Lorsqu'il émergea enfin, un cocon d'osier tressé l'entourait. Combien de temps avait duré son évanouissement ? Il n'en savait rien. Il finit par se relever et sentit sur son visage l'air frais et vivifiant des hauteurs. Il avait donc réussi. Le voilà là-haut, là où on l'a assigné depuis sa plus tendre enfance. «Quelle tête en l'air !», «il est encore dans la lune», «toujours la tête dans les nuages celui-là». Maintes fois, il avait entendu cette locution dont on l'avait affublé, au point d'être désormais uniquement connu sous cette expression : Tête dans les nuages. Dès lors, Tête dans les nuages avait voulu se rapprocher de son origine céleste.
La beauté de ce qu'il avait sous les yeux gonfla son cœur de bonheur. Jamais il n'avait rien vu d'aussi grandiose. Exceptée peut-être Mara. Mara éclipsait tout. Mara ETAIT tout. La montgolfière voguait dans les airs à une allure tranquille, prompte à explorer chaque coin de ce paysage évanescent. Au loin, le soleil luttait encore pour ne pas se noyer dans l'horizon. Tête dans les nuages, en son for intérieur, encouragea encore et encore le disque rougeoyant. Il savait bien que ses efforts seraient vains. Mais il était comme ça Tête dans les nuages, irrémédiablement optimiste.
En levant la tête, l'intrépide passager remarqua que les cieux avaient perdu leur couleur bleu électrique au profit de teintes roses-orangées qui laissaient des traînées gigantesques et vaporeuses sur des kilomètres. Seul le divin avait pu être capable d'apposer ces nuances sur cette immense toile, c'était d'une évidence confondante pour le garçon. Mais malgré l'origine mystique de la chose, Tête dans les nuages voulut lui aussi ajouter sa pierre à l'édifice. A l'aide de son pinceau imaginaire, il ajouta un peu de rouge, de vert, de jaune, prélevé sur sa palette invisible et déposa un peu de matière ça et là. Il voulait insuffler à ce brouillon un peu de la magie dont ses yeux regorgeaient. Tête dans les nuages était aussi un véritable artiste.
Le navire éolien continua sa route, survolant d'épaisses forêts habitées d'arbres géants, dont la cime effleura à plusieurs reprises le fond de la nacelle. Les bois formaient de larges et sombres taches dans le paysage, comparables à celles que l'on retrouve sur le corps des vaches que Tête dans les nuages aperçoit depuis la fenêtre de sa chambre. Il eut soudain une pensée pour Mara. Il lui fallait absolument trouver un souvenir à lui rapporter de son périple dans les airs. Les branchages des formidables feuillus continuaient de caresser le plancher de la cabine ouverte, faisant parvenir aux oreilles du garçon ce léger bruit d'une surface que l'on griffe. Alors il se pencha légèrement et attendit que son vaisseau entre dans une nouvelle zone de turbulence végétale. Et avec une dextérité sans pareille, Tête dans les nuages agrippa une poignée de rameaux qu'il égalisa quelque peu avant de la glisser dans la poche de sa chemise, tout près de son cœur, imaginant déjà le ravissement de sa Mara lorsqu'il lui offrirait son cadeau. Tête dans les nuages ne savait pas être autre chose qu'un éternel romantique.
Plus loin, à l'arrivée des terres arides et infertiles, Tête dans les nuages eut l'agréable surprise de rencontrer un autre explorateur du firmament. Naviguant à la même altitude, le volatile, qui n'était autre qu'une dame, régula sa vitesse afin d'accompagner le garçon. Mademoiselle Hirondelle, comme elle se présenta à son tout nouvel ami, daigna même se poser tout à côté de lui. Le garçon fut fasciné par la blancheur de son ventre, ses ailes bleutées et son regard d'un noir profond et intense. Durant de longues minutes, Tête dans les nuages, accoudé tout près de l'oiseau, lui raconta tout, ses petites misères et ses grands bonheurs en donnant évidemment une place de choix à Mara dans son récit de vie. Mademoiselle Hirondelle sembla fascinée par ses propos, jusqu'à ce qu'il remarque son attrait pour ce qui entourait son poignet. Sans y réfléchir à deux fois, Tête dans les nuages défit le lien de son bracelet en tissu pour le placer autour du cou gracile de son acolyte avant de le nouer délicatement. Cette dernière lui offrit une harmonieuse mélodie en guise de remerciements puis disparut aussi vite qu'elle était apparue. L'altruisme était sans contexte l'une des plus grandes qualités de Tête dans les nuages.
A quelques encablures seulement de sa destination, de douces fragrances de fruits rouges chatouillèrent ses narines. Qu'il aimait cette odeur ! Elle lui rappelait la cueillette des mûres avec Mara. En fermant les paupières, il pouvait presque la voir se goinfrer de ces petites pépites noires et légèrement duveteuses dont elle raffole. Ce souvenir fut cependant vite chassé de son esprit lorsqu'il rouvrit les yeux : la mer de nuages s'étendait enfin devant lui.
Tête dans les nuages était désormais chez lui. A s'en abîmer les yeux, il fureta à droite, à gauche, espérant trouver ce qu'il cherchait. Et c'est loin du rivage et de la côte qu'il tomba nez à nez avec son rêve. Un nuage colossal, dodu, immaculé et mousseux s'était installé à l'écart du reste de ses congénères. Tête dans les nuages s'imaginait déjà se lover dans cette épaisse brume qui lui tendait les bras pour profiter de sa réconfortante chaleur. Alors, à l'approche de son tout nouveau paradis, le garçon se hissa sur le bord de la nacelle et balança ses bras, d'avant en arrière, pour se donner un peu d'élan avant de déplier ses bras et de s'envoler dans les airs, le sourire aux lèvres et sa douce Mara dans le cœur. Car Tête dans les nuages n'avait peur de rien et surtout pas de l'impossible.
J'aime beaucoup aussi la construction des paragraphes, je les trouve très intelligents.
Troisième paragraphe, première phrase, je pense qu'il faut changer par : dont les cimes effleurèrent