Quand les Orcs ont quitté Salétoile à cause des envahisseurs, on a dû faire un choix. Mon père ayant été tué, ce fut à nous, ses enfants de décider où partir. Ma sœur voulait prendre la mer pour rejoindre les iles et s’y installer en expulsant les sirènes qui y vivaient. Mon frère trouvait cette solution trop violente et voulait aller demander l’asile à Vinvermeille, les aider à se défendre contre ceux que nous fuyions. Évidemment ça n’a pas marché, et il s’est cru coupable de tous les malheurs que nous avons engendrés. Bien que nous n’ayons jamais reçu la moindre nouvelle de notre sœur, partie avec des milliers d’Orcs, il s’était persuadé que tout s’était bien passé pour eux et qu’il aurait dû prendre le chemin des iles. C’est ce sentiment d’échec qui l’a fait changer. Quand nous avons fui, c’était un grand guerrier, musclé et courageux, pas aussi charismatique que ma sœur, mais assez charismatique pour entrainer la moitié de la population à sa suite. Marcher dans les dangereux marais d’Homerok, lutter contre les brigands et les nôtres qui devenaient fous et surtout, survivre aux raids toujours plus loin dans le pays, ils tuaient et violaient tout ce qui vivait. Chaque jour, des dizaines des nôtres mouraient, on a subi des épidémies, on semait derrière nous les cadavres métalliques gris-verdâtre de nos conjoints, de nos amis, de nos enfants. Lorsque nous croisions de petites familles, soit elles rejoignaient notre triste exode et partageaient les ressources qu’elles avaient, soit refusaient de partir ou de nous aider. Dans ce cas-là, sachant qu’ils seraient de toute façon tués par ceux qui nous pourchassaient, nous prenions leurs biens afin de ne pas périr nous-mêmes. Il fallait que les Orcs restent vivants pour revenir au pays quand le moment serait venu.
Cette période a certainement dû être la plus étrange que la race Orcs ait pu vivre. Ces êtres belliqueux et égoïstes qui fuyaient devant ceux qu’on appelait les enfants des sables pour aller demander un asile à des elfes et des nains. Certains ont forgé de grandes trompettes dans un métal fait à partir de la boue des marais, et on a commencé à entendre de la musique raisonner dans les camps. De la musique. C’était plutôt laid, mais ça réchauffait plus que le feu et permettait d’oublier plus qu’avec l’alcool. Des Orcs faisant de la musique, si nos ancêtres nous avaient vus. À cette période-là, personne ne se battait, la vie était devenue trop précieuse. Malheureusement le manque de guerre a corrompu l’esprit de près d’un quart d’entre nous, ils se sont mis à croire qu’il était possible de parler à ces monstres qui nous poursuivaient. Parmi eux il y avait d’ailleurs un très bon ami à moi. Ils ont fait demi-tour et personne ne les a jamais revus. Le seul témoignage de leur échec fut les hurlements de douleur qui nous suivirent pendant quelques mois, et les grands feux qu’on apercevait s’allumer loin derrière nous.
Et puis nous sommes arrivés. Jamais je n’avais vu le malheur et le désespoir fondre aussi vite sur un aussi grand groupe, puis ces émotions se sont transformées en rage et haine, puis en sang et carnage. Quand j’y repense, je me dis que nous n’aurions pas du pouvoir en réchapper, nous aurions tous du mourir pendant les premiers raids des enfants des sables. D’ailleurs personne ne les appelle les enfants des sables à part les Orcs. Ce sont les Sabuls.
Les Sabuls sont une race originaire du désert de Dansang. Un désert bordé à l’ouest par une immense chaine de montagnes dont je ne me rappelle plus le nom et à l’est par son seul pays limitrophe Homerok, mon pays. Il y a très longtemps, nos deux peuples étaient proches et les pays s’entendaient tellement bien qu’on parlait à l’époque de fusionner les deux nations. De toute façon on retrouvait autant de Sabuls dans mon pays qu’il y avait d’Orcs dans le leur. Puis un jour, c’était plusieurs années avant ma naissance, on ferma les frontières sans que personne ne sache pourquoi. Une rangée de soldats tuait tous ceux qui essayaient de passer. Rien n’a changé pendant un mois, puis les gardes se sont retirés, mais personne n’est sorti du désert. Certaines personnes qui avaient des proches qui habitaient là-bas se sont aventurées dans ces étendues. Elles sont revenues en disant qu’elle n’y avait trouvé que du sable, des cendres et des ruines. Le mystère est resté entier, mais on a déclaré à la population qu’une maladie inconnue avait décimée tous les Sabuls. Et c’est resté ainsi jusqu’aux raids.
