Agathe arriva dans ses appartements en pestant.
Si son père la voyait ainsi, il la ferrait fouetter pour incandescence. Être sa fille, une princesse, cela ne changerait en rien sa punition, bien au contraire.
Mais Agathe s'en fichait royalement.
Elle n'aimait pas son père de toute manière.
Elle le trouvait malhonnête, moche, stupide, violent et cruel.
Et Agathe désirait le trône. Plus que tout. Si cela n'avait pas été son père aux commandes, mais elle, les choses seraient bien différentes ! Elle aurait renoué les contacts avec les elfes, avec les dragonnis. Ils auraient partagé des enfants, ensemble. Les trois peuples associés par une seule et même famille. Mais elle aurait été la seule femme.
Oui, Agathe savait se faire désirer. Elle était belle, très belle. Et le fait d'être humaine la rendait d'autant plus désirable. C'était ses gènes qui permettront aux deux peuples de survivre. Elle sourit devant le miroir en découvrant son déguisement du matin. Elle s'était surpassée cette fois encore.
Mais il n'était pas venu.
Qu'Eliot résiste, ce n'était pas tellement son objectif.
Cependant, elle ressentait désormais autre chose que de la haine et de la pitié envers lui. Non, si elle arrivait à lui faire changer son avis sur encore quelques sujets, Eliot serait le parfait roi docile qu'elle attendait. Bon, elle aussi devra se montrer docile, de temps en temps, mais elle serait en charge de l'île, entière.
Agathe mit la robe pourpre qui l'attendait sur le fauteuil de velours. Cette robe, elle la détestait. Elle la trouvait moche, grossissante, et surtout, pâle comparé à toutes les autres. Son père l'envoyait donc en mission dans les souterrains
Elle ne comprenait pas comment un roi qui pouvait faire des prisonniers n'arrivait pas à les regarder en face. Ce n'était que des petites gens. Des créatures, parfois, mais des personnes mauvaises ! Même si Agathe n'avait aucune idée de ce que ces personnes avaient réellement fait ou non, elle les traitait avec le même mépris et la même fureur.
Le fait qu'Eliot ne soit pas venu était qu'une excuse pour faire cracher son venin sur ces pauvres gens. Et son père préférait la voir en bas plutôt qu'en haut, avec lui, dans la salle du conseil. Il connaissait les ambitions de sa fille. Cela le dérangeait de la même manière que les prisonniers. Cependant, Agathe était sa fille. Agathe était le fruit d'un amour riche. Agathe pouvait également avoir de bonnes idées.
Le roi Henrick désirait un nouveau traité de paix.
Certes, sa population n'avait pas dépéri et ils étaient bien plus nombreux que les elfes et les dragonnis réunit mais, sa population commençait à s'ennuyer. Et à se rebeller. Oui, les humains de Lo Cradèlhac étaient bien trop habitués aux peuples magiques et à leurs pouvoirs. Pourquoi seraient-ils les seuls à ne pas en avoir ? A ne pas vivre d'aventures comme les autres. Ils aimaient leur mode de vie, certes, mais voir les autres faire la fête était une tentation de plus en plus forte !
Et Agathe voulait réunir les trois peuples.
C'était probablement sa meilleure idée.
Même si, dans son esprit, cela signifiait qu'elle contrôlait tout ce beau monde.
« Au moins, murmura son père en l'entendant descendre les escaliers, elle a cessé de les vouloir tous au mort... »
Pour comprendre les ambitions d'Agathe, il faut revenir au jour où sa mère mourut. Certains domestiques ont accusé les elfes, pour ne pas avoir aidé la reine mourante. D'autres ont accusé les dragonnis, pour avoir partagé leurs goûts pour les hauteurs et les baies. D'autres ont accusé la famille royale, mais ceux-là, ils sont morts, tués sur ordre de la petite princesse capricieuse. "Les monstres" étaient donc les fautifs quant à la mort accidentelle de la reine. Car, en réalité, c'était surtout ça. Un accident survenu après que la reine soit allée cueillir des baies pour le gâteau de sa fille...
Agathe souffla un bon coup avant de toquer à la porte de l'entrée des souterrains. Un garde lui ouvrit non sans regarder ses pieds.
Il avait surpris un des prisonniers entrain de vouloir s'échapper le matin même, si elle l'apprenait, s'en était fini de lui. Il subirait les mêmes sorts que celui dont il venait de rattacher les mains.
Par ailleurs, il n'avait jamais compris pourquoi le gamin était ici. Il était étrange, certes, mais cela n'était pas une raison valable pour l'enfermer et le torturer. Du moins, à ses yeux.
Alors, il croisa les doigts quand la princesse entra dans le dédale de chemin qui menaient aux différentes cellules. Si elle prenait le chemin de droite, il était sauvé pour sûr, si elle prenait celui de gauche, et bien là, il avait une chance sur trois pour qu'elle s'arrête à la cellule du demi dragonnis. Et ce fut son choix.
