et avec le peu d’argent qu’il lui restait il ne put s’offrir que moi, Luczi, une petite elfe des neiges. Au fil des années sa caravane est devenue la plus importante du pays, il s’est procuré beaucoup d’autres employés et ne vend plus que les métaux précieux d’Arcx ou de la pierre rare qui arrive aux ports de Cyérac. Il a toujours été un bon patron, patient et exigeant, surtout avec moi qui suis sa préférée. Après plusieurs minutes de tentatives de communication infructueuses avec l’Algide, on frappa à la porte de la grande caravane. Hardoon renvoya tous les membres de l’équipage dans leurs boxes, car il avait un nouvel acheteur potentiel. J’ai couvert Naetanaïl de mon manteau et je suis resté encore quelques secondes pour voir le client, le nordique. Le patron ouvrit avec un large sourire et accueillit la montagne de glace à entrer. Il était immense, vêtu uniquement d’une chemise pâle ouverte et d’un pantalon ample, il paraissait tout à fait à l’aise malgré le froid qu’il faisait dehors. Sa peau était d’un blanc parfait sur lequel on pouvait distinguer ses tatouages de tribu bleu turquoise qui parcouraient tout son corps. À sa ceinture pendait une épée de verre qui devait bien faire deux fois la taille du patron. Le nordique était tellement imposant qu’il était obligé de pencher la tête et de plier les genoux pour rentrer dans la grande caravane. Hardoon l’entraina vers les canapés devant le feu en lui proposant à boire quand le regard de la montagne de glace se posa sur moi. Les tatouages sur son visage donnaient l’impression que sa bouche et ses yeux sombres étaient disproportionnés. Il me faisait peur, mais je ne pouvais m’arrêter de contempler ce monstre tranquille. En me voyant, il me sourit chaleureusement en me laissant apercevoir ses dents pointues et limées. Je lui rendis son sourire, apaisé par l’aura qu’il dégageait. Puis il posa son regard noir sur le petit être enroulé dans ma veste, lorsque Naetanaïl tourna sa tête vers le nordique, les deux eurent un mouvement de recul et l’Algide se mit à crier, si on peut vraiment appeler ça crier. Un son semblable à celui que fait la glace qui grinçe envahit la pièce, le nordique avait commencé à sortir son épée, et sa main droite avait pris une teinte rouge sang. J’ai fui le plus vite possible, entrainant Naetanaïl qui hurlait toujours ce bruit irréel et insupportable.

 

Il dormit dans mon box cette nuit-là, et toutes les autres nuits d’ailleurs. Bien que le patron lui en ait dégagé un, l’Algide ne voulait plus me quitter. Et il ne nous quitta plus, il devint un membre de l’équipage, faisant avec nous les allé retours incessants entre Arcs sur la pointe Nord-Est de Nörd et les ports à l’Ouest. Petit à petit il réapprit à parler, sa voix était aigüe et son continental, bien que peu sûr, était compréhensible et teinté d’un accent stupéfiant qui faisait penser au chant du vent qui s’engouffre dans les glaciers. Au début il ne s’adressait qu’à moi, puis il commença à bien s’entendre avec le patron. Celui-ci lui expliquait les principes du travail, abondant sur une caravane aussi gigantesque. Naetanaïl qui ne voulait toujours pas me quitter se contentait de m’assister dans mes tâches quotidiennes : aller acheter la nourriture pour l’ensemble des employés, pour les rennes, faire les comptes. Il me tenait compagnie pour mes gardes pendant la nuit et dirigeait les attelages avec moi. Il n’était pas très causant, c’était principalement moi qui lui racontais tous les petits ragots qui trainaient dans l’équipage et qui lui parlais de ce que je connaissais du pays et des endroits où nous faisions halte. Mine de rien, malgré mon jeune âge j’en savais un rayon sur Nörd et ses bourgades. Je rêvais avec lui qu’un jour, quand le patron n’aurait plus besoin de moi je me rachèterais et je quitterais ce croissant glacé pour aller en Pindopale, la forêt des elfes blancs ou alors que j’irais explorer les Iles. Naetanaïl se contentait d’acquiescer ou de poser de temps en temps de petites questions sur des détails.

 

Pendant très longtemps, lorsqu’on croisait des Nordiques dans les cités de Nörd, ces montagnes des neiges dévisageaient l’Algide avec un œil rempli de haine et portaient la main à leurs épées pendant que Naetanaïl se cachait derrière moi. Mais au fur et à mesure qu’il grandit, et il grandit beaucoup, et que sa peau perdait sa couleur et son éclat bleu si particulier pour une teinte gris verdâtre, les regards des Nordiques passaient de la colère à la curiosité.

 

Les Nordiques sont considérés comme la race la plus sage du monde connu, leurs académies attirent des enfants de riches et de puissant du globe entier. Ces géants de glace sont aussi célèbres de par le monde que mystérieux si bien que des centaines de légendes trainent à leur sujet. On raconte qu’ils sont tellement proches de leurs dieux qu’ils en retirent une paix et une conscience de l’existence peu commune. Qu’ils peuvent déployer des pouvoirs terrifiants comme celui d’abattre des montagnes comme de simples arbres avec leurs épées ou de pouvoir invoquer la foudre et la tempête en criant. Le fait que mon ami provoquait des sentiments aussi importants dans les yeux de ces statues de glace me terrifiait.

