Toi et moi

Par Elore

Bien sûr que tu l'as senti, que je pleurais sur l'oreiller. Pliée de l'autre côté de ce lit que tu me prêtais, je sanglotais en te tournant le dos, incapable de voir ta colère plus longtemps et cet acier qui brûle dans tes yeux. Incapable de te voir, de t'entendre - à bout de forces. A te vomir d'être ainsi, à me vomir de te vouloir quand même. A sursauter quand, la lumière éteinte, je sens ton poids à côté du mien, et soupirer quand je comprends que tu ne vas pas tendre ta main vers moi. D'effroi, de soulagement et de tristesse, aussi : cette réconciliation, je la veux le plus vite possible. Je veux tout effacer à coup de baisers, je veux mes mains autour de ta gorge, l'empreinte de tes doigts sur mes cuisses. Je te veux et je te hais, je pleure de m'en déchirer ainsi.

 

Il n'y a que toi pour me faire cet effet.

 

Nous sommes à un mètre l'une de l'autre et pourtant, tu n'as jamais été aussi loin. Tu t'obstines à ne pas bouger, calmer ta respiration. Nos cris résonnent encore, je sais que tu y penses. Je sais que nos disputes se multiplient et que derrière ta rage, il y a cette peur qui pulse pour moi, pour nous. Je sais qu'une échéance approche, je la sens sans comprendre d'où : c'est juste là, ça rampe. Ça se cale entre nous, ça maintient la distance. Et je ne peux pas l'abattre, je ne peux pas la franchir parce que je suis arrivée au point où je n'y arrive plus : c'est toi qui dicte tout pendant que je te soumets à mes doléances. Notre rapport de force se déséquilibre un peu plus chaque jour, nos jeux se font de plus en plus violents. Je veux tout effacer à coup de morsures, je veux voir tes yeux rouler au ciel. Je veux sentir ton souffle qui s'accorde au mien, je veux que tu me satures un peu plus chaque jour. Et c'est ce que tu fais, tu m'aimes et me hais comme jamais. Et c'est ce que je fais, en te rendant la pareille.

 

Ce soir et cet instant plus que jamais.

 

Il y a comme une paix, dans ces larmes qui coulent. Je sens que tu t'agites, les draps qui se tirent. Mon bras est trempé, mes yeux fixent le mur puisque l'horizon est de ton côté. Est-ce que tu t'es tournée, là ? Est-ce que tu me vois ? Je renifle, me sens si vidée que mes questions se perdent : il y a comme une résignation, dans les larmes. Un réconfort froid qui retombe après la tempête.

 

Il y a comme une échéance, entre nous. Un silence quand sous les draps, je sens tes ongles froids contre mon échine. Je ressens un élan familier de dégoût et la rage mais l'étouffe violemment, sans bouger. Il n'y a que toi pour me faire cet effet.

 

Tu dis mon nom.

Je ne dis rien.

Tu le répètes, tu dis que tu es désolée.

 

Je sens que tu pleures. Je sens tes regrets à tes doigts qui tremblent, affamés. Je sens mon envie, ma béance à ma peau qui hurle pour retrouver la tienne - elle a froid.

 

J'ai froid, aussi.

 

Tu te répètes.

Tu insistes.

Tu n'as jamais respecté mon silence.


Il y a comme une paix, dans les larmes qui coulent. Mon corps est ankylosé alors que je me tourne, te fais face.

Elle est terrible, ta sincérité. Ils sont atroces, les remords qui te rongent. Et parce que je sais que ce n'est pas facile, je tends la main vers toi, l'appose sur ta joue.

 

Je te dis que ça va.

C'est beau, comme je mens.

 

Je veux tout effacer à coup de jouissances pourtant ni toi ni moi ne crierons cette nuit-là. A la place, tu m'enserres et enfouis ton visage contre ma poitrine pendant que je fixe l'horizon, les lumières de la ville. Et tu pleures contre moi, nous nous berçons de larmes.

 

Il y a comme une émotion écorchée qui grandit entre nous, mûrit malgré tout. Un amour qui fait que, lorsque tu sombres contre moi et que je somnole dans tes bras, je sens que ce soir, je t'aime un peu plus que je te hais.

 

Il n'y a que toi pour me faire cet effet.

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