Le désert n’a plus été qu’une immense mer de sable dont personne n’a parlé pendant une cinquantaine d’années, puis des villages ont commencé à mourir, ils étaient assez petits, personne n’en réchappait. Quand des gardes étaient envoyés, ils ne retrouvaient que des os rongés, du sang et une odeur de peur intense. Un jour, une grande ville fut attaquée, quelques mois après que le premier raid eut lieu. Celle-ci était surpeuplée à cause des Orcs qui fuyaient. La ville de Grèsmarais fut pratiquement détruite. Les envahisseurs, se rendant compte qu’ils n’arriveraient pas à tuer tout le monde, décidèrent de mettre le feu aux habitations et à la forêt environnante. À la levée du jour, les Orcs les plus jeunes parlaient de hordes d’hommes de petite taille avec des yeux vitreux qui hurlaient dans une langue étrange. Certains avaient entendu des chants de guerre, d’autres des malédictions. Tout ce qu’on avait vu d’eux était des corps fins enroulés dans une quantité immense de tissus, des dents limées, des doigts qui s’enfonçaient dans la chair et des lames faites de Fer vert avec des formes et des ornements inconnus. Seul un vieillard qui avait vécu assez longtemps pour rencontrer des Sabuls put dire qui ils étaient et d’où ils venaient. Ces êtres avaient habité le désert, ils avaient changé pour passer d’une prestigieuse civilisation de guerriers à une horde de monstres. Fort de cette information, tous les clans décidèrent de mettre leurs querelles de côté le temps de vider les villages, et que des défenses dans les grandes villes proches de la frontière s’installent. À cette époque, Salétoile était trop loin pour que sa protection fasse partie de nos préoccupations. C’est à ce moment-là que la guerre a vraiment commencé. Les Sabuls ont compris que les attaques nocturnes ne suffiraient plus à faire tomber les villes. Ils se sont donc organisé dans une sorte de relève meurtrière à fin qu’il y ait toujours plusieurs centaines de ces enfants des sables à courir et à tuer tout Orcs dans les rues des villes qu’ils convoitaient. Une fois tous les habitants assassinés, ils s’y installaient et s’en servaient comme base pour les raids suivants. Les villes tombaient les unes après les autres, et plus les Sabuls avançaient dans leur marche méthodique et macabre, plus les populations paniquaient. L’insécurité gagnait les esprits, les crimes et vols augmentaient à un point tel que les Orcs étaient devenus presque aussi dangereux pour eux que l’étaient ceux qu’ils fuyaient.
Bien des guerriers avaient essayé de s’opposer aux Sabuls, mais ils étaient tous morts. C’est à ce moment-là que l’idée de quitter le pays a commencé à se propager dans les esprits. C’était d’abord une évidence pour tout le monde d’aller en Vinvermeille, les Orcs sont des bons combattants, et il était presque sûr que les nains et elfes accepteraient de les engager et de les armer pour les défendre. Tous les Orcs se sont préparés pour l’exode. Puis ma sœur a parlé, tous l’aimaient et la respectaient, mon père en premier, s’il avait eu le temps de se prononcer il l’aurait certainement nommé chef. Elle rappela à tous combien les Orcs étaient de braves guerriers, combien la fuite était une honte pour nous ! Elle nous a hurlé sur la grande place de Salétoile que seule la victoire pouvait laver notre honneur d’une telle défaite, et que se faire engager comme mercenaire par des nains et des elfes était tout sauf une victoire. Elle a proposé de prendre la mer, de réquisitionner tous les bateaux utilisables et de s’emparer des Iles en éradiquant le peuple oisif des sirènes qui y vit. J’ai appris il y a quelque jour qu’ils étaient tous morts, empoisonnés par les cendres d’écailles. Je suis heureux que mon frère ne l’ait jamais su, même si ça lui aurait enlevé l’angoisse d’avoir fait le mauvais choix. Quoi qu’il en soit, son discours était entrainant, et tous les Orcs qui ne pensaient pas déjà avoir vécu assez de malheurs décidèrent de la suivre. Ils étaient beaucoup, et principalement les guerriers qui s’occupaient de notre défense. Une fois ma sœur partie effectuer sa sombre campagne, il n’était plus question pour nous de trainer. Nous avons fui en laissant les vieux, blessés et malades aux soins des enfants des sables.
