Les semaines passent, la fin d'année arrive et les couloirs de l'hôpital se trouvent bientôt décorés de guirlandes. On me dit que c'est pour Noël. C'est une fête de famille alors je ne me sens pas concernée. Le temps continue de me prouver que je n’ai personne.
Le service dans lequel je vis est comme au ralenti. Le jour J, à l’instar des jours précédents, je me contente de zapper d’une chaîne à l’autre mais chacune d’entre elles me renvoie à cet événement ; Il faut croire que toutes ont revu leurs programmes pour tourner autour de cette fête. En fin d’après-midi j'éteins la télévision après avoir tenté de suivre un énième de ces téléfilms qui me sont étrangers. Par delà la fenêtre, je vois le monde se couvrir de blanc. De gros flocons virevoltent dans le vent jusqu’à s’écraser parfois contre ma fenêtre, jusqu’à elle-même être recouverte de givre.
- Tu veux venir un peu avec nous ? On fait une petite fête au poste de garde, m'annonce Mathilde en toquant à la porte, me tirant par la même de ma rêverie.
- Je ne veux pas déranger.
- Si je te le propose, c’est que tu ne dérangeras personne.
- Pourquoi pas ...
Je descends de mon lit et glisse mes pieds dans des pantoufles.
- Mets ça pour ne pas avoir froid, dit-elle en m’ouvrant un peignoir.
Je la suis en gardant ma main sur ma clef. Tout le reste du service est calme. Les visites sont terminées depuis peu et pour ainsi dire la plupart des patients sont rentrés en famille. Il ne reste ici que les cas graves et les causes désespérées.
Le poste de garde des infirmiers est tout aussi décoré que le reste de l'hôpital. La première chose que je vois en arrivant est le sapin qu’ils ont mis sur la console. Des lumières le parcourant clignotent calmement. Par delà, je vois qu’ils se sont installés autour d’une table et qu’ils jouent à des jeux de société. L’un des collègues de Mathilde porte un grand bonnet rouge à pompon blanc qui dénote avec sa blouse bleu clair. Ils se partagent des gâteaux, certains sucrés, d’autres salés ainsi que des jus de fruits dans des gobelets en plastique.
- Je ramène Clara, leur signale Mathilde.
- Bonsoir…
- Bonsoir, me répondent-ils à la collégiale.
Ils me connaissent tous et je les connais tous, il n’y a aucune présentation à faire. Je pense qu’ils ont pitié de moi et je réalise que j’ai aujourd’hui également pitié d’eux. Je suppose que des gens doivent les attendre chez eux et qu’aucun n’est ravi d’être bloqué ici.
- Tu veux jouer aux cartes ? Me demande un collège de Mathilde.
- Je ne connais pas les règles.
- Je vais t’apprendre, on va jouer ensemble pour les premières parties, me glisse cette dernière.
Nous nous asseyons donc côte à côte et elle prend sur elle de commencer à m’expliquer les cartes et les combinaisons gagnantes. Ma clef entre les doigts, j’ai du mal à m’occuper de mes cartes, mais personne ne m’en tient rigueur. Tout le monde est patient avec moi. Je crois que dans l’ensemble ils se sont faits à ma présence.
Nous changeons plusieurs fois de jeu au fil de la soirée. Mathilde m'invite à piocher dans une boîte de chocolats à plusieurs reprises.
Alors que je commence à fatiguer elle jette un regard à l’horloge murale et je l'imite : Ça va être l’heure.
- On retourne dans ta chambre ? me demande-t-elle.
- S’il te plaît.
Je suis fatiguée. Je souhaite bonne nuit à tous avant de m’en aller avec Mathilde. Le trajet retour vers ma chambre me paraît long. Des lumières scintillantes du poste de garde, je retourne à de fades allogènes.
- Je peux me rallonger ? Je demande en regardant Mathilde.
- C’est comme tu le sens.
Pendant que je retire mes chaussons, Mathilde tape un peu mon oreiller. Je me glisse dans le lit et elle remonte la couverture sur ma taille.
- Tu me prêtes ta clef ?
Je la lui tends en me tournant vers la fenêtre. Les flocons sont toujours là, à vivre et mourir au gré du vent. Mathilde me tire de ma rêverie à l’instant où je la sens insérer la clef dans mon corps.
- Prête ?
- Oui …
Même si elle remonte mes ressorts d’un geste régulier, chaque cliquetis et torsions internes au mécanisme résonnent en moi. Je me crispe à chaque tour. Chacun des vingt-quatre. Dès qu’elle a fini, elle retire ma clef et me la rend. Je la serre entre mes mains et contre mon corps. Il faut qu’elle reste avec moi. Aujourd’hui aura été un jour comme un autre, il aura été similaire à la veille et le lendemain lui ressemblera.
- C’est un peu en avance, mais … chuchote Mathilde.