Il aurait dû s'en souter, c'était son prisonnier préféré...
Etrangement, et heureusement pour lui, le dragonnis ne dit rien. Il serra les dents jusqu'à ce que la princesse parte. Alors, à ce moment-là, il la fixa durement, crachant par les yeux tout le venin qu'elle venait de lui adresser.
Le dragonnis l'avait aidé. Il le savait. Alors, peut-être que lui aussi l'aiderai, un jour.
Agathe se dirigea par la suite vers la cellule la plus éloignée de l'entrée principale.
Dans cette cellule, vivait une femme, aux cheveux roux, qui était plus vieille que son arrière-grand-père. La femme était plus morte que vivante. Elle faisait peur, mais, Agathe savait l'importance de cette femme. Elle était leur prisonnière depuis plusieurs générations. La princesse adorait venir ici. Regarder cette femme qui fut jadis, une princesse également. Cette femme qui détiendrait plus de pouvoir que les trois peuples réunit. Une femme qui aujourd'hui, faisait partie des meubles de ce château.
Et la jeune fille rêvait du jour où son père lui autorisera à la poignarder.
Elle resta, assise à même le sol, jusqu'à ce que la vieille dame pousse des petits cris.
Alors, elle partit pour une autre cellule, où elle frappa le malheureux avec une corde parcouru d'épines de roses sauvages. C'était cruel, mais cela lui plaisait. Elle se sentait ainsi importante. Forte. Au pouvoir.
Une fois son tour du matin compété, elle remonta aux étages supérieurs, avec le même sourire faux sur les lèvres. Elle s'inclina devant son père, s'assit et écouta qu'à moitié les informations que ce dernier donné au conseil.
Agathe allait s'endormir quand un homme, un espion, arriva et se plaça derrière elle.
L'affaire devenait un peu plus intéressante.
Il attendit patiemment que le roi lui donne la parole, ce qui fut trop long aux yeux de la princesse.
« J'ai des nouvelles mon roi. Et elles ne sont pas très bonnes...
— Parle Gidéon, parle.
— Il semblerai que les elfes et les dragonnis souhaite créer une alliance.
— Une alliance ?
— On parle d'un mariage entre le prince elfe et la princesse dragonnis.
— Il nous faut...
— Ce n'est pas tout mon roi. Les villageois, sur toute l'île ont désormais qu'un seul mot à la bouche. Dragon.
— L'oeuf aurait été trouvé ? L'oeuf a éclot ?! demanda-t-il en se relevant vivement.
— Ce n'est pas sûr. Une femme m'a confié avoir entendu les elfes vouloir partir à sa recherche. D'où l'alliance.
— Ce n'est pas bon pour nous... Trouver du papier et de l'encre ! Nous allons proposer un marché avec la reine et le roi.
— Quoi ? explosa Agathe. Ils n'ont pas trouvé l'oeuf !
— Et comment le sais-tu jeune fille ? Tes expéditions secrètes matinales t'auraient finalement appris quelques choses ?
— Mais...
— Oh oui, jeune fille, je suis au courant de tes sorties. Je suppose ou j'espère, que ces sorties sont pour les beaux yeux d'un garçon ? Que tu ne te retrouves pas dans une histoire sordide.
— Ce que je fais ne nous regarde absolument pas. Je suis toujours à l'heure. Je sais, cependant, que ni les elfes ni les dragonnis ont trouvé l'oeuf. Si nous le trouvons en premier. Nous pourrions négocier plus facilement en nouveau traité de paix. Promettez-moi au prince elfe, si vous le désirez. Ou même à la princesse dragonnis. Mais je vous le dis, père, nous devons nous préparer au pire. Si le vieux roi et la vielle reine sont capables de mettre leur différent de côté pour trouver l'oeuf, ensemble, c'est qu'ils comptent nous attaquer. Ils nous détestent. Nous devons nous battre !
— Calme ta colère ma fille. Nous écrirons cette lettre ensemble.
— Si je peux me permettre, sire, commença le vieux conseiller, je pense que nous devrions prendre les mesures dites par la princesse. Partir à la recherche de l'oeuf pourrait également nous permettre de l'offrir comme un présent de paix. Nous avons la femme. Peut-être pouvons-nous la faire parvenir à parler ?
— Cette femme ne devrait plus être dans ce château depuis fort longtemps. Laissez-moi réfléchir. Nous nous réunirons de nouveau d'ici une heure. J'aurais pris ma décision. »
Agathe sortit de la pièce non sans râler.
Une heure, cela lui laissait assez de temps pour préparer un sac ainsi que sa jument.
Elle n'attendrait pas les ordres de son père, elle partirait à la recherche de l'oeuf. Cependant, le vieux conseiller n'avait pas tort. Il avait la femme. Certes, elle était folle, ne parlait plus mais elle connaissait le secret de l'oeuf. C'était peut-être même elle qui l'avait caché. Mais comment allait-elle la faire parler ? La torturer ne marcherait pas, torturer un de ses sujets peut-être, mais cela pouvait également détériorer la situation... Il fallait qu'elle trouve. Vite.
