Pourquoi me retrouvé-je là, dans cet endroit bruyant, trop propre, trop lisse ?… Dois-je rêver ?… Quelqu’un a mis quelque chose de pas net dans mon rhum… Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ? Et toutes ces lanternes qui brillent partout… le diable a-t-il décidé de me brûler les yeux ? Où sont toutes ces soubrettes qui ont astiqué le marbre ? C’est glissant, ici. Ça ne vaut pas le plancher de mon Black Pearl ! Que l’on cesse de me maudire, je n’ai rien fait, pour une fois ! Enfin, rien qui puisse mériter un tel supplice... Tous ces gens et ces oripeaux étranges… ces gosses hurlants et tous en file indienne… ne pourrait-on les envoyer aux galères ? Ça leur passerait l’envie de se plaindre. Ce vieil homme en rouge, là-bas, bedonnant à souhait, sûrement plein vinasse, ne pourrait-il pas les fouetter au lieu de les câliner ? Rha !
… Tiens, mais cette petite sorcière blonde aux oreilles de chat semble bien vouer au diable toute cette mascarade, non ? Voyons cela de plus près…
- Hey, toi, là, petite ! Pince-moi. … Pince-moi, je te dis ! J’ai besoin de savoir si je rêve…
Furieuse de son altercation avec le Père Noël, la petite fille aux oreilles de chat me pince au passage et s’enfuit en courant au fond de la galerie en jurant qu’elle irait au Pôle Nord pour faire exploser une usine à jouets.
- Aie !! Sacrebleu, mais je ne rêve pas, grimace-je en la regardant s’enfuir. Tu m’as fait mal, petite !
Je me masse l’avant-bras qu’elle a pincé violemment.
- …C’est ça ! Prends la poudre d’escampette, je te pendrai à la grand vergue toute petite fille que tu es ! … N’y a-t-il personne pour me dire ce que je fais là ?
Errant dans ce lieu qui n’est pas le mien, près de la file d’enfants bruyants, j’observe l’étrangeté de mon environnement et aperçoit au loin la petite fille aux oreilles de chat en grand conciliabule avec une étonnante personne barbue, vêtue d’un kilt, de talons aiguilles et harnachée d’une cornemuse. Puis, elle revient en se dirigeant droit sur moi, le visage encore imprégné de colère.
- Dis… tu veux bien faire mon papa, toi, me supplie-t-elle en levant vers moi un regard de malheureuse? Lui… elle, là-bas, c’est un monstre. C’est pas un homme et c’est pas une femme non plus. Enfin, une femme avec un barbe…
- Moi ? m’étonné-je de la voir me presser ainsi en tirant sur ma ceinture.
- Pourquoi pas toi ? Le Père Noël dit qu’il faut que je sois avec mon papa ou ma maman. Et moi, j’en ai pas, de papa. Dis, tu veux bien faire mon papa, hein ?
- Mmmmh ggggnnn ! Ai-je l’air d’être un papa, moi ? Je suis un pirate !!!
- Un pirate, s’étonne la petite fille ? Un vrai pirate ?
- Vrai de vrai, assurément, ma belle !
- Alors, toi, tu es plus vrai que le Père Noël, hein, en déduit la petite fille d’un air sérieux ?
- Je… Pourquoi ne serait-il pas vrai, lui, m’intéressé-je malgré tout ?
- Parce qu’un vrai Père Noël, c’est toujours gentil, affirme-t-elle en croisant les bras, d’un air buté.
- Ah oui ? Et moi, je suis toujours méchant, assuré-je en me penchant vers la petite fille en fronçant les sourcils.
- Ah ? fait-elle, nullement impressionnée. Mais non, puisque tu veux bien faire mon papa. Allez, viens !
- Hééé !!! Je n’ai jamais dis oui, m’affolé-je alors qu’elle m’entraîne vers l’estrade où trône le vieil homme en rouge et barbe blanche.
- Tu vois, vilain Père Noël, lui, c’est mon papa, se rue-t-elle, menaçante, en me tenant par la main. Et tu as vu son sabre de méchant pirate ? Tu veux bien faire une photo avec moi, maintenant ?
- J’y crois pas ! soupiré-je. Mais qu’est-ce que j’ai fait à Davy Jones pour mériter ça ? …
M’entraînant d’autorité, elle me montre le tabouret posé à côté et la petite s’assoit aussitôt sur les genoux du Père Noël.
- Que je me mette là, m’inquiété-je ? Faut-il vraiment que je … de… du… gros en rouge, là ? Vous n’y pensez pas ?! … Sérieux ?
- Allez, viens, papa, viens ! s’impatiente la petite fille.
- Et il se passe quoi si je dis non ? m’enquerre-je en faisant mine de dégainer mon sabre.
Soudain, un flash extrêmement lumineux m’avœugle.
- Tu ferais ça, me défie la petite fille ?
- Peut-être… Dis… tes oreilles de chat… elles sont fausses, n’est-ce pas ?
- Mes oreilles de chat ? Bah, oui, elles sont en plastique, touche !
- Alors tu es un faux chat. Et lui, c’est un faux Père Noël méchant. Qui est vrai dans cette histoire ?
Soudain, je tire sur la barbe blanche du Père Noël.
- Qu’est-ce que je disais ?!!!… Madame, ce rouge et cette barbe ne vous sied guère. N’auriez-vous donc point de robe pour vous vêtir ? … et du noir pour ombrer ces jolis yeux ?
- C’est une femme ??!! s’écrie la petite fille, horrifiée, en sautant des genoux de la Mère Noëlle. Sniff ! … vous êtes méchants, tous ! Je ne crois plus au Père Noël. Voilà !
- Je crois que vous l’avez vexée, là, madame barbue… Oh, allez, pourquoi tu pleures, petite fille ? Ne suis-je pas un vrai pirate, moi ? Et puis, je croyais que les chats, ça ne pleurait pas ?…
- Bouuuuuhhhhh !!
- Qu’ai-je fait pour nager ainsi un plein délire ? Madame, je vous salue bien bas, dis-je en amorçant une courbette d’adieu. Tiendrez-vous compte de mes conseils ? Changez de tenue, vraiment ! Quant à toi, petite, content de t’avoir connue. Tu feras une ombre de plus à mon tableau. Enfin, je me demande si je ne devrais pas plutôt dire le contraire ?…
- Attends, pourquoi tu pars, me retient-elle ? Tu n’as pas vu la photo…
- La quoi ?
- Tiens, regarde… Pourquoi, il n’y a que toi qui souris ? Dis, monsieur le pirate, comment tu t’appelle ?
- Capitaine Jack Sparrow, répondis-je, sentant le vertige me saisir. Je crois que j’ai besoin de rhum, moi…
- Et comment tu as deviné que c’était une dame, sous la barbe du Père Noël ?
FIN
D'ailleurs, en parlant de narration, le deuxième texte est bien plus clair que le premier où il n'était pas évident de suivre le dialogue sans aucune incise.
La forme narrative est quasi inévitable pour bien faire comprendre l'histoire.
Merci d'être passée pour donner ton impression, Sej, c'est très sympa.
Biz, Vef'
Bravo !
Enjoy ! Spilou ^^