Comme tous les lundis matin, Théo se présenta à la réunion de service. Selon un rituel immuable, c'est dans la salle de pause que Benoît réunissait son équipe. Sous un aspect faussement décontracté, il allait encore leur pourrir la vie un peu plus. Pas une once de liberté, jamais, ainsi désormais plus aucun courrier ne devait sortir du service sans son approbation. Et vas-y qu'il se donne de l'importance. La survie de l'entreprise en dépend. L'image comprenez-vous, est d'une importance vitale... Théo n'écoutait déjà plus. Des images de plages paradisiaques passaient devant ses yeux. Il avait le goût des mojitos au bord des lèvres quand il avala une gorgée de café amère et tiède. Il la recracha violemment. Tous les regards se posèrent sur lui. Celui de son chef tout particulièrement. Penaud, Théo s'excusa et nettoya le sol avec son mouchoir. Benoît repris de plus belle et demanda à Théo où en était son dossier sur les paiements électroniques. Panique à bord. Un dossier difficile, mal ficelé et scruté par la direction. Un de ceux qui vous vole votre sommeil la nuit. Ne nous manque plus que le retour du juridique bredouilla Théo agenouillé. Ou comment gagner quelques heures de répit. Insatisfait, le chef s'en prit ensuite à chacun de ses collègues. Théo replongea progressivement sur son rivage tropical. Les mots flottaient au-dessus de sa tête comme des nuages noirs menaçants, tandis que la douceur du clapotis de l'eau l'attirait de plus en plus. Les dernières consignes lui parvinrent comme une charge sonore qui fit éclater le ciel et son crâne. Cela lui donna le tournis et dans un effort ultime, il essaya de se raccrocher à quelque chose mais ses mains ne rencontrèrent que du vide et il s'étendit de tout son long entre les pieds de Benoît et de ses collègues. Le juridique Théo, le juridique ! La semaine commençait fort.