Alors qu'elle faisait les cents pas dans sa chambre, elle se mit à se représenter mentalement chaque détenue. Elle les connaissait tous, sur les bouts des doigts. Elle avait appris à les connaître.
Soudain, la solution s'éclaira dans sa tête.
Heureuse, elle changea rapidement ses habits pour une tenue plus confortable.
Elle courut dans les escaliers et ne s'arrêta que devant la porte. Là, elle frappa aussi vite qu'elle le put. Elle n'attendit pas les gardes qui lui criait de s'arrêter, non, elle se saisit des clefs, ouvrit la cellule du dragonnis, le tira par les cheveux jusqu'à la cellule de l'autre dragonnis.
Là, elle le lâcha devant elle.
Comme imaginée, la femme se retourna pour voir le garçon. Ses yeux s'emplirent de larmes. Son sourire se fit qu'à moitié, mais pourtant, il était présent. Elle n'avait plus qu'à exploiter la faille.
« Ce que je veux est simple. Dis-moi où se trouve l'oeuf, dit-moi comment le réveiller. Et tu pourras revoir le garçon. Je vous laisserai même vivre ensemble si je reviens vainqueur.
— Quel oeuf de dragon ? demanda-t-elle d'une voix brisée. Je ne connais pas d'oeuf de dragon.
— Mon garçon, dit à ta princesse d'ouvrir sa bouche avant que je ne te fouette devant elle.
— Ne dit rien murmura-t-il avant d'ajouter. Princesse ? Qui es-tu ?
— Allez, ne me faites pas perdre mon temps s'il vous plait. J'ai d'autres chat à fouetter, un dragon à aller réveiller.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler... commença la rouquine avant de pleurnicher.
— Garçon, enlève ta chemise. Dépêche-toi. Je m'impatiente, femme.
— Mais... Mais... Je vous dis que je ne sais pas de quoi vous voulez parler... Je suis enfermée ici depuis si longtemps...
Un coup parti sur le dos du garçon. Avait-elle rêvé ? Ne se connaissait-il pas ? Le garçon n'était-il pas venu dans l'espoir de délivrer sa princesse ?
— Lui dit rien princesse, continua-t-il à voix si basse qu'aucunes des princesses ne l’entendirent.
— L'oeuf ? Le chant ?
— Ne lui dite rien princesse, recommença-t-il, plus fort cette fois-ci.
— Mais... Mais...
— Je m'impatiente ! dit Agathe avant d'asséner un deuxième coup sur le dos bien marqué du garçon.
— Fais le... murmura alors la dragonnis en le regardant droit dans les yeux. Délivre-moi. »
La princesse humaine avait préparé son coup, cependant, elle n'avait nullement pris cette option en compte. Elle n'avait pas imaginé que le dragonnis aurait pu tuer sa princesse. A mains nues. Il l'avait étranglé. D'un seul bon. Et maintenant, Agathe n'avait plus aucun moyen d'avoir des informations. Elle devait partir. Maintenant. Son père sera plus que furieux. Et le garçon, il devait également mourir. Ou remplacer la vieille princesse. Lui aussi été roux, elle n'aurait pas de mal à cacher le corps et a habillé le garçon des vêtements de la femme. De toute manière, personne ne venait ici à part elle.
Oui mais... Ton père veut un nouveau traité de paix... Il veut libérer la princesse murmura la petite voix dans sa tête.
Agathe se sentit réellement en danger. Elle devait partir. Vite.
Alors, elle saisit le garçon par les cheveux et le ramena dans sa cellule. Elle donna ses ordres aux gardes. Ils n'auraient plus rien à manger. Et, s'il tentait de s'échapper, celui-ci devrait mourir. Elle inventa une excuse, l'accusant d'avoir essayé de la toucher, elle, la princesse de Massenac.
Il fut alors mis en quartier haute sécurité. Et il se fera battre. Autant mettre sa mort sur le dos d'une autre personne avait conclus la princesse.
Elle remonta alors dans sa chambre, prit son sac et se dirigea vers les cuisines. Elle prit de la nourriture, pas assez pour attirer les yeux indiscrets des serviteurs mais assez pour passer la fin de la semaine tranquille.
Enfin, elle partit aux écuries et récupéra sa jument.
Personne ne savait qu'il s'agissait de la sienne. Elle l'avait élevé, certes, mais ne la montait presque jamais.
Ainsi, le voyage d'Agathe débuta.
Je ne me suis pas trop arrêté sur les fautes (je n'en ai pas vraiment vu d'évidente), mais je pourrai le faire si nécessaire.
Enfin bref. J'apprécie déjà beaucoup ton univers et j'ai hâte de découvrir plus les personnages :D
À bientôt !
En tout cas merci pour ton commentaire et a bientôt oui !