Thelonius & Ryëm

Notes de l’auteur : Et bien voici ce 3éme chapitre. J'espère que ce début vous plait. J'attends avec impatience vos avis, théories, critiques... C'est déjà très gentil á vous de continuer á lire.

Thelonius précipita la cadence. Il devait se dépêcher s’il voulait arriver à temps à sa destination. Il connaissait son chemin. À aucun instant il ne s’était trompé, même parmi ce choix nombreux d’escaliers à prendre. Normal pour un habitant et propriétaire d’une taverne à Ygdrasil. Les marches défilaient sous ses pieds. Les pirates se suivirent sur son trajet, il en salua quelques-uns en inclinant sa tête, politesse qui lui fut rendue à chaque fois. C’était un homme respecté sur l’arbre. De plus, certaines années marquaient son visage. Cependant son charme et sa sagesse rayonnaient dans ses mèches de cheveux grisonnants et par deux rides qui étaient accentuées, de chaque côté de sa bouche, par son sourire. Il n’était pas rare pour lui de faire succomber de petites minettes malgré son âge. Malheureusement pour ses prétendantes, Thelonius n’avait d’yeux que pour sa femme, Ryëm.

Il arriva enfin à l’endroit où son compagnon avait aperçu une jeune femme perdue. Elle s’était réfugiée vers les racines. Juste deux minutes après avoir disparu, l’ami de Thelonius entendit des bruits de bagarres et des cris. Elle avait dû croiser des revendeurs d’esclaves ou des trafiquants de prostituées, déduisit Thelonius. En descendant l’escalier, il vit une étrange lumière turquoise, elle émanait de l’intérieur d’un sac. Nul doute de son appartenance à la pauvre victime. Il le ramassa et le ferma aussitôt. La magie était liée à cette lueur, mais cela ne le regardait guère. 

Cinq ou six marches plus basses, il trouva une cape. Il la récupéra et se demanda si d’autres objets perdus rencontreraient sa route. La brume tardive des fins de soirées apparaissait souvent épaisse. 

Les pieds sur le ponton, il distingua des gouttelettes de sang. Il s’accroupit afin d’examiner de près les traces. Il y avait eu lutte. Des mèches de cheveux étaient éparpillées. De plus, l’endroit était poussiéreux et insalubre, une traînée irrégulière s’était formée. Elle s’était débattue avec force. Malheureusement en suivant les traces, il remarqua de nouveau du sang. Il soupira, compatissant déjà pour elle. Il connaissait parfaitement cette méthode, seul un gobelin perfide la pratiquait. Il espéra que la somme contenue dans la bourse se présenterait suffisante. Auquel cas, il jouerait de son influence.

Proche de la maison close, il assista, au loin, à une scène horrifiante. Le trafiquant d’humains, prénommé le Patron, se trouvait au-dessus de la jeune femme. Il déchirait ses vêtements violemment. Elle se débattait. Le gobelin préférait les filles dociles. Il allait la violer, l’humilier. 

Thelonius accourut, résolu à donner une leçon à ce monstre avant que l’irréparable ne fût accompli. Il frappa du bout de sa botte le visage de la créature. Le malfaiteur vola littéralement pour tomber lourdement. Il balança sa bourse sur le sol, il aida la demoiselle à se relever, la couvrit de son manteau et croisa ses yeux. Ses iris se coloraient d’un bleu clair envoûtant. Malgré sa méfiance, il réussit à transmettre sa bienveillance dans son regard. Rassurée, elle suivit son sauveur, lorsque le Patron se manifesta. Elmira eut un sursaut. Le malfaiteur n’acceptait pas de la voir partir sans prendre son tribut. 

L’aura de Thelonius changea. Sa voix tendre devint un son tranchant, lacérant la confiance du gobelin. Il ne se retourna pas, froid et dangereux. Des murmures nonchalants résonnèrent dans le clapotis des vagues. Puis ils reprirent leur chemin.

Thelonius guida la jeune femme. En guise de protection, il plaça sa main dans son dos. Il était mal convenu, tard dans la nuit, que les femmes sans défense restaient seules. Même si Ygdrasil était un lieu de détente et de beuveries, il n’empêchait pas les pirates saouls à taquiner, voire s'avérer insistant envers le sexe féminin. Ce geste évoquait un avertissement aux plus téméraires. Toutefois, le barman n’avait pas eu l’esprit d’interroger Elmira sur son bien-être mental, trop préoccupé à la protéger. C’était avec surprise qu’il la vit s’accroupir et pleurer toutes les larmes de son corps. Doucement, il plia les genoux et fixa Elmira. Il dégagea, tendrement, une mèche de cheveux. Il remarqua, avec effroi, ses mains maculées de sang porté à son visage. Il avait eu conscience de la brutalité dont ces monstres avaient fait preuve, mais à ce point, les mots lui manquaient. Cependant, il devait agir. Il devait soutenir la demoiselle dans cette dure adversité. Délicatement, il caressa sa chevelure emmêlée. 

*

Un sanglot s’étrangla dans la gorge d’Elmira. Elle essaya de retenir ses émotions, après tout cet homme était un inconnu. Même devant ses propres parents, elle avait toujours contenu ses états d’âme. Elle n’aimait guère se montrer en faiblesse. Seulement, elle se sentit submergée tel un raz-de-marée, dès lors que les bras de Thelonius la serrèrent contre lui. Son cœur se tordit, comme si une main puissante le pressait afin de faire éclater ses pleurs. La douleur incontrôlable la fit finalement crier. Il cala son menton sur sa tête, comme un père réconfortant sa fille. Il lui murmura dans un souffle triste « Tout va bien, je suis là ». Et il répéta. Encore. Et encore. 