J’ai encore dans mon esprit le dernier regard que j’ai lancé à la capitale, à sa citadelle. C’était une vision apocalyptique. Dans un silence pratiquement parfait, les deux soleils se levaient derrière les tours vertes et rouille des bâtiments. La fumée de tout ce qui brulait aux alentours filtrait les rayons et donnait à la lumière une couleur grise irréelle. Soudain, on entendit les chants guerriers des Sabuls au loin, on vit des nuages de poussière se soulever. Et puis ce fut le grand boum. Les flammes noires de l’huile à métal coururent dans les rues comme des enfants les jours de marché. Elles montèrent aux murs tels des lierres funestes. Quand elles atteignirent la citadelle il y eut une gigantesque éclaire, un bruit d’effondrement mêlé aux cris des Sabuls qui sonnaient comme une douce mélodie de délivrance à nos oreilles. La dernière chose que cette ville fit pour nous fut de nous sauver la vie, triste compensation pour ceux qui viennent de tout perdre.
Salétoile, la mère de tous les Orcs, contrairement à presque tous les autres Orcs issus de haute famille, je n’ai pas du passer mon enfance dans les camps du Nord pour apprendre les arts Orcs. Comme j’ai toujours eu des problèmes de respiration et une faible constitution, je suis resté à la citadelle avec mes grands-parents. Ils m’ont montré les bases du combat à la jungkeul — une petite masse d’arme — qui correspondait beaucoup mieux à ma capacité physique. Ils m’ont aussi enseigné la fabrication de métal. J’avais un géant du nom de Gahan comme précepteur, c’était un ami de longue date de mon père, il me fit lire et écrire. Il m’apprit à composer des poèmes, chose qui était plutôt mal vue à l’époque. Ma mère m’apprit les chants de guerre sabuls qu’elle avait après par sa grand-mère, un art qui permettait, uniquement par la voix, de rendre les lames plus coupantes, les armures plus résistantes et l’âme moins sensible à la peur. Si j’avais su à cette époque que j’aurais l’occasion de réentendre ces chants dans d’aussi tragiques conditions.
Sinon, je passais mon temps dans les marchés avec des amis que je m’étais faits. Ils étaient principalement des enfants de la rue qui gagnaient leurs vies en tant qu’assistants chez des forgerons. En grandissant, ils sont presque tous devenus d’honnêtes artisans ou des soldats — tous les Orcs deviennent des soldats un jour. Pour ma part j’ai travaillé pendant très longtemps comme boucher avant de me lancer comme faiseur de métal. J’utilisais une base de lapis et de verre noir qui permettait d’avoir un fer solide et léger pour les masses et un tranchant aussi fin qu’un cheveu pour les épées. Il n’était pas très utile pour les armures, car pas très flexible. Sa couleur donnait l’impression de regarder le ciel étoilé des nuits d’Homerok. J’ai gagné de l’argent, j’ai trouvé une femme, une soldate. Elle est morte en combattant des Nordiques au-delà de la chaine de montagnes, elle était engagée comme mercenaire. Elle a juste eu le temps de me laisser un fils que j’ai tenté d’éduquer comme moi je l’avais été, mais ce fut un grand échec. Il s’est fait soldat comme sa mère et je l’ai perdu dans les Iles. Après le décès de ma femme, je suis retourné à la citadelle pour devenir le précepteur des enfants de mon frère, celui-ci ne voulait pas les envoyer aux camps du nord. Je suis resté très proche d’eux toute ma vie, j’ai d’ailleurs retrouvé l’un d’entre eux quand je suis arrivé à Feudrive.
Maintenant, je pense qu’ils sont tous partis, ils sont retournés en Homerok pour reconstruire une nouvelle Salétoile. Je leur souhaite toute la chance du monde, car maintenant que tous les Sabuls ont péri, les Orcs peuvent redevenir des Orcs. J’aurais beaucoup donné pour voir ceci de mes yeux, si seulement. Mon âme a été arrachée à mon pays par la perte et la mort, et la cruauté et la haine l’ont attachée à Vinvermeille. C’est ma malédiction, mes yeux seront rivés jusqu’à ma fin sur l’horizon pourpre de ce pays. Un rappel amer de la teinte de mon histoire, le paysage sanglant qui garde la trace de ce très long cauchemar.
