Sur le Fil

Par Jupsy
Notes de l’auteur : En avril, le thème était sur le fil !

Une seconde.

Son visage est impassible. Aucune angoisse n’est visible sur ses traits. Pourtant son regard le trahit. Dans l’acier de ses yeux bleus, la jeune femme capte la subtile nuance.

Il a peur. Elle aussi.

Son regard noisette la dénonce sans doute. À moins que ça ne soit les battements trop rapides de son cœur. Dans tous les cas, l’effroi est présent au sein de son être.

Non la terreur.

Des phrases se forment dans son esprit. Aucune ne parvient à faire vibrer ses cordes vocales. Son cri meurt dans la gorge pendant que ses lèvres s’obstinent à bouger. Elles veulent faire passer un message au regard bleu.

Puis une voix résonne. Brutale.

Pas la sienne. Ni celle du regard bleu. Juste celle de l’autre.

Elle hurle. Elle ordonne. Elle lui casse les oreilles.

Et l’étreinte sur sa gorge se resserre. Elle peut sentir le métal froid s’enfoncer dans sa chair. Quelque chose de chaud commence à couler le long de sa peau...

Son cœur s’affole. La panique la gagne.

 

Si seulement...

Un voile vient troubler sa vue. Le regard bleu n’est plus visible. Il ne peut plus la rassurer. Elle ne sait même pas s’il continue de braquer l’ennemi dans son dos. Et s’il ne la sauve pas, qui le fera ?

Personne, lui murmure la voix au fond d’elle.

Elle réfute cette affirmation. Elle ne veut pas mourir. Pas comme ça. Pas maintenant.

Personne, insiste son esprit.

Ses paupières se ferment face à ce constat. Une larme s’échappe de son œil gauche. Dans la douleur, une résignation s’instaure jusqu’au sursaut.

Survivre. Un fait. Un ordre.

Machinalement, ses doigts se resserrent sur le bras de l’ennemi. Ses yeux s’ouvrent pour capter la présence du pilier. Puis tout s’enchaîne.

Un déclic.

Son pied heurte le pilier de toutes ses forces. Son corps part en arrière. Il entraîne celui de son agresseur.

Son regard capte le bleu de son amant. Elle y lit la terreur.

Il s’élance. Sa main se tend vers elle.

Trop tard.

Une vitre se brise. Une pluie d’éclats de verre jaillit pour l’accompagner dans sa chute. Un cri résonne dans ses oreilles.

Son prénom aussi.

Ses yeux se ferment. Juste avant le choc. La douleur frappe. Brutalement.

Puis le noir.

Une seconde. Peut-être deux. Sûrement plus.

Quand ses paupières s’ouvrent à nouveau, le regard bleu est là pour l’accueillir. Elle n’y lit aucune peur, juste un profond soulagement, conforté par des paroles. Un reproche fait son apparition au détour d’une phrase qu’un sourire en coin dénature aussitôt. Il ne lui en veut pas. Il la connaît trop bien.

Elle aussi. Il va se pencher pour l’embrasser dans...

Une...

Deux sec...

Non, trois secondes. Elle s’abandonne à lui comme elle l’a fait lorsqu’elle a chuté dans le vide pour suivre son instinct.

Pour survivre.

De justesse. Comme toujours. 

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Fannie
Posté le 09/02/2018
Coucou Jupsy,
C’est intéressant comme tu arrives à raconter cette histoire sans explications, sans descriptions, sans dialogues, juste avec les émotions et le ressenti de ta narratrice. Ça reste un peu flou, mais on est tout de suite pris dans l’action, on vit cette scène avec elle. Ces phrases courtes, parfois incomplètes, sont très efficaces.
Ce récit m’évoque un tandem de policiers, sauf que dans ce cas, ils ne devraient pas être amants... Des enquêteurs privés ?
Juste une petite remarque : « Son cri meurt dans la gorge pendant que ses lèvres s’obstinent à bouger. » [Je mettrais « dans sa gorge ».]
Jupsy
Posté le 19/07/2020
Merci pour ton commentaire. Alors pour l'anecdote, ce sont deux résistants (ou deux terroristes selon le régime dans lequel ils vivent) et c'est tiré d'un univers que j'avais créé y a longtemps. Aujourd'hui, je pense que ce serait deux résistantes ou deux collègues. Merci encore :)
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