— Qu’allez-vous me faire ? hoqueta Elmira dans un spasme toujours collé au torse de Thelonius.

— Prendre soin de toi. Te soigner. Te nourrir. Et te protéger.

Phrases courtes, mais directes et essentielles. Juste ce qu’il fallait pour stopper ses sanglots.

Elmira releva le visage vers lui. Les traits de son sauveur se dessinaient tendres. Un sourire léger se dessinait sur ses lèvres. Il essuya les traces fantomatiques de ses larmes, son pouce effleura à peine sa peau. Il dégageait une aura de bonté et de délicatesse. La jeune femme était hypnotisée par cet homme. Ou était-ce plutôt la fatigue qui pointait ? Ses yeux papillonnèrent, elle lutta contre le sommeil en clignant fortement les paupières. 

Thelonius la releva, constatant son épuisement. Il guida ses pas dans les méandres d’Ygdrasil. Le chemin défila rapidement (faute à la fatigue) qu’ils se retrouvèrent dans les branches de l’arbre. Elmira était émerveillée de la lumière rose que produisaient les fleurs. Seul ce détail l’interpella à ce moment.

Son sauveur bifurqua soudainement, il lui prit la main et tourna à l’angle d’une habitation. Il y avait un tas de cageots et de barils en bois, dans ce qu’il paraissait être une cour. Elle était petite, mais certainement pas le bazar qu’il y régnait ! Il se précipita vers l’unique porte présente et l’ouvrit dans un grand geste et la referma aussitôt qu’ils rentrèrent.

Elmira admira la pièce. Une cuisine. Une cuisine de taverne. Devant elle, un feu de cheminée crépitait un chant mélodieux. Il était accompagné d’une marmite bouillonnante, sans aucun doute, d’une bonne soupe. À sa droite se trouvaient au moins cinq fours, tous garnis de viandes diverses, le dessus servait de chauffe pour poêles et casseroles remplies de poissons, mollusques et légumes. À sa gauche étaient étalées de nombreuses assiettes, tant désirées par les clients. Au milieu, une table carrée servait de plan de travail. 

L’odeur exquise qui embaumait la cuisine fit saliver outre mesure la demoiselle. Au point de raviver sa faim. Elle balaya d’un revers de main le fin filet de bave prêt à couler. 

De son côté, Thelonius accrocha sa cape à la porte, lorsqu’il se tourna, pour conduire son invitée auprès de sa femme, ne put qu’être amusé de sa réaction. 

— Un bon repas te sera servi, mais avant ma précieuse femme va venir s’occuper de toi, expliqua-t-il.

La demoiselle était impressionnée par la façon de parler du tavernier. En si peu de mots, il émanait tant de sentiments, ainsi que des tons différents. Elle se demandait s’il ne récitait pas les paroles d’une chanson, tellement que sa voix sonnait mélodieuse. 

Puis l’inquiétude reprit le dessus. Pourquoi l’avait-il sauvée ? Allait-il lui exiger une compensation ? Serait-elle obligée de travailler pour lui ? Dévoilera-t-il un autre visage ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Toutefois, elle voulait une réponse brève sans devoir l’interroger. Elle se lança donc.

— Pourquoi êtes-vous…

— Venu t’aider ?, coupa-t-il son élan de courage, Il n’y a pas plus horrible sort de vie que de finir dans un bordel, esclave du sexe et de l’argent qu’une femme peut rapporter pour une personne avide. Aucune femme ne devrait subir tel châtiment. Elles ne perdent pas seulement la liberté, mais aussi l’espoir et la dignité. Je me suis promis, il y a longtemps, d’en secourir le plus possible., il esquissa un sourire, Aujourd’hui, tu fais partie de l’une d’entre elles. 

— Merci. Souffla-t-elle, émue.

— Thelonius ? S’exclama soudainement une voix féminine.

Une femme aux cheveux crépus coiffés en chignons apparue dans l’encadrement d’une porte en pierre. Elle tenait dans ses deux mains une pile d’assiettes. Son expression d’étonnement suggérait qu’elle ne s’attendait pas à la visite d’Elmira. Elle s’empressa de poser la vaisselle et constata ses blessures.

— Oh par Hazel ! Mon enfant, tu as été battue ? 

Elle prit doucement le visage de la demoiselle dans ses mains. Elle évalua son état, soucieuse.

— Prends soin d’elle, Ryëm.

Thelonius déposa un baiser sur les lèvres de sa femme

— Que puis-je refuser à mon tendre mari ?

Gênée, Elmira détourna le regard. Elle était soulagée de voir que le couple était gentil et prévenant, presque attachant. Au fond, ils lui firent penser à ses parents. Elle ressentit une mélancolie. Ses parents lui manquaient. La jeune femme réalisa sa négligence d'assiduité à leur rendre visite. Elle imaginait l’angoisse et le chagrin les envahir quant à son absence. La peine engendrée par la peur de ne plus revoir son enfant, ni même de savoir ce qu’elle serait devenue. Ce manque d’oxygène provoqué par de faux espoirs. Un supplice éternel.

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Dragonyaa
Posté le 31/12/2022
Encore une fois, bon chapitre ! Le début permet d'indroduire un deuxième personnage de son point de vue, ça donne une certaine construction au récit, tant mieux !
Si je peux me permettre pour une petite maladresse, aujourd'hui on préfère "genre féminin" que "sexe féminin" je pense :)
Mazaroke
Posté le 31/07/2022
Bon bah j'attend la suite :)
Globalement je n'ai pas grand chose à rajouter par rapport à mes autres commentaires.
Quelques erreurs par-ci, par-là mais rien de bien méchant.
Je suis curieux de voir comment va se construire l'univers ;)
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