Ensuite, les quelques fautes (souvent de frappe je pense) :
- alinéa 1 : "des épidémies de maladies" est un peu un pléonasme non ? Une épidémie, c'est juste une maladie TRES étendue non ?
- alinéa 4 : "par UNE immense chaîne"
- alinéa 5 : "les villes tombaient les unEs après les autres"
- alinéa 6 : "quelqueS jourS"
- alinéa 7 : "des nuages DE poussière"
- alinéa 9 : "En grandissant, ils sont presque tous d’honnêtes artisans ou des soldats". Il ne manque pas "devenus" quelque part ?
Voilà, c'est tout !
Je pensais qu’on allait revoir la fille du frère mort dans cette deuxième partie, mais en fait pas du tout XD Je suppose que tu voulais nous raconter la vie de cet Orcs sans t’attarder sur les détails, et je trouve ça vraiment dommage parce que j’ai envie d’en savoir plus.
Les Orcs n’ont pas vraiment eu de chance, même si j’ai l’impression qu’ils l’ont un peu cherché quand même. Et puis le narrateur veut nous faire croire qu’il est sympa, mais il tenait quand même une arène où se battait des gens à mort (oui, l’histoire de l’enfant-cadavre restera ancrée dans ma tête pour toujours ❤️) donc moi je ne crois pas qu’il soit si cool que ça !
Tu as un univers très précis et ça se voit que tu as tout en tête. Encore une fois, je pense que les informations que tu nous donnes mériteraient d’être plus espacées pour qu’on ne se noie pas trop dans tout ça, mais ça reste facilement lisible :)
J’espère que tu seras inspiré pour tes prochaines nouvelles !
Et oui le narrateur, même s'il culpabilise un petit peu pense avoir fait ce qu'il fallait, Je trouve ça intéressant de montré qu'on peut vraiment être victime et bourreau, et que la barrière est plutôt fine ^_^
Et franchement je suis plutôt content que l'enfant-cadavre t'ai marqué, je suis assez fier de cette idée, peut être que j'en reparlerais dans une nouvelle future ^_^
Et c'est drôle parce que je crée beaucoup l'univers en écrivant, mais je suis content d'avoir réussi à faire ça :D
Et moi j'espère pouvoir encore avoir ton avis sur les prochaines ^_^
Tu as raison, la barrière bourreau/victime est souvent fine, j’ai bien senti ça dans ton récit ! Pour moi, ça n’allège pas ce que le narrateur a fait, mais on le comprend mieux dans ses choix.
Courage pour tes prochaines nouvelles ^^ je reviendrai lire avec plaisir !
Et faire en sorte que le personnage soit compréhensible était un de mes objectifs, je suis content que ça ait marché :D
Et encore merci, ça me fait vraiment plaisir :D
(et ne t'inquiète pas je comprends si tu en as rien à faire hn :p )
Mais je ne connais rien de ton univers et il est tellement foisonnant d’informations, j’ai l’impression que je vais tout casser (même si c’est très tentant xD)
Je vais y réfléchir en tout cas, parce que je l’aime moi l’enfant-cadavre !
Et tu n'as pas besoin de connaître quoi que ce soit, l'univers qui est décrit dans la nouvelle s'arrête à la nouvelle, il n'y a pas d'éléments que je n'ai pas raconté et si quelque chose n'est pas expliqué, c'est qu'il n'existe pas encore :D
Je vais essayer de mettre la première partie de la prochaine nouvelle après demain ^_^
Je trouve ça fort d'avoir réussi à nous dépeindre une carte et un univers aussi rapidement sans que ce soit une liste des spécificités de ton univers et du bourrage d'info pour nous montrez à quel point tu l'as avancé et c'est fort appréciable.
Il y a quelques petites coquilles ici et là au niveau de l'orthographe un le qui devrait être un la mais ce sont sans doute des fautes de frappe ^^
Je vais sans aucun doute lire les autres nouvelles que tu posteras !
Je suis super content que l'univers t'ai plus, j'espère que celui des prochaines nouvelles te plaira aussi ^_^ et en fait au début de l'écriture je n'ai que les grandes lignes en tête, le monde se développe beaucoup pendant que j'écris, je pense que c'est pour cela que ça ne fait pas "liste"
Et oui désolé pour les fautes de frappes, il y en a toujours qui restent >.<
Encore un grand merci pour ton commentaire, ça me ferait très plaisir d'avoir ton avis sur la suite des nouvelles :D