Surprise, surprise!

Par andy
Notes de l’auteur : À l'occasion d'un défi, je me devais de débuter cette nouvelle par la phrase: ''Ils m’ont dit que de voir une tortue le jour de son mariage portait chance.'' Et de la terminer par.... enfin... vous verrez!

Ils m’ont dit que de voir une tortue le jour de son mariage portait chance. Ce n’était pas la première fois qu’ils avaient tort ces cons, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Le mariage était prévu un samedi après-midi, lorsque l’été tire à sa fin. Les femmes pensaient que ce serait le summum du romantisme, avec les feuilles qui s’agenceraient aux couchers de soleil. Ce que j’en pensais c’était que c’était surtout fichtrement pratique de ne pas être en nage durant la cérémonie, alors qu’une assemblée entière avait le regard tourné sur ma personne. Parce que déclarer ‘’oui, je le veux’’ avec des cercles de sueur sous les bras, c’est beaucoup moins chic que dans les films d’amour.

Je dois avouer, en toute virilité assumée, que le coucher de soleil du jour de mon mariage a été à la hauteur des attentes. Peut-être était-ce parce que le contexte s’y prêtait ou tout simplement parce que je m’attardais rarement à ces conneries, mais il est le plus chouette qu’il m’ait été donné de voir. Il faut donner ce point aux femmes, elles ont généralement raison lorsqu’il s’agit d’esthétique.

Le matin du mariage, mon ami Jeff jouait le rôle de mon ombre. Il me suivait à la trace, dans tous mes déplacements; c’est-à-dire, de la salle de bain au salon. Il s’avère que j’avais mangé des tacos extra épicés la veille et que mes intestins m’en voulaient terriblement. En fait, difficile de déterminer hors de tout doute ce qui causait mes problèmes gastriques cette journée-là. Les tacos ou le stress, la lutte était serrée.  Même le bonheur vient avec son lot d’inconvénients, tout le monde le sait. Heureusement, ma principale tâche durant cette journée était de rester en vie jusqu’à 18h00 et de me présenter au lieu de la cérémonie. Ce qui n’était pas en soi une tâche difficile en soi, surtout qu’il y avait Jeff pour m’y seconder. Quelques minutes avant de quitter la maison, je jetai un regard au miroir. Ce que j’étais fier avec mon complet anthracite qui sentait le neuf et mes souliers cirés! Jeff me surprit à mon observation et me jeta avec un sourire en coin :

- Hé, c’est toi que tu veux marier ou Alison? Parce que si tu préfères tout annuler, je me porte volontaire pour lui tenir compagnie! T’inquiète, je ne la laisserai pas te pleurer longtemps…

Je lui portai un coup sur l’épaule, amusé. Il fit semblant de se tordre de douleur, alors que je ne l’avais qu’effleurer dans la plus grande douceur. Décidément, un grand acteur ce Jeff!

Arrivés à l’église, le prêtre nous attendait. Il était petit et chauve. Il nous expliqua le déroulement de la cérémonie, mais je n’arrivais pas à me concentrer sur autre chose que sur ses dents qui s’alignaient étrangement l’une sur l’autre. L’écoute n’avait jamais été une de mes forces. Il semble que ce ne fut pas un problème, puisque le prêtre ne porta pas une seule fois son regard sur moi.  

L’église embaumait l’encens et la cire de chandelle ce qui, pour une raison qui m’était inconnue, me rendait inconfortable. J’étais mal à l’aise avec tous ces boutons qui montaient hauts sur mon cou, ce qui me rappelait pourquoi je ne m’habillais jamais chic. Je replaçais sans arrêt ma cravate puisque mon col de chemise me démangeait. Le prêtre avait enfin terminé son monologue sur les devoirs du mariage et pour cela, je lui en étais reconnaissant. Pour me distraire du temps qui s’écoulait trop lentement, Jeff me racontait de façon beaucoup trop détaillée sa dernière partie de hockey. J’avais trouvé hilarant le moment où il avait fait une mise en échec à cette andouille de Rémi, mais mon esprit s’éparpillait à nouveau. Oui, je sais, je ne suis pas un bon auditeur. J’en étais à me demander où le prêtre pouvait bien cacher son vin de messe, lorsqu’un mouvement à ma droite capta mon attention. Là, tout près de l’autel, il y avait une petite chose en forme de disque et toute bosselée! Son long cou s’étira, puis se fut le tour de ses jambes qui, une à une s’allongèrent. C’est à ce moment que je réalisai que c’était une tortue. Une tortue?! Dans une église? Mais qu’est-ce que c’est que cette connerie?

Jeff suivit mon regard jusqu’à l’animal et s’exclama :

- Hé! Monsieur mon Père, vous avez un élevage de tortue dans le coin? Parce que vous en avez une qui s’est échappée!

Le prêtre accourut du plus vite que ses vieilles jambes aussi croches que ses dents le lui permettait. Il s’arrêta net à quelques mètres du reptile. Sa bouche exagérément ouverte nous fit comprendre que l’hypothèse de l’élevage s’avérait être erronée. Le  chaos qui s’ensuivi a duré plusieurs minutes. Tous ceux qui étaient présents s’étaient rassemblés autour de nous. Personne n’osait bouger. Une femme criait : ‘’N’y touchez pas, les tortues mordent tellement fort qu’elles peuvent arracher des doigts!’’. Bien sûr, après cette  déclaration digne de Wikipédia, personne ne se porta volontaire pour sortir la bête de l’église. Une chance pour nous, les tortues ne sont pas reconnues pour leur vitesse phénoménale!

Un homme téléphona à la Faune. On tenta de leur faire comprendre qu’un mariage aurait lieu dans les prochaines minutes, mais ils se montrèrent inflexibles : il n’y avait pas de transport disponible pour récupérer l’animal avant plusieurs heures. Nous allions devoir nous marier avec une tortue comme témoin.

Lorsqu’Alison fit enfin son apparition au bout de l’allée centrale, j’oubliai mon habit qui démangeait et la tortue opportuniste. Sa robe blanche scintillait presque autant que le sourire dans ses yeux. Ses cheveux me parurent plus pâles avec sa coiffure élaborée. Elle avança à petits pas pour me rejoindre, presque aussi lentement que la tortue. Les femmes savent se faire désirer.

Lorsqu’elle arriva près de moi, son parfum emplit l’air. Le prêtre parla longtemps, mais je n’écoutais pas un seul mot. La seule phrase qui attira mon attention fut celle qu’Alison prononça : ‘’oui, je le veux’’. Je lui répondis en écho, sans hésiter. J’aurais dû. Hésiter, je veux dire.

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Laure Imésio
Posté le 18/07/2021
Bonjour,
La première partie du défi est parfaitement relevée. La lecture a été très agréable, grâce aux notes d'humour qui jalonnent ton récit, comme les cailloux du Petit Poucet, avant de nous mener jusqu'à cette phrase finale imposée. Bravo !
andy
Posté le 23/07/2021
Merci pour ta belle critique. Contente de voir que tu as apprécié l’humour! Il est parfois difficile en écriture de savoir si ce n’est que nous qui se trouve drôle! :)
J’espère que tu apprécieras la suite!
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