Quand Elysandre récupéra la vue, ils étaient enfin sortis de ce val infernal. Elle ne put cependant pas se retenir de vomir un peu de bile. Elle remarqua du coin de l’œil que tous faisaient pareil. Ce qui la rassura, à moitié…
— Il semblerait que la nymphe Sellina en a eu assez de nous voir arpenter son territoire, lâcha Zéphyr d’une voix plate, en s’essuyant la bouche avec un carré d’étoffe grisâtre.
— Elle aurait pu prévenir, dire quelque chose tout de même, bougonna le géant aux cheveux blancs.
Zéphyr passa quelques longues minutes, à scruter l’horizon à la recherche de repères. Maintenant qu’ils avaient enfin franchi ce maudit val, il fallait avancer et rattraper tout le temps perdu. La rosée matinale reflétait les premiers rayons du soleil, Elysandre était soufflée de découvrir un paysage si lumineux après les sombres bois du Val sans Retour.
— Que c’est beau ! s’exclama-t-elle en insistant sur la dernière syllabe de sa phrase. C’est trop dommage que je n’aie pas mon tél. sur moi, soupira-t-elle encore. J’aurais trop kiffé montrer ça à mes copines…
Margod et Erin regardèrent la jeune fille, les yeux ronds et haussèrent les épaules en riant. Cette jeune humaine était vraiment hilarante avec ses réflexions incompréhensibles. Margod leva le nez et s’aperçut que le ciel s’assombrissait à toute allure. De gros nuages noirs envahissaient l’horizon. La luminosité faiblissait à vue d’œil. À ce rythme, il ferait nuit en plein jour. Un vent à décorner les bœufs venait de se lever, emmêlant aussitôt les cheveux d’Erin, déjà dans un sale état, après leur virée dans les bois, et le mode expéditif sur lequel ils les avaient quittés.
— Houlà ! Dépêchons-nous de nous mettre à l’abri ! s’exclama Margod, perplexe.
Mais à peine avait-elle terminé sa phrase qu’il se mit à pleuvoir à torrents, la neige si rare en ces lieux se mêla à la pluie, même la grêle vint faire la fête avec ses sœurs. Si ce temps persistait, la plaine allait se retrouver inondée et réapparaîtrait alors le lac aux grands oiseaux, pensa-t-elle. Erin inspira à fond, ressentant la magie en ces lieux encore plus fort que dans le reste de leur monde. Elle se frotta les tempes, désarçonnée par la force des ondes magiques qui tournaient autour d’eux.
Zéphyr indiqua de la main la direction à prendre, le mont Osmana, se dressait au loin, entouré de brume.
— Nous allons emprunter un chemin à travers les bois qui le flanquent ! cria-t-il. Il faut nous tenir le plus à distance encore du Lac des longs sanglots. Une seule rencontre avec ses maudites habitantes me suffit, lâcha-t-il encore, circonspect.
Ils se mirent tous à courir dans la direction indiquée. Tout à coup, Margod se figea, ses yeux virèrent au blanc. Une vision. Elle vit une nymphe aux yeux violets, son corps restait flou, en grande discussion avec Kaëlig. Elle ne pouvait entendre ce qu’elles se disaient, mais elles semblaient d’accord l’une avec l’autre. Puis sa vision sauta, une nouvelle image de la même nymphe, semble-t-il, lui apparut, en compagnie de Marla, la princesse de la forêt ailée qui les avait accueillis à deux reprises déjà. Margod fronça les sourcils, mais la vision ne lui en apprit pas plus, si ce n’est qu’elles avaient l’air de bien s’entendre et de bien se connaître.
La jeune Nergaléenne reprit ses esprits, troublée. Allait-elle en parler ou bien garder ces éléments pour elle, le temps de comprendre ? Par le passé, elle avait déjà eu des flashs incompréhensibles, qui s’étaient révélés inutiles et biaisés. Elle regarda au-devant d’elle, voyant ses amis continuer à courir sans avoir rien remarqué. Elle repartit aussi vite pour les rattraper. Dommage que les zèbres Ensi aient dû les abandonner au seuil du Val sans Retour…
Au travers des frondaisons, le soleil de midi tentait des percées. Mais ce n’était pas assez pour réchauffer les marcheurs. Sliman éclata de rire en entendant les borborygmes qu’émettait le ventre d’Elysandre. Même Zéphyr esquissa un sourire narquois.
— Eh bien ! Je crois, non, je suis sûr, qu’il est l’heure de faire une pause déjeuner ! s’esclaffa-t-il.
La jovialité de Sliman commençait à déteindre sur sa propre humeur, remarqua-t-il in petto. La jeune humaine lui tira la langue de dépit.