Elle sort un petit sac de son dos, duquel elle tire une boîte bleue parcourue d’un liseré argenté.
- Joyeux Noël, dit-elle en me la tendant. C'est de la part de toute l'équipe.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Ouvre.
J'ouvre la boîte sans m'attendre à rien et y trouve une longue chaîne dorée.
- C'est pour que tu puisses porter ta clef autour du cou, m’explique Mathilde. Si tu veux.
- Merci.
- Tu veux que je te la passe ?
Je lui rends la boîte. Elle en sort la chaîne et me la passe après m’avoir dégagé les cheveux.
- Je te laisse y accrocher ta clef, il y a un petit anneau pour ça.
Je glisse la boucle de ma clef dans l’anneau qu’elle m’indique et la laisse reposer libre contre ma peau. Elle a trouvé sa place.
- Ce n’est pas tout, ça c'est de ma part, dit-elle en sortant de son sac un lapin en peluche.
Il me regarde de ses deux grands yeux brillants et je le regarde en retour. Un petit nœud rouge décore sa tête et contraste avec sa couleur crème, de grandes oreilles faisant sa taille lui formant comme une cape. Je le prends sur mes genoux et lui caresse le pelage.
Je me souviens que cette intrigue était la première dont j'avais entendu parler sur le Discord, mais je ne l'avais pas lue. Je ne sais pas où tu vas chercher ces idées, mais c'est tellement intrigant !
Je trouve que tu arrives à faire quelque chose avec lequel je lutte beaucoup : écrire sans fioritures. Le ton est direct, les sensations de Clara retranscrites avec le minimum de mots et en même temps très faciles à comprendre. Du coup, le texte est court, mais super agréable à lire.
Peut-être que je vais demander à Camice de t'asticoter pour avoir la suite, parce que je suis curieux de ce que tu peux faire de cette histoire !
Quelques remarques que j'ai attrapées au vol à la lecture :
- Chapitre 2 (tic-tac) : tiens, pourquoi tourner dans le sens inverse ? J'ai hâte de savoir si ça a une incidence.
- Chapitre 3 "attitrée en quelques sortes." > En quelque sorte, c'est invariable :)
La suite, la suite !
LX
Grosse pression d’être la première intrigue dont tu as entendu parler sur le discord, mais ça a l’air de s’être bien passé et je suis ravie que ça te plaise également.
C’est un très beau compliment que tu me fais par rapport à l’écriture sans fioriture. Pour cette histoire j’ai envie d’être assez minimaliste, alors si ça se lit tout aussi bien je suis contente.
Pas d’alliance entre lecteur.ice.s pour asticoter les auteur.ice.s… C’est déjà suffisamment de la faute de Camice (Love si tu passes par là) …
Par rapport à tes remarques :
- Chapitre 2 (tic-tac) : Il n’y a pas vraiment de raison au fait que que le remontage se fasse dans le sens anti-horaire, j’ai juste réfléchi par rapport à une horloge classique qui se remonte par l’avant dans le sens horaire et j’ai inversé dans le cas de Clara.
- Chapitre 3 : Je note que “en quelque sorte” est invariable. Merci.
La suite… bientôt j’espère. C’est un “gros” morceau que je vais peut-être découper.
P.S. : Très bon choix, la team lapin. Pour le CG, je te laisse cogiter…
Oh ! C'est mignon, et vraiment attentionné !!
Une suggestion, si ça va dans ton sens. Peut-être que la fin de ton chapitre serait plus impactant sans le dialogue final (merci / de rien) qui est très attendu et n'apporte pas grand-chose (serait sous entendu de toute façon).
Super en tous cas
!! Continue comme ça :)
Les petites coquilles :
"C'est une fête de famille alors je ne me sens pas concerné." (accord au féminin, si Clara narratrice)
Peut-être pas une erreur mais "L’un des collègues de Mathilde porte un grand bonnet rouge à pompon blanc qui dénote à sa blouse bleu clair. " j'aurais plutôt mis "dénoter AVEC" que "dénoter à" (mais vérifie c'est purement instinctif je ne connais même pas réellement de règle).
J’aime ce qui est mignon, c’est un trait de caractère je crois.
Ta suggestion est intéressante. Par défaut j’aime bien finir sur un échange de dialogue par habitude scénographique, mais dans le cas présent l’échange est assez plat en effet… Je crois que je vais suivre ton avis.
Merci de trouver ça super (Et pour l’identification de coquilles) ! La suite sera pleine de joie et de difficultés !
Enfin je trouve l'ensemble équilibré et quand même joyeux, dans le fond. Quand j'étais jeune et que je faisais de la poésie j'avais une phrase pour ça, je disais "la beauté triste, que le sublime dispute à l'abject"... maintenant que je suis vieille j'ai laissé tomber la poésie et je fais des commentaires plus terre à terre :)
Voilà, sinon je suis contente que ma suggestion t'ait paru pertinente :)