Tragédie en quatorze vers

Le paysage en toc est l'ultime horizon
Des théâtreux groggy par les spots lumineux.
Ils surjouent sur la planche où des bouts de carton
Font du décor un fond synonyme et odieux.

Leur comique est grotesque, italien, médiéval.
Matamore a du chef l'ironique prestance,
Colombine a du cœur la tendresse brutale :
Arlequin s'en amuse et, du reste, il en danse.

Ils sont bien tourmentés ceux qui n'ont que la scène.
Un public englouti par les ombres obscènes
Les épie s'arrondir à d'improbables drames.

Ils sont mauvais acteurs ceux qui n'ont que leur peine.
Ceux qui n'ont pour soleil, pour unique lanterne,
Que le halo épais d'un projo qui s'enflamme.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Antarctique
Posté le 24/09/2023
Entre un vocabulaire digne d'Apollinaire, les bonnes refs théâtrales (je verse une larme à Matamore, l'étude du théâtre en 1ere... que de souffrances... pas que je n'aime pas le théâtre mais les études de texte en 1ere c'est pas la meilleure façon d'apprécier) et en même temps un vocabulaire inhabituel en poésie (ça a déjà été dit dans un commentaire précédent j'avoue), magnifique : les projos et Apopo s'entendent à merveille.
Juste, question sur "Les épie s'arrondir à d'improbables drames", je suppose qu'il y a une faute à "épie" mais surtout je ne comprends pas bien la signification du vers.
Adrien Vermeil
Posté le 28/09/2023
Le public les épie (du verbe "épier"), c'est-à-dire les regarde s'arrondir ou se réduire, retirer leurs angles, leurs aspérités dans des drames improbables. C'est comme ça que je l'ai entendu en l'écrivain. Maintenant, chaque lecteur peut entendre ce qu'il veut dans cette écriture qui, pour le coup, induit à plusieurs reprises une polysémie et se laisse interpréter de diverses manières. Merci pour ta lecture attentive.
Antarctique
Posté le 28/09/2023
Ok, je me demandais justement si c'était du verbe épier mais ça me paraissait étrange suivie de arrondir, sans doute parce qu'on l'entend pas souvent
Ascoth
Posté le 05/07/2022
Il est plus que correcte ton sonnet! Il reste quelques erreurs minimes dans la versification (vers 4 et 5), et certains quatrains n'ont pas de césures à la huitième syllabe, mais hormis ça, je trouve que tes poèmes abordent un thème très originale, avec un vocabulaire très originale, une construction très originale, et tout en reprenant une forme de poésie (le sonnet) classique. C'est typiquement le genre de poème qu'on ne lit pas s'en avoir une expression faciale peu familière tout en hochant la tête à intervalle régulier. Pour résumer, le seul point négatif serait probablement le manque de rigueur au niveau des règles fondamentales de la poésie, mais hormis ça, tu as beaucoup de potentiel. Voila, je te souhaite bon courage et que ton inspiration n'ai de limite que ton talent.
Adrien Vermeil
Posté le 06/07/2022
Merci pour les compliments, et aussi pour l'honnêteté. Il est vrai que mon but n'est pas de respecter à la lettre toutes les règles du sonnet classique (comme l'alternance rime féminine / rime masculine, la césure à l'hémistiche, etc.). En revanche, je fais en sorte que mes alexandrins fassent toujours bel et bien douze syllabes. La raison pour laquelle tu trouves des erreurs de versification aux vers 4 et 5 est probablement parce que tu imagines que les mots « italien », « médiéval » ou « odieux » devraient être des diérèses. Tu as certainement raison du point de vue de la métrique classique mais ce sont ici des synérèses. Ces vers-là font donc le bon nombre de pieds. Je te remercie encore pour les encouragements, ça fait sincèrement plaisir !
Ewen
Posté le 27/06/2022
C'est vraiment très plaisant à lire : tu construits aisément de belles images, et uses avec soin de mots peu communs à la poésie (toc, groggy, projo), sans que ces derniers ne fassent pour autant tomber le sonnet dans un caractère grossier.

Je ne suis pas sûr d'avoir saisi la dernière strophe : est-ce une critique des acteurs de cinéma du point de vue des acteurs de théâtre ?
Adrien Vermeil
Posté le 28/06/2022
D'abord merci d'avoir apprécié mon sonnet ! Ah c'est intéressant je n'avais pas moi-même lu mon poème sous cet angle mais il est évidemment pertinent. Au bout du bout, c'est toujours le lecteur qui donne le sens au texte. J'ai voulu, dans ce sonnet, écrire sur des gens que je connais bien (étant moi-même le fruit du petit milieu théâtral d'une petite bourgade provinciale) et opéré une sorte de critique de la mimesis, si chère à Aristote, qui conduit les comédiens à ne plus connaître le réel, et parfois chercher à le fuir par performance. Bien sûr je considère que le théâtre est un art émancipateur mais comme toutes les passions, elle peut consumer ceux qui la pratiquent et j'ai malheureusement vu dans ce milieu des gens y succomber...
Vous lisez