Avant d’entrer à l’orphelinat de Domaïm, je travaillais en tant que porte livre chez une professeure d’université du nom de Naüreïm. Elle n’était pas très massive pour une nordique, mais ce qu’elle n’avait pas en carrure, elle le récupérait en taille et en élégance. Je n’ai jamais vu de ma vie une femme aussi grande et aussi belle qu’elle ; ses tatouages étaient vert clair et dessinaient des feuilles sur tout son corps ; Les traits de son visage étaient tellement bien dessinés que j’étais surprise de les voir bouger quand elle me souriait. C’est elle qui m’a appris à lire et calculer, une chance, sinon je doute que Hardoon m’aurait acheté. Je suis resté à son service pendant deux bonnes années, avant qu’elle ne parte essayer de fonder une université sur le continent. J’ai toujours été un peu triste de ne pas l’avoir revue.

Au fil des mois Naetanaïl s’est ouvert de plus en plus, il commençait à parler à tous les employés de manière assez décontractée et le patron le prit sous son aile. Il restait toujours peu bavard sur lui-même et évitait tout sujet qui portait sur son origine d’Algide ou la vie qu’il avait avant de se faire recueillir par la caravane. Il avait selon ses dires quinze ans quand nous l’avions récupéré, il paraissait très frêle et petit pour son âge. Pendant une traversée plutôt ardue où nous avions décidé de couper par la grande mer de Glace pour gagner du temps le patron s’est rendu compte de toute la force de Naetanaïl. Il était capable de rester éveillé pendant plusieurs jours sans montrer le moindre signe de fatigue et pouvait facilement passer une semaine sans boire ni manger. À un moment, lors d’un ouragan sans précédent, un des troupeaux de rennes qui supportait un chargement d’acier c’était fait tué par un morceau de glacier emporté par le vent, et avec l’aide de deux nains dont il était proche, Naetanaïl avait réussi à tirer le métal sur plusieurs kilomètres. Cet enfant fragile au teint grisâtre et au visage de fille faisait preuve d’une force et d’une résistance au froid, à la fatigue, à la faim et à la soif hors normes. Je pense qu’à l’époque, ça me faisait un peu peur. Il savait se promener en sous-vêtement dans des blizzards dont les températures auraient tué même un Nordique et en plaisanter. À ces moments-là, j’avais l’impression de voir sur sa peau l’éclat bleuté qui m’avait fait le remarquer la première fois.

 

On était très soudés, on mangeait et dormait ensemble, nous faisions nos tâches en même temps si bien que Hardoon nous appelait les jumeaux. Le patron avait confiance en Naetanaïl et il lui demandait souvent de faire les travaux les plus importants comme traiter le métal ou gérer la caisse (chose très dure à déléguer pour un nain). Mais malgré sa façade courtoise et souriante, une nuit sur deux, Naetanaïl subissait de très violentes crises de panique et de larmes. Je me réveillais en l’entendant pleurer et je le voyais, tremblant en position fœtale sur sa paillasse, sa peau était glaciale et il gémissait des supplications dans son sommeil, alors je le sortais de son rêve, je me couchais près de lui et le rassurais. Quand je lui demandais ce qui l’avait mis dans cet état, il me répondait : « Des souvenirs, je t’en parlerais. » Puis il me remerciait d’être avec lui.

 

Puis un jour, pendant une veille où il me tenait compagnie il me raconta son histoire.

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El
Posté le 20/08/2019
Oho, je me demande bien quelle est l'histoire qui traîne derrière les Nordiques... Sinon, j'ai trouvé ce chapitre (encore une fois) fluide, je l'ai même préféré aux autres (mais cela vient probablement de mon attrait pour les régions froides (#skyrim). Et ENCORE UNE FOIS, j'ai fait la chasse aux fautes ;) Parce que comme ça c'est fait :
alinéa 1 :où (avec un ù) il y avait un feu
alinéa 2 : dans devant -> plutôt devant non ? "dans le feu", ça fait plus peur x)
alinéa 8 : le patron LE prit sous son aile (au passé simple du coup)(enfin, au passé composé ça me fait bizarre, mais la conjugaison, j'y ai toujours été à l'instinct donc j'ai peut-être faux)
cirano
Posté le 20/08/2019
Haha :D c'est vraiment très possible que je mette la suite demain (sinon ce seras après demain ^_^) à toi la découverte du secret :D
Et c'est super si tu l'as bien aimé, merci pour ton commentaire ^_^
Et c'est corrigé, je n'ai juste pas très bien compris ce que tu voulais dire à l'alinéa 2 :/
El
Posté le 20/08/2019
De rien :D Et pour l'alinéa 2, pardon pardon, je me suis trompée ^^ c'est le 3, quand ils vont s'installer près de la cheminée : "très surpris de voir un Algide dans devant la cheminée,"
cirano
Posté le 20/08/2019
XD effectivement, s'il supporte bien le froid je suis pas sur qu'il tienne longtemps dans la cheminé xD
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