— Oui ben ça creuse la marche, et puis je me rappelle pas avoir vraiment petit-déjeuné, grimaça-t-elle encore. Y’a quoi au menu ? Je mangerais bien un double cheeseburger et une grande frite !
— On a pas ça en réserve, mam’zelle l’humaine, s’esclaffa Sliman. Par contre, on peut manger de bons petits pains de manïan. Si vous me laissez le temps d’en préparer.
— Non, on ne va pas prendre si longtemps pour manger, l’interrompit Zéphyr.
— Des galettes aux baies roses, peut-être ? C’est plus rapide et j’ai tout ce qu’il faut.
— Je vote pour ! lança Erin en souriant.
— Moi aussi ! ajouta Elysandre. Ça me changera et le nom donne envie, déclara-t-elle avec de grands yeux pleins d’étoiles.
— Viens, Tewenn, on va ramasser des champignons pour accompagner.
Tewenn se leva et sourit à son compagnon.
Elysandre les regarda s’éloigner en quête de cèpes et autres chanterelles, elle en salivait d’avance. Ils étaient mignons tous les deux. Elle se demandait à quel point ils étaient liés ? Des amis comme des frères ? Elle n’était pas très sûre, mais apparemment il n’y a qu’elle que ça questionnait.
***
À travers les feuillages, ils pouvaient apercevoir le mont Osmana, majestueux, entouré d’une couronne de brume laiteuse. Le temps s’était calmé aussi vite qu’il avait dégénéré. Ils avaient pu se restaurer au sec sous un éperon rocheux comme il en existait tant. Ils n’avaient pas lambiné pour repartir. Ils avaient toujours l’espoir qu’Enlil et ses amis les rejoindraient bientôt, afin de soulager leurs pieds et surtout avancer plus vite. Le chemin était encore long jusqu’à la grande bibliothèque d’Hector…
***
— Tu ne peux pas faire ça ! Je t’ai suffisamment aidée ! Débrouille-toi !
Des flammes de colères colorèrent les pupilles dilatées de Kaëlig. Elle serra les poings. Elle ne fit pas un mouvement en avant. Retint le hurlement qui lui brûlait la gorge. Non, elle ne céderait pas, elle avait trop besoin de l’aide de cette opportuniste à l’humeur changeante.
— Très bien ! J’attendrai ! Mais n’oublie pas qu’à l’heure dite il te faudra faire un choix, ma chère ! Tu…
Un tourbillon de vapeur violette interrompit son début de monologue. Une brume aux accents irisés de verts et de bleus la talonnait. Kaëlig soupira avec peu d’élégance. Décidément, elles avaient toutes décidé de venir fourrer leur nez dans ses affaires ! Violetta et Pas Belle, comme elle les surnommait dans sa tête, s’avancèrent pleines de leur suffisance habituelle.
— Kaëlig ! Que fais-tu si loin de chez toi ? Nous te surveillions de près. Nous avons eu vent de l’agression que tu as fait subir aux jeunes nergaléens qui poursuivent leur quête pour notre sœur Hywel. Ce sont les jeunes humains qui les accompagnent qui t’attirent ? l’interrogea Pas Belle.
***
(soir)
Aux bois touffus succéda une vaste plaine couverte de bruyère. Elysandre eut le sentiment d’être de retour chez elle si ce n’était cette atmosphère si différente. De la vapeur s’élevait entre les végétaux, elle distinguait tout juste ses propres pieds et quand elle regardait ses compagnons de voyage, elle avait l’impression qu’ils flottaient. Elle restait bouche bée, médusée devant ce spectacle irréel. Le soleil couchant augmentait encore l’effet surréaliste de la scène, avec la montagne en contre-jour. Il lui semblait qu’ils n’étaient plus très loin du mont Osmana. Elle voulut s’en assurer auprès de Zéphyr. Elle se rapprocha du Nergaléen qui observait un caillou qu’il venait de ramasser, il le glissa dans une de ses poches à son approche. Elle esquissa un sourire puis s’adressa au jeune nergaléen.
— On en a encore pour combien de temps ? Zéphyr ? J’ai mal aux pieds, je n’en peux plus, j’avoue…
— Si l’on doit continuer à pied, encore une bonne journée de marche, avoua-t-il en souriant.
— Wow ! Je ne pensais pas…, souffla-t-elle déçue.
— On va d’ailleurs faire une halte pour la nuit d’ici peu, ajouta-t-il en lui tapotant l’épaule pour la réconforter.
S’il me touche encore, je l’embrasse ! pensa la jeune fille en frissonnant.
— Regarde là-bas, indiqua-t-il avec sa main tendue, tu vois les constructions ?
Elysandre plissa les yeux et aperçut une sorte de petite maison, a priori en pierre. Elle distingua une forme qui sortait de terre à quelques pas. Un puits ? se demanda-t-elle en frissonnant de terreur au souvenir du précédent.
— Oui, c’est quoi ? La maison de quelqu’un que tu connais ?
— Non, je ne crois pas, s’esclaffa le Nergaléen. C’est un lieu de passage et de repos pour les voyageurs. Il en existe d’autres, disséminés sur toutes les terres de notre monde. On y trouve toujours de quoi se restaurer et se laver. Il y a des couchettes pour une dizaine de personnes en général. Ce sont des lutins des bois de Loch qui les entretiennent et les ravitaillent en toute saison. Les hôtes sont invités à nettoyer aussi avant de repartir. Il n’est pas rare qu’un lutin soit présent pour accueillir les visiteurs.
— Oh, je vois ! Un peu comme des chambres d’hôtes.
Zéphyr la regarda sans comprendre, mais sourit tout en continuant.
— Je ne connais pas celui-ci, mais je suis sûr qu’on pourra s’y reposer en sécurité pour la nuit.
— Super ! déclara la jeune fille, ravie de pouvoir bientôt s’asseoir, ou plutôt s’écrouler sur une couchette après un bon décrassage.
Elle rêvait d’une douche à l’italienne comme chez sa grand-mère. Mais elle avait conscience que ce serait plutôt un baquet d’eau, chaude avec un peu de chance, et un bout de tissu pour se frotter. Elle soupira, désabusée, le souvenir de la salle de bain de Griselda en amena d’autres… Elle se revit dans sa chambre, attenante à celle de son frère, qu’elle rejoignait les nuits d’orage. Elle se glissait sous la couette et se pelotonnait tout contre lui. Il la serrait alors dans ses bras pour la rassurer, puis ils s’endormaient jusqu’à ce que l’affreuse sonnerie de réveil du téléphone hurle sur la table de nuit. Elysandre, qui détestait cette alarme, se lamenta de ne plus l’entendre depuis… depuis ? Elle essaya de calculer le nombre de jours sans avoir entendu ce fameux tintamarre qu’elle entendait même de sa propre chambre. Une semaine ? Deux ? La fatigue l’empêchait de réfléchir, elle laissa tomber, elle demanderait à Zéphyr plus tard.
Ils arrivèrent enfin à la petite construction. Elle était faite de pierres moyennes et d’une ossature bois. Un mince filet de fumée grise sortait par la cheminée. Un petit saule bleu poussait de l’autre côté de la maison. Et en face se trouvait un puits en pierre avec un petit tonneau en bois dont l’anse était reliée à une corde accrochée au petit toit surplombant la structure. La jeune fille frémit à cette vision, elle crut même entendre le ricanement de petit démon du lutin d’Urielle. Zéphyr la tira par le bras.
— Viens ! Arrête de te faire du mal. Tu ne reverras plus jamais Héron, ce n’est rien qu’un simple puits ici.
Elle passa une main sur son crâne et entortilla la seule mèche qui lui restait, autour de son index. Elle grimaça de dégoût à l’idée de son apparence. Elle s’assura que sa tête de chauve était bien couverte. Elle shoota dans une petite pierre sur l’allée et suivit le Nergaléen. Ils entrèrent dans la masure, il faisait bon. Des petites chandelles éclairaient la pièce en plus du feu dans l’âtre. Elle distingua un escalier en colimaçon sur le côté.
— Soyez les bienvenus, voyageurs ! déclama pompeusement un lutin du bois de Loch tout sourire.
Un gros chat roux miaula en réponse et s’étira avec superbe tout en dédaignant les arrivants. Il se remit en boule sur son coussin à côté du foyer.
— Je suis Nestor, votre serviteur. Déchaussez-vous vite et disposez vos souliers devant le feu.
— Bonsoir, répondirent en chœur les Nergaléens, qui enlevèrent à la hâte leurs chaussures détrempées, qu’ils avaient bien raclées sur la caillasse prévue à cet effet juste devant le seuil de la maison.
Le lutin marqua un temps d’arrêt à la vue de la jeune humaine, fronça les sourcils puis sourit. Il sautilla jusqu’à la porte à droite de la cheminée en leur faisant signe de le suivre de la main. Une délicieuse odeur de soupe aux poireaux les accueillit. Le ventre d’Elysandre se manifesta encore une fois ce qui fit éclater de rire Sliman.
— Asseyez-vous, asseyez-vous ! Vous devez avoir bien faim, j’imagine ! Quand j’ai appris qu’une petite troupe de Nergaléens arrivait, j’ai préparé une grosse marmite de bouillon bien chaud. Je vous ai aussi préparé de grosses galettes de blé noir.
Sur la table était disposé le nombre exact de couverts nécessaires : de grandes assiettes creuses en terre cuite, des cuillers en bois, des couteaux et de grands gobelets en bois. Elysandre était bouche bée, se demandant bien comment leur hôte avait pu savoir combien ils étaient. Le fumet qui se dégageait de la marmite lui donna l’eau à la bouche. Une fois tous installés, Nestor leur servit de grandes louchées du potage, accompagnées d’une pile de galettes encore fumantes. Il apporta plusieurs pots de ce qui sembla être des confitures pour la jeune fille. Chacun remercia chaleureusement le lutin et se jeta sur son repas. Nestor s’installa en bout de table pour les observer. Le chat vint quémander des caresses tout en essayant de chiper une galette sur l’assiette la plus proche, celle de Sliman. Celui-ci lui donna un bout de galette que l’animal attrapa de la patte pour aller le déguster plus loin.
— Vous venez de vous faire un ami, jeune Nergaléen ! Mais prenez garde de ne pas trop lui en donner, il est bien assez gras comme ça ! s’esclaffa le lutin.
Sliman rit à son tour et enchaîna :
— Vos galettes sont délicieuses, me donneriez-vous la recette ? Quel est votre secret pour qu’elles soient si croustillantes et moelleuses à la fois ?
— Il faut bien laisser reposer la pâte, puis la cuire sur une pierre chauffée dans le feu. Ensuite, la pierre doit rester sur les braises pour les galettes suivan…
Un crachat inopiné du félin interrompit ses explications. Le chat se mit à faire le gros dos face à la petite fenêtre, obturée par un lourd rideau brun. Tous se tournèrent vers la fenêtre, intrigués. Un léger souffle fit bouger le tissu. Le chat bondit dessus toutes griffes dehors et feula, les babines retroussées. Elysandre eut un mouvement de recul, elle sentit la main de Zéphyr se poser sur la sienne dans un geste d’apaisement. Les Nergaléens continuaient d’observer le manège de l’animal furieux.
— Kiko ! Laisse ces rideaux tranquilles !
Le chat répondit d’un grognement mécontent.
— C’est encore un de ces corbeaux qui vient le narguer. Ne faites pas attention, mes amis. Reprenez votre repas.
Kiko feula encore et retourna finir son morceau de galette, tout en continuant de grogner, rageur. Le croassement d’un corbeau vint confirmer la théorie de Nestor. Margod fit la moue, sceptique, mais se concentra sur sa soupe. Erin se frottait les tempes, sourcils froncés, tandis qu’Ergad et Tewenn se remplissaient la panse, sans se soucier des facéties du félin. Ergad en était à sa huitième galette qu’il trempa avec gourmandise dans la soupe encore tiède.
***
Elysandre se retourna sur sa couchette. Ça lui démangeait entre les omoplates depuis plusieurs jours ce qui ne l’aidait en rien à bien dormir. Le matelas fait de toile grossière sentait la paille dont il était bourré. Elle n’avait encore jamais dormi sur un tel lit. Elle regretta une fois de plus sa chambre et son lit douillet, couvert de coussins et d’une grosse couette en plumes. Elle entrouvrit les yeux, en face d’elle, Zéphyr était assis sur sa propre couche. Il la regardait. Il détourna vite les yeux quand il s’aperçut qu’elle le scrutait sous ses paupières mi-closes.
— Zéphyr, chuchota-t-elle, pourquoi tu ne dors pas ?
La jeune fille se souleva sur un coude dans l’attente d’une réponse.
— Je pense trop, mon cerveau mouline, je n’arrive pas à trouver le sommeil…, soupira-t-il.
— C’est cette histoire d’énigme ? Ou de quête ? Je n’ai pas trop compris encore, le questionna-t-elle en s’asseyant sur son matelas.
Le Nergaléen lui fit signe de se lever et de le suivre vers l’escalier. Ils descendirent en silence sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller leurs compagnons endormis. Un ronflement sonore, mais bref, les fit sursauter. C’était Ergad qui avait bougé dans son sommeil. Ils rirent sans bruit à leur réaction exagérée. Ils allèrent se poser devant la cheminée qui brûlait encore fort derrière le pare-feu en métal ouvragé. Divers motifs géométriques en composaient le décor. Elysandre y reconnut des triskèles, ce qui la fit sourire. Assis sur des chaises qu’ils avaient prises sous la table, ils restèrent un moment sans parler pour profiter de la douce chaleur du foyer.
Zéphyr observait la jeune humaine, cela faisait une dizaine de jours qu’ils les avaient découverts, elle et son frère, et il se rendait compte qu’il la connaissait à peine. Et pourtant il sentait cette attirance réciproque. Il finit par interrompre le silence.
— Elysandre ?
— Oui Zéphyr ?
— Pourquoi tu ne dors pas ? Moi je connais les raisons de mon insomnie, mais les tiennes ? J’imagine que tu penses à ton frère… à ton monde. Mais j’ai la sensation qu’il y a autre chose.
Ben oui toi… toi et tes beaux cheveux, tes yeux magnifiques…
— J’ai du mal à dormir sur ces couchettes… Mon lit me manque ! soupira-t-elle en essayant de se gratter le haut du dos, plutôt que de dévoiler ses pensées plus romantiques. Et toi ? C’est votre… quête ? D’ailleurs, je ne suis pas sûre d’avoir vraiment compris de quoi il s’agissait.
Le Nergaléen passa une main dans ses longs cheveux détachés. Il fronça les sourcils puis souffla.
— Je vais recommencer depuis le début. Notre peuple est protégé par une nymphe, Hywel. En échange de sa protection, elle expose une requête à chaque nouvelle génération de Nergaléens. Tous les débuts de nouveau cycle. Quelques jours avant notre rencontre, Hywel nous a demandé de lui rapporter les porteurs du signe et un bouquet des fleurs de Maël. Bien sûr, nous ne savons pas du tout à quoi elle fait référence…, soupira-t-il, soucieux.
— Une nymphe ? Comme Kaëlig ? Il y a beaucoup de nymphes ? Groen… quelque chose ? Urielle ? frémit-elle en repensant à son lutin.
— Oui, ce sont toutes des nymphes. Chacune possède un domaine, certaines sont protectrices. Elles sont peu nombreuses, bien moins qu’aux temps anciens. Les guerres de clans en ont décimé une très grande partie…
— Ah oui ? Ben dis donc… Et y’en a des gentilles et des méchantes si j’ai bien compris…
— C’est plus compliqué que ça, l’interrompit Zéphyr en riant.
— Et les porteurs ? Vous avez une idée de ce qu’ils sont, ou de qui ils sont ? Et d’ailleurs, de quel signe s’agit-il ? Vous en avez une idée ?
Le Nergaléen resta silencieux un moment, plongé dans ses pensées. Elysandre frissonna, elle n’avait pourtant pas froid… Être si près du jeune homme et seuls tous les deux lui rappela l’épisode dans la tente dans la forêt ailée. Ses lèvres se couvrirent de fourmis et son bas ventre de papillons furieux. Elle se rapprocha un peu plus de lui. Il ne bougea pas. Elle hasarda une main vers la sienne. Le contact l’électrifia et la chaleur envahit en un raz de marée tout son être. Il n’avait toujours pas bougé ni montré la moindre réaction. Douche froide, elle retira au sec sa main.
— Sssshhhhhhh Ssssssssshhhhh…
Zéphyr sortit aussitôt de sa transe et fixa sa jeune amie. Il l’attrapa par le bras et la tint contre lui tout en inspectant la pièce. Des sentiments mêlés s’entrechoquaient dans la tête d’Ely, peur, frustration, colère, bien-être, joie, passion, incompréhension. De nouveau, ils entendirent des sons inconnus qui semblaient s’être rapprochés d’eux.
— Sssshhhhhhh, Ssssshhhhh, Ssssssssshhhhhhh…
Les bruits paraissaient leur tourner autour de plus en plus vite !
— Sssshhhhhhh, Ssssssssshhhhhhhhhh…
— Sssshhhhhhh, Ssssssssshhhhh, Ssssssssshhhhhhh…
Elysandre se pelotonna contre son ami à la peau bleue. Elle le sentit farfouiller dans ses poches.
— Sssshhhhhhh, Ssssssssshhhhh, Ssssssssshh…
— …
Les sons s’interrompirent quand un petit caillou noir vola dans la pièce et percuta quelque chose d’invisible. Il finit sa course à la verticale en tombant sur le sol dans un bruit mat. Zéphyr baissa le bras et la main qui venait d’envoyer la petite pierre. Il entoura de ses bras la jeune fille pour la rassurer. Il l’embrassa sur le front longuement. Elysandre se liquéfia. Ils restèrent ainsi un long moment qui parut tout de même trop court à la jeune fille.
— Remontons nous coucher, ce n’était qu’un fantôme.
Elle acquiesça silencieusement, mitigée et de nouveau frustrée.