Ô temps cruel ! Cinquième dimension aux nombreux pièges, fil insaisissable qui guide nos corps et contrôle nos vies, chute de grains de sable dorés, simple tic tac dans une montre ou balancement régulier d’une pendule. Nombreuses sont les apparences sous lesquelles il se déguise mais je les hais toutes les unes autant que les autres.
Je me souviens de ce temps où j’espérais que celui-ci ne soit pas trop long, que je puisse grandir et goûter aux plaisirs de la vie comme on croque dans une pomme. Mais elle s’avère alors âcre et farineuse. Quelle naïveté. Car lorsque nous goûtons au parfum du fruit, nous ne voulons plus s’en séparer et nous nous accrochons désespérément à sa carcasse pourrissante jusqu’à ce qu’elle devienne poussières. A l’aube d’un nouveau jour, je me rends compte que je suis sur le point de perdre ce que j’ai acquis de plus précieux. Alors je tente de rattraper le temps perdu, je cours après lui dans l’espoir qu’il ne s’arrête ne serait-ce que pour une journée. Mais ce qui est perdu est perdu, je dois me résigner, accepter qu’il est trop tard désormais. Trop tard pour profiter de l’insouciance qui m’était offerte pendant quelques rares années.
Je vois la tristesse dans le regard de mes parents, refusant eux aussi que je débute une nouvelle vie, les yeux pleins d’images de mon enfance qui me semble si lointaine.
Je souhaiterai être mature, faire face à l’avenir sans peur ni regret. Mais je ne peux m’empêcher de me tourner vers le passé, le cœur en lambeaux assailli de souvenirs aux couleurs multiples. Rires pleurs, je m’apprête à tourner la page sur cette époque qui est la meilleure d’une vie. Pourquoi ne puis-je profiter encore des joies insouciantes, des battements de cœur affolé par ce qu’on appelle l’amour ?
L’horloge de la vie est implacable, l’heure a sonné et le rideau se ferme